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Rapport de visite de l’unité hospitalière spécialement aménagée de Marseille (Bouches-du-Rhône)

Rapport de visite de l’unité hospitalière spécialement aménagée de Marseille (Bouches-du-Rhône)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

 

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, accompagnée de trois contrôleurs, a effectué une visite annoncée de l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de Marseille du 3 au 7 septembre 2018.

Un rapport provisoire a été adressé le 15 janvier 2019 au directeur de l’assistance publique hôpitaux de Marseille (AP-HM), à la délégation territoriale de l’agence régionale de santé, au directeur du centre pénitentiaire les Baumettes ainsi qu’au président et au procureur du tribunal de grande instance de Marseille. Seule la directrice adjointe de l’AP-HM a fait connaître des observations en retour, le 27 février, prises en compte dans le présent rapport.

L’UHSA de Marseille constitue le dernier établissement de la première tranche de construction de neuf UHSA (440 places au total). Elle relève de l’assistance publique hôpitaux de Marseille (AP-HM) et du centre pénitentiaire des Baumettes.

L’établissement est destiné à l’accueil et la prise en charge en hospitalisation complète, en soins libres ou sur décision du représentant de l’Etat (SDRE), de personnes détenues souffrant de troubles mentaux, majeures ou mineures, hommes ou femmes, incarcérées dans les seize établissements pénitentiaires des régions PACA et Corse qui totalisent 6 649 places théoriques et hébergeaient, au premier jour de la mission, 7 554 personnes.

Il offrira à terme soixante lits mais, à la date de la visite, seules deux unités étaient ouvertes (soit quarante lits), depuis respectivement les mois de février et avril 2018. La date d’ouverture de la dernière tranche n’était pas arrêtée, notamment en raison des difficultés à recruter des médecins psychiatres. Le taux d’activité moyen depuis l’ouverture de la deuxième unité s’élevait à une trentaine de patients pour des séjours de l’ordre d’un mois, durée correspondant au projet médical. 57 % des patients avaient été admis en SDRE.

Les supports écrits de fonctionnement de la structure : règlement intérieur, convention et annexes, projet médical et de soin, préparés depuis 2008 et réactualisés en 2017, n’étaient pas encore validés par les instances.

L’UHSA est implantée dans un bâtiment neuf de deux étages, édifié à 500 m de l’hôpital Nord qui assure notamment les urgences somatiques et psychiatriques et du CHS Edouard Toulouse.

Les chambres (seize individuelles et deux doubles par unité) et les espaces de soins sont répartis autour d’un patio à ciel ouvert. L’ensemble est sécurisé mais ne comporte ni concertina ni barreaux, de sorte qu’il constitue un cadre de soin apaisant. Les locaux sont adaptés aux besoins des patients et des professionnels, cependant quelques aménagements apparaissent nécessaires : horloges dans les chambres, verrous dans les salles d’eau, amélioration de l’intimité et de la confidentialité dans les chambres d’isolement (deux par unité).

L’établissement est correctement doté en personnel hospitalier.

Outre le médecin coordonnateur, deux médecins psychiatres interviennent dans chaque unité. Cependant, ils exerçaient au moment de la visite sous un statut contractuel quoiqu’ayant été admis au concours de praticien hospitalier de psychiatrie. Ce cadre d’emploi fragilisait la stabilité de cette jeune structure et la Contrôleure générale a alerté le directeur général de l’AP-HM sur ce point, ce dernier s’étant engagé au terme du courrier du 27 février à titulariser ces médecins d’ici janvier 2020. Par ailleurs, la permanence des soins n’était pas stabilisée. La garde de nuit repose sur les internes de l’hôpital Nord dont il a été constaté qu’ils ne se déplaçaient pas toujours (40 % des appels traités à distance, parfois avec prescription sans examen du patient).

Le personnel soignant exerce en nombre adapté : quatre infirmiers et un aide-soignant en journée dans chaque unité. Des professionnels spécialisés : psychologue, ergothérapeute, psychothérapeute, assistante sociale sont étroitement associés à la prise en charge. Cependant, et malgré une formation à la prise de poste de quatre semaine, l’équipe soignante, très majoritairement issue de services de MCO[1], est globalement peu familiarisée à la prise en charge de la maladie mentale, exprimant une appréhension où se mêlaient dangerosité sociale et psychiatrique qu’aucun incident objectif ne venait étayer. Ces craintes conduisent à des sollicitations trop fréquentes du personnel pénitentiaire au sein des unités de soins. Médecins et cadres, conscients de la nécessité de professionnaliser les équipes soignantes, se sont engagés à développer les stages en immersion dans des services de psychiatrie de secteur.

Le personnel pénitentiaire est apparu bien préparé, investi et encadré. Cependant, outre quelques postes vacants (un major, deux gradés et deux surveillants), la constitution d’une seule escorte pénitentiaire est insuffisante, conduisant à retarder des admissions et des sorties. Une deuxième équipe d’escorte est indispensable lors de l’ouverture de la troisième unité.

Les conditions d’accueil et de prise en charge sont respectueuses de la dignité des patients et de l’effectivité de leurs droits. Cependant l’information des personnes admises sans leur consentement devra être améliorée par la remise et l’affichage de documents récapitulatifs des droits et par la sensibilisation et la formation du personnel à ces questions. Par ailleurs il n’est pas admissible que les patients détenus soient systématiquement fouillés après un parloir.

Pour 106 admissions, les médecins ont prescrit 41 décisions d’isolement (concernant 37 patients), majoritairement lors de l’admission (27 décisions). La durée médiane des séjours est de 3,9 jours mais certains patients sont demeurés plus de deux semaines en chambre d’isolement. L’exploitation de ces données devra être réalisée avec les équipes soignantes, de sorte que toutes les catégories de professionnels déploient les compétences nécessaires pour réduire ces mesures. En revanche il n’avait jamais été fait usage de la contention depuis l’ouverture.

A l’issue de leur séjour, les patients réintègrent majoritairement leur établissement pénitentiaire d’origine où la poursuite des soins, quoiqu’anticipée et préparée, s’exerce dans des conditions parfois difficiles et inadaptées en raison de la surpopulation carcérale et de l’offre de soins variable selon les établissements, mettant parfois rapidement à néant les bienfaits du séjour et suscitant très globalement l’appréhension des patients.

Cette visite du CGLPL, intervenant à quelques mois seulement de l’ouverture et alors que le fonctionnement de la structure était encore en cours d’évolution, s’est déroulée dans un excellent climat auprès de toutes les catégories de personnel. Les observations de la directrice adjointe après lecture du rapport provisoire font état de la prise en compte d’un certain nombre de recommandations : sécurisation du statut d’emploi des médecins, recrutement d’une seconde assistante sociale, poursuite de la formation de l’ensemble du personnel, amélioration des supports d’information des patients, aménagement de certains locaux, réflexion sur les pratiques d’isolement, etc. Il est toutefois regrettable que l’administration pénitentiaire n’ait pas fait connaitre sa position sur un certain nombre de difficultés identifiées lors de la visite et notamment la faiblesse du personnel d’escorte.

[1] MCO : médecine-chirurgie-obstétrique