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Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Caen (Calvados)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Caen (Calvados)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Sept contrôleurs ont effectué une visite de la maison d’arrêt de Caen du 14 au 18 mai 2018.

L’établissement avait été précédemment contrôlé en décembre 2008. Un rapport de constat avait été adressé le 5 octobre 2018 au chef d’établissement, aux chefs de juridiction du tribunal de grande instance de Caen, au directeur de l’établissement public de santé mentale de Caen et au directeur général du centre hospitalier universitaire de Caen, afin de recueillir leurs observations. Seul le directeur de la maison d’arrêt a répondu par un courrier du 19 novembre 2018 et ses observations ont donc été intégrées dans le présent rapport de visite.

La maison d’arrêt de Caen, proche du centre-ville et facilement accessible par les transports en commun, est un établissement ancien (1899-1904), sans miradors, avec une rotonde centrale et trois ailes principales, accueillant le quartier des majeurs et celui des mineurs. Dans un bâtiment construit en 1946, se trouve le quartier des femmes. La vétusté de l’ensemble immobilier impose la réalisation de travaux importants en permanence et déjà en 2008 les contrôleurs avaient observé que diverses inspections (travail, santé, services vétérinaires) avaient relevé l’existence de risques sérieux, tant sur le plan sanitaire que sur celui de la sécurité. En 2014, suite à un avis défavorable d’exploitation par la sous-commission départementale de sécurité, une enveloppe budgétaire spécifique avait été débloquée pour réaliser des travaux en urgence. Mais lors de leur visite, les contrôleurs ont encore pu constater que de nombreuses cellules dans le quartier des hommes sont encore dépourvues de douche et d’eau chaude et, sont dans un état général très dégradé (traces de moisissures et de champignons sur les murs sales, peinture écaillée qui se détache par plaques, tuyaux percés et humidité permanente). La direction a décidé de confier la rénovation progressive des cellules à des personnes détenues stagiaires rémunérées, d’où la restauration de vingt-trois cellules depuis février 2017. Des travaux importants de sécurisation ont été terminés en octobre 2017 (concertinas, clôture extérieure, couverture sur les cours de promenade, système de surveillance périmétrique).

Le taux d’occupation de l’établissement (170 %) est particulièrement préoccupant. En effet, pour une capacité d’accueil de 269 places, l’établissement accueillait au 14 mai 2018, 433 personnes : 397 hommes, 27 femmes et 9 mineurs. Une des premières conséquences de cette surpopulation est que 5,76 % des personnes se retrouvent à cinq dans des cellules de 24 m². Aucun matelas n’est installé par terre mais des lits sont superposés sur trois niveaux.

L‘encellulement individuel sera donc impossible avant l’ouverture de la nouvelle maison d’arrêt programmée pour l’année 2022.

Le personnel de surveillance comprend en théorie quatre-vingt-dix-huit agents pénitentiaires et trois moniteurs de sport, mais le taux d’absentéisme est relativement important.

Lors de la première visite, trente-neuf recommandations avaient été formulées. Une partie d’entre elles ont été suivies d’effet. Ainsi, des travaux ont été effectués pour permettre une plus grande sécurisation de l’établissement par rapport à l’extérieur, des bureaux pour les entretiens ont été créés, l’unité sanitaire accepte d’être présente dans les commissions pluridisciplinaires, l’établissement a défini une politique pour la prévention des violences, un conseil de vie sociale recueille les doléances des personnes détenues, une aide au sevrage tabagique a été mise en place, etc.

Mais les principales problématiques constatées sont toujours d’actualité, puisque quarante-trois recommandations sont faites dans le présent rapport et les principales portent sur les points suivants :

  • l’état très dégradé de la majorité des cellules ;
  • la surpopulation qui ne baisse pas d’une année à l’autre ;
  • la séparation relative entre les personnes détenues majeures et mineures ;
  • la liste insuffisante de produits à cantiner ;
  • les locaux inadaptés pour la commission de discipline ;
  • l’absence d’aménagement dans les cours de promenade ;
  • l’absence d’aménagement de la salle d’attente des familles ;
  • l’absence d’aménagement de cellules pour les personnes à mobilité réduite ;
  • l’accès au travail en détention toujours difficile ;
  • les rémunérations toujours insuffisantes.

L’établissement, dans son état général actuel, ne permet d’assurer ni une prise en charge satisfaisante des personnes détenues ni des conditions de travail optimales pour les agents qui y travaillent chaque jour.

Les conditions matérielles de détention dans certaines cellules, ajoutées à la surpopulation, sont apparues donc indignes au regard des droits fondamentaux des personnes détenues, relatifs à leur hygiène, leur sécurité et leur intégrité.

Tous les moyens nécessaires doivent impérativement être mis en œuvre pour restaurer ces droits, en attendant l’ouverture du nouvel établissement dans quelques années.