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Rapport de la deuxième visite du centre de détention de Bapaume (Pas-de-Calais)

Rapport de la deuxième visite du centre de détention de Bapaume (Pas-de-Calais)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Sept contrôleurs ont visité le centre de détention (CD) de Bapaume (Pas-de-Calais) du 5 au 13 mars 2018. Il s’agissait de la seconde visite, la première datant de décembre 2011.

Un rapport de constat a été envoyé par courriers en date du 18 janvier 2019 au directeur de l’établissement pénitentiaire, au directeur de l’établissement de santé, au président du tribunal de grande instance d’Arras et au procureur de la République près le même tribunal. Seul le directeur général du groupe hospitalier Artois-Ternois a communiqué ses observations en retour, le 5 mars 2019 ; elles ont été intégrées au présent rapport.

L’établissement de 599 places accueille des hommes (483 places) et des femmes (94 places). Quatre bâtiments convergeant vers un couloir et un poste de contrôle constituent l’hébergement : A, B, C pour les hommes, F pour les femmes.

Le personnel est au complet, sauf exceptions, et il est expérimenté.

Les cellules qui accueillent les personnes à mobilité réduite n’en respectent pas les normes.

Le 1er mars 2018, 542 personnes étaient hébergées, soit un taux d’occupation de la structure de 90,5% seulement, en raison d’une sous-occupation du quartier des femmes (taux d’occupation de 74,4%). Plus de 70% de la population pénale exécute une peine de réclusion criminelle, 70% est auteur d’une infraction à caractère sexuel, 2% (11 personnes) est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

En 2017, 64% des personnes détenues accueillies étaient âgées de plus de quarante ans ; lors de la visite, la personne détenue la plus âgée est un homme de 89 ans, la plus jeune a 20 ans.

Jusqu’en mai 2017, le régime des portes de cellules ouvertes en journée s’appliquait à tous les bâtiments, sauf une aile du bâtiment C. Ce régime particulièrement libéral a été remplacé à cette date par un régime de respect dans les bâtiments A et B et un régime fermé dans le bâtiment C. Ce choix ne crée pas plus de sécurité mais des contraintes nouvelles. Dans les bâtiments A et B, les contrôleurs n’ont identifié ni évaluation ni animation valorisante et la contrainte est aléatoire donc stressante pour les personnes détenues.

Ce régime de respect irrigue l’ensemble du fonctionnement de l’établissement : dès le quartier des arrivants, il est proposé à la personne de signer un contrat d’engagement au régime de respect, faute de quoi il sera affecté en régime fermé. Par la suite, le moindre faux pas, surtout s’il constitue une faute disciplinaire, entraîne l’affectation en régime fermé sans aucune des garanties attachées au régime disciplinaire. Plus encore, ces mêmes faux pas ont des conséquences multiples, y compris sur l’accès aux unités de vie familiale (UVF) et sur les permissions de sortir.

Le régime de respect constitue donc une coquille vide, ne s’apparente pas à une prise en charge et revient à instaurer des régimes différenciés organisant la détention de manière para ou infra disciplinaire.

Le fonctionnement de la détention – même chez les femmes où le régime ouvert subsiste – s’assimile à un parcours entre des situations plus ou moins contraignantes dans lequel la progression peut relever du hasard. Eu égard aux caractéristiques du public accueilli – plutôt âgé et autonome dans sa vie quotidienne – le constat est sévère.

Si les équipes sont soucieuses de formalisme (suivi de la labellisation des quartiers des arrivants, d’isolement, disciplinaires, commissions pluridisciplinaires uniques fréquentes sur tous les sujets), les contrôleurs ont relevé une absence de fond, susceptible de conduire au maintien durable des personnes entre ces murs et à des parcours d’exécution de peine insuffisamment dynamiques.

L’attention doit également se porter sur les locaux et la prise en charge des femmes détenues et de leur enfant, marqués par de nombreuses insuffisances, dès la grossesse et jusqu’aux dix-huit mois de l’enfant.

L’unité sanitaire n’offre pas tous les soins attendus. Elle se montre trop peu dynamique et trop coupée des autres services dans l’établissement.

Dans ce contexte, la politique d’aménagement des peines se présente comme un mur, haut, qui s’élève au fur et à mesure de l’approche de la libération. La préparation de la sortie en pâtit. Cela donne peu de permissions de sortir, peu d’aménagement des peines, et surtout une dizaine d’ordonnances d’incarcération provisoire pour non-respect des obligations du suivi socio-judiciaire délivrées le jour de la fin de la peine pour manquement à l’obligation d’avoir un hébergement.

Au moment de la visite, la médiatisation d’une situation individuelle était en cours. Elle est apparue représentative du cas de plusieurs autres personnes détenues.

Par ailleurs, il a été noté le bon état d’entretien et de propreté de l’établissement, le faible nombre d’incidents graves, la sous-occupation du quartier d’isolement et du quartier disciplinaire, une offre d’enseignement appréciée, des espaces d’activités réunissant des hommes et des femmes détenus.

L’état des lieux réalisé lors de la visite de 2018 reste préoccupant. Des actions correctives, de la part de tous les services et acteurs de l’établissement, coordonnées, sont seules de nature à améliorer la prise en charge des personnes privées de liberté.