Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (Paris)

Rapport de la deuxième visite de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (Paris)

Observations du ministère de l’intérieur – infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la santé.

 

Synthèse

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, accompagnée de deux contrôleures, a effectué, les 10 et 11 avril 2018, une visite inopinée des locaux de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de Police de Paris (IPPP), 3 rue Cabanis, Paris (14ème arrondissement). Une seconde visite, effectuée par deux contrôleurs, a eu lieu le 21 mars 2019 de 9h15 à 18h. Un rapport provisoire a été adressé au chef d’établissement et au préfet de police le 9 mai 2019 ; le préfet de police a fait part de ses observations par courrier du 24 juin 2019, celles-ci ont été intégrées au rapport définitif.

Cette mission constituait une deuxième visite, faisant suite à un premier contrôle réalisé du 15 au 17 juillet 2009. A la suite de cette visite le Contrôleur général avait émis des recommandations le 15 février 2011 (Journal officiel du 20 mars 2011).

L’infirmerie psychiatrique est un service médico-légal qui a pour mission d’accueillir les personnes (hommes et femmes) présumées malades prises en charge par les services de police des commissariats de Paris et dans les aéroports[1] en application de l’article L3213-2 du code de la santé publique (CSP) dans un but de protection des personnes et de mise en œuvre des soins appropriés pour les présumés malades.

Les dispositions de l’article L3211-3 du CSP en matière de droits fondamentaux sont applicables à l’IPPP.

Elle est installée dans des locaux fonctionnels situés dans un immeuble occupé entièrement par des services de la préfecture de police. L’infirmerie peut accueillir seize personnes réparties en cinq chambres individuelles, quatre chambres à deux lits et une chambre à trois lits.

Les équipes de l’infirmerie (médecins certificateurs, cadres infirmiers, infirmiers et surveillants) sont complètes. Les postes infirmiers sont pourvus par des agents expérimentés et bien encadrés par leur hiérarchie. La confusion entre soignants et surveillants, notée dans le rapport de 2009 n’existe plus, ces derniers ne portant plus de blouses blanches.

Le nombre annuel d’admissions avoisine 2 000 (1 982 en 2017, 1 900 en 2016 et 2 065 par extrapolation en 2019). Il s’agit majoritairement d’hommes, souvent en état de précarité, admis en provenance des commissariats de police où ils étaient en garde à vue ; l’admission se fait essentiellement entre 20h et 8h.

Des liens ont été créés entre l’IPPP et l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) par le biais d’une convention et de la participation à diverses réunions. Pour autant, le projet en cours de partenariat entre l’IPPP et le groupement hospitalier de territoire (GHT) de Paris doit prendre en compte les exigences de la loi du 5 juillet 2011 en matière d’indépendance des médecins par rapport au lieu d’admission des patients admis en soins sans consentement.

Les conditions de séjour

Les chambres ont été refaites mais leur propreté accentue leur côté « spartiate », car dépourvues de tout mobilier ; cependant, une sonnette d’appel a été installée ; par ailleurs, elles ne disposent pas de point d’eau. Les personnes peuvent prendre une douche mais les vêtements de rechange qui leur sont proposés ne sont pas adaptés.

Aucun menu médical notamment diabétique n’est accessible pour les personnes séjournant à l’IPPP. Aucune activité n’est prévue, pas plus que l’accès au tabac.

Les droits des personnes séjournant à l’IPPP

Le support d’information essentiel est la charte d’accueil et de prise en charge des personnes conduites à l’infirmerie psychiatrique près la préfecture de police (IPPP). Or celle-ci comporte de nombreuses lacunes ; notamment, elle ne fait pas référence à la loi du 5 juillet 2011.

Le règlement intérieur n’est pas affiché dans les locaux.

Lors de l’entretien d’accueil de la personne admise à l’IPPP, les droits de la personne prévus à l’article L3211-3 du CSP doivent être clairement énoncés.

Les médecins certificateurs sont toujours présents à l’IPPP de 8h à 13h. Comme cela avait déjà été indiqué dans le rapport de 2009, il est indispensable de revoir l’organisation de la présence médicale afin d’éviter des séjours injustifiés, faute d’avoir rencontré un médecin.

En effet, Il convient de remarquer une très forte proportion de patients non hospitalisés à l’issue de leur passage à l’IPPP, même si ce taux baisse : 45,77 % en 2016, 43,64 % en 2017 et 40,31 % en 2018. Pour ceux-là, se pose la question de l’utilité de la présence d’un médecin certificateur au-delà de la durée actuelle afin d’écourter la durée de séjour à l’IPPP et ainsi d’éviter notamment d’y passer la nuit.

L’infirmerie assure le transfert des patients vers les lieux d’hospitalisation. Ils sont accompagnés 24 heures sur 24 par une équipe composée d’un infirmier et d’un surveillant dans un véhicule conduit par un adjoint de sécurité.

La tenue des registres

Si le registre des admissions du pôle administratif permet de tracer avec précision le suivi des personnes et si celui des admissions et des sorties du bureau des infirmiers est également bien tenu, il n’en va pas de même des autres registres.

Le registre de contention ne permet pas d’analyser le recours à cette mesure privative de liberté et ne correspond pas aux exigences de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ; le recours à la contention est fréquent et pour des motifs peu clairs.

Le registre des droits des patients ne permet pas de connaître les suites données ni les raisons de la non remise de la charte d’accueil.

Le registre des observations ne fait état que de quelques réclamations mais sans que les suites n’apparaissent.

Les contrôles

Quelques visites de personnalités ont lieu à l’IPPP mais ni celle de magistrats ni celles de la commission départementale des soins psychiatriques de Paris (la dernière date de 2016).

Depuis la précédente visite, le statut juridique de l’infirmerie psychiatrique n’a pas évolué : elle est toujours hiérarchiquement dépendante de la préfecture de police de Paris. Cette situation entraîne toujours la même confusion, déjà relevée par la recommandation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 15 février 2011.

Ce statut a fait l’objet de longues controverses, au-delà de celle portée par le CGLPL, ce qui a conduit à l’article 73 de la loi du 26 janvier 2016[2] qui dispose que le « Gouvernement présente au Parlement dans un délai de six mois un rapport sur l’évolution de l’organisation de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de paris pour sa conformité avec le régime de protection des personnes présentant des troubles psychiques et relevant de soins sans consentement. »

La réflexion actuellement menée pour modifier le statut des psychiatres permet d’espérer une avancée, sous réserve que cette évolution permette toujours à l’infirmerie psychiatrique de poursuivre sa mission dans le respect des règles fixées par le code de la santé publique, notamment par les dispositions relevant de la loi du 5 juillet 2001 et de ses modificatifs introduits par la loi du 27 septembre 2013.

[1] Roissy-Charles-de-Gaulle, Orly et Le Bourget

[2] Loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé