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Rapport de la troisième visite de la maison d’arrêt d’Angers (Maine-et-Loire)

Rapport de la troisième visite de la maison d’arrêt d’Angers (Maine-et-Loire)

Observations du ministère de la santé – Maison d’arrêt d’Angers (3e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. 

 

Synthèse

Six contrôleurs ont effectué une visite annoncée de la maison d’arrêt d’Angers du 5 au 14 février 2018. Il s’agissait d’un troisième contrôle, faisant suite à des missions conduites en 2008 et 2009. Un rapport de constat a été adressé le 7 juin à la directrice de la maison d’arrêt, aux directeurs du centre hospitalier universitaire et du centre de santé mentale d’Angers ainsi qu’au président et au procureur de la République du tribunal de grande instance d’Angers. Le 1er novembre 2018, aucun de ces destinataires n’avait formulé d’observations en retour.

La maison d’arrêt d’Angers est un établissement ancien, proche du centre-ville, en fonctionnement depuis plus de 150 ans. Elle est appelée à fermer d’ici quelques années, un projet de construction d’un nouvel établissement étant initié sur la commune proche de Trélazé. Un certain nombre d’agents appréhendent l’exercice dans un établissement plus moderne et peut-être plus grand, moins propice aux contacts humains.

Le bâtiment souffre d’un manque d’entretien majeur. Les cellules, toutes doubles, sont très exigues (8,80 m²), sombres, peu ventilées, dégradées, sans eau chaude et sous-équipées en mobilier. Un tiers d’entre elles ont encore des sols en ciment brut, qu’il est impossible d’entretenir correctement. Ces points, qui avaient déjà fait l’objet de recommandations à l’issue des premiers contrôles, n’ont donné lieu à aucune amélioration. Cependant, la directrice en fonction lors de la visite avait initié un certain nombre de travaux, rendus complexes dans un contexte désormais relativement proche de la fermeture. L’établissement dispose d’ateliers et d’un service technique qui doit impérativement être mobilisé pour rénover les locaux, avec le concours des personnes détenues volontaires. Ceci est d’autant plus indispensable que le taux d’occupation de l’établissement reste très élevé, à 160 % lors de la visite, soit 362 personnes hébergées et que l’ensemble de la maison d’arrêt fonctionne selon le régime des portes fermées. Deux, voire trois personnes, restent donc enfermées continuellement dans moins de 9 m².

L’effectif du personnel n’est pas adapté à ce taux d’occupation. Le personnel de surveillance n’est pas en capacité de gérer avec fluidité l’ensemble des mouvements et d’assurer la sécurité des personnes, dont certaines disent ne pas oser sortir de leur cellule. Lors de la visite, cinq postes d’officiers ou de premiers surveillants étaient vacants, situation dégradée par rapport aux premières visites.

Néanmoins, les relations entre le personnel et les personnes détenues paraissent calmes dans l’ensemble, même si les insultes sont en augmentation. Les incidents sont traités sans retard et avec proportionnalité. Cependant, l’état des trois cellules disciplinaires et de la cour réservée aux personnes punies est totalement indigne.

L’établissement est idéalement situé pour les familles qui bénéficient d’un lieu d’accueil à l’extérieur de l’établissement et d’une prise en charge par le personnel pénitentiaire qui n’appelle pas d’observation. Cependant, nonobstant les recommandations formulées en 2009, les visites se déroulent dans des locaux toujours aussi exigus, vétustes et non confidentiels.

La prise en charge des arrivants, en revanche, s’est améliorée avec la constitution d’un petit quartier spécifique en 2009. Ces cellules ont été rénovées et l’ensemble des intervenants dispensent une information et réalisent des évaluations qui permettent une orientation rapide vers l’enseignement et les soins.

Le SPIP, malgré le manque de locaux d’entretien déjà signalé à l’issue des premières visites, dispense un accompagnement individuel et des actions collectives de qualité, en coopération avec un grand nombre de partenaires locaux. Les actions d’insertion se heurtent toutefois à une offre de formation professionnelle modeste (une cinquantaine de places par an) et surtout à une diminution de l’offre de travail. L’absence de sources de revenus est génératrice de tensions en détention et ne permet pas la constitution d’un petit pécule de sortie, indispensable à la prévention de la récidive.

La prise en charge médicale, somatique, en santé mentale et addictologie, est remarquable, hormis les soins dentaires qui nécessitent toujours un délai d’attente de l’ordre de deux mois. Des travaux d’extension de l’unité sanitaire ont été réalisés en 2011 et, quoique parfois peu fonctionnels, ces nouveaux espaces permettent l’intervention de multiples intervenants. En revanche, le personnel de surveillance peine à gérer les multiples mouvements nécessaires à la dispensation des soins et, lors des consultations extérieures, les agents d’escorte demeurent présents malgré les observations déjà formulées et l’engagement du CHU de sensibiliser les chefs de service aux impératifs de dignité et de secret médical.

L’établissement est apparu, aux contrôleurs, délaissé depuis trop longtemps sur le plan immobilier, conduisant à des conditions de détention indignes de notre époque. En dépit de ce cadre dégradé, le personnel de surveillance est attaché à l’établissement et connaît bien la population pénale. Les personnes détenues ont souvent connu plusieurs séjours dans l’établissement en dépit d’actions dynamiques d’accès au droit, à l’enseignement, la culture et la santé.

L’équipe de direction et l’ensemble du personnel, pénitentiaire ou extérieur, se sont montrés ouverts lors des entretiens conduits par les contrôleurs et de la réunion de restitution des premières observations en fin de mission. L’établissement entre dans une phase de fermeture qui ne doit conduire au délaissement ni des personnes détenues ni du personnel, lequel devra être associé au projet du nouvel établissement. Il est souhaitable, pour des commodités de transport, que le quartier de semi-liberté, ouvert en 2010 à l’extérieur de l’enceinte de la maison d’arrêt, ne soit pas déplacé à l’occasion de l’ouverture du futur établissement en banlieue angevine.