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Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Mende (Lozère)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Mende (Lozère)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Trois contrôleurs et une stagiaire ont effectué une visite de la maison d’arrêt de Mende (Lozère) du 14 au 17 mai 2018. L’établissement avait fait l’objet d’une première visite du 13 au 16 septembre 2010.

Un rapport provisoire a été adressé le 15 janvier 2019 au chef de la maison d’arrêt, au directeur du centre hospitalier spécialisé François Tosquellès, au directeur de l’hôpital de Mende, au président et au procureur du tribunal de grande instance de Mende. La directrice de l’hôpital François Tosquellès et la directrice de l’hôpital de Lozère ont, par courrier en date du 20 février 2019 et du mars 2019, présenté des observations.

Même si la maison d’arrêt de Mende ne répond pas à un besoin principalement local, son maintien en fonctionnement offre des conditions d’incarcération opportunes.

Les locaux de la maison d’arrêt, situés en ville et conçus au XIXème siècle selon les conditions de détention de l’époque, offrent quarante-neuf places théoriques. En pratique, soixante-huit lits sont installés conduisant à une sur occupation de 139 %. La population pénale, uniquement masculine, est majoritairement constituée de personnes détenues venues en « désencombrement » de la maison d’arrêt de Nîmes (Gard) ou de centres plus lointains : Seysses (Haute-Garonne), Eysses (Lot-et-Garonne).

Concernant la prise en charge des personnes détenues, les effets de la suroccupation sont en partie relativisés par un effectif confortable de l’ensemble des catégories de personnel.

Le personnel pénitentiaire est âgé, expérimenté, satisfait d’être revenu à Mende – pour la plupart des agents – et décidé à y rester. Il est peu féminisé, les trente et un agents de surveillance dont cinq premiers surveillants, ne comptent que trois femmes.

Les surveillants connaissent bien leur métier, ils sont en nombre suffisant et la configuration des coursives en nef leur permet à la fois une réactivité de tous les instants et une proximité utile, tant avec la population pénale qu’avec les autres intervenants. La gestion est « familiale » avec les ambiguïtés que cela comporte : le traitement des requêtes est en bonne partie verbal, sans trace, mais les demandeurs apprécient que la réponse soit apportée dans la journée, parfois avec l’ordre correspondant crié d’un étage à l’autre. Un complément de cantine peut être fourni hors jours de distribution si la personne détenue est particulièrement tendue.

Les équipes de surveillants et leurs gradés sont stables, avec des pratiques à la fois affirmées et difficiles à modifier pour des directions qui à l’inverse se caractérisent par des renouvellements fréquents.

La même stabilité des autres catégories de personnel – SPIP, médical, scolaire – assure une bonne coordination entre elles et une connaissance fine par chacun de la population pénale.

La détention est particulièrement calme, le métal déployé au-dessus des cours empêche toute projection. Nombre de personnes détenues témoignent apprécier d’être soustraites aux trafics, menaces et autres sévices qu’elles ont connus ailleurs.

Ces facteurs permettent une gestion humaine de la détention, qui compense des conditions d’hébergement pénibles, notamment en raison de l’état des locaux. Elle permet tout autant aux personnes détenues de supporter une vie en détention particulièrement monotone avec une très faible offre de travail et d’activités.

Des travaux d’amélioration et une meilleure observation de certaines procédures s’imposent pour offrir la qualité des conditions de détention et le respect des droits qu’appellent les choix retenus.

Les conditions d’hébergement et de vie des personnes détenues à la maison d’arrêt de Mende n’ont pas sensiblement changé depuis la visite précédente du CGLPL en 2009.

Les locaux, conçus, ainsi qu’il a été rappelé, au XIXème siècle, entraînent des contraintes qui pèsent lourdement sur les activités possibles pour les personnes détenues et le désœuvrement est plus pesant qu’ailleurs.

Les cours de promenade – six espaces d’une quarantaine de mètres carrés chacun, organisés en « parts de camembert » et dont seuls quatre sont utilisés – sont sombres, humides et dépourvues de tout aménagement. Un espace de promenade spacieux et équipé en urinoirs, bancs, points d’eau, postes téléphoniques et installations sportives doit être aménagé.

Faute de place disponible pour des ateliers, aucune offre de travail en concession n’est possible. Cette carence se conjugue à la faiblesse du nombre de postes offerts au service général (cinq). Or, le constat, tout au long de la visite, de cadences assez soutenues pour les auxiliaires, rend souhaitable d’augmenter le nombre de ces emplois.

Enfin, les mêmes contraintes de locaux rendent la pratique du sport très limitée dans le temps comme dans l’espace. L’offre d’activités sportives doit être repensée totalement tant qualitativement que quantitativement.

La méconnaissance de certaines procédures ou l’insuffisante rigueur dans le respect des obligations porte atteinte aux droits des personnes détenues.

La salle des parloirs, sans séparations, ne permet aucune confidentialité aux conversations.

S’agissant de leur information, les dispositions relatives aux personnes dépourvues de ressources ne figurent pas dans le règlement intérieur, privant les intéressées des renseignements leur permettant de vérifier que leurs droits en la matière sont bien respectés.

La liste des personnes détenues soumises à fouille intégrale ne mentionne pas, pour chacune personne qui y figure, le motif et la date de la décision de fouille.

Le renseignement des fiches d’escorte lors des extractions n’est pas respecté, le classement en niveau d’escorte, qui pourtant est censé conditionner les modalités d’usage des moyens de contrainte n’est pas mentionné. Or, il apparaît que, quelle que soit la mention portée sur la dangerosité – le plus souvent « détenu calme » –, l’usage des menottes et la présence de l’escorte pendant l’examen médical sont au minimum prescrits. Ce caractère systématique doit être prohibé et les décisions relatives aux moyens de contrainte personnalisées et justifiées par des éléments objectifs.

Il a été relevé, lors de la visite, que l’organisation de l’unité sanitaire n’assurait pas la pérennité de la présence médicale tout au long de l’année, que les dossiers médicaux recensaient des informations qui n’avaient pas à y figurer et que le respect du secret médical n’était pas d’une rigueur absolue. Les directions des hôpitaux concernés ont indiqué avoir pris des mesures pour assurer la permanence médicale et faire cesser les pratiques attentatoires au respect des droits des patients détenus.

Enfin, l’absence d’information, par l’administration pénitentiaire, des magistrats en charge de l’aménagement des peines porte atteinte aux droits des personnes détenues qui sont transférées à Mende alors qu’un aménagement de peine est en cours d’instruction par la juridiction de l’établissement d’origine.

Il est regrettable que ces faiblesses ne rencontrent aucune perspective de modification à court ou moyen terme, réflexion qui s’impose désormais, la fermeture de l’établissement n’étant plus envisagée.