Rapport de visite du centre hospitalier spécialisé de Saint-Alban-sur-Limagnole (Lozère)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier spécialisé de Saint-Alban-sur-Limagnole
Synthèse
Cinq contrôleurs ont effectué une visite du centre hospitalier spécialisé François Tosquelles de Saint-Alban-sur-Limagnole (Lozère). Les contrôleurs, dont la visite avait été annoncée la semaine précédente, se sont présentés à l’établissement le lundi 4 juillet 2016 à 15h, sur le site de Saint-Alban qu’ils ont visité jusqu’au jeudi 7 juillet. Ils se sont rendus les 12 et 13 juillet au site de Mende.
Le CHS de Saint-Alban est devenu un haut lieu de l’histoire psychiatrique française au cours de la seconde guerre mondiale, avec la révolution culturelle de la psychothérapie institutionnelle qui y fut conduite par le psychiatre républicain catalan François Tosquelles et le médecin chef Lucien Bonnafé.
Le centre hospitalier spécialisé François Tosquellès (CHFT) comporte six unités d’hospitalisation temps plein : quatre à Saint-Alban dont une unité de géronto-psychiatrie et deux à Mende – une unité d’admission adultes de vingt-cinq lits et une unité pour adolescents de six lits.
Le CHFT offre des conditions d’hospitalisation remarquables, tant matérielles que dans le mode de prise en charge des patients.
Le site de Saint-Alban offre des conditions d’hospitalisation remarquables : l’hôpital est totalement dépourvu de murs et se présente plutôt comme un quartier de Saint-Alban-sur- Limagnole, formé de bâtiments étagés sur une colline et séparés par des pelouses qui, passées les dernières constructions, s’évadent en prairies sur les 20 ha de la partie la plus proche du domaine. Les unités sont bien conçues, avec des coins de repos, des patios, des terrasses. Le jardin intérieur de l’unité de géronto-psychiatrie est vaste et occupé. Dans toutes les unités les chambres sont individuelles et dotées d’une salle d’eau avec douche, vasque, WC et miroirs. Les conditions d’hébergement du site de Mende sont tout aussi confortables.
Les méthodes de la psychothérapie institutionnelle sont encore prégnantes chez le personnel et dans l’organisation des soins.
La dignité des patients et leurs libertés sont respectées, les restrictions sont fonction de leur état clinique, le régime juridique d’admission ne pesant pas sur la prise en charge. Les unités d’hospitalisation sont ouvertes hormis celle de géronto-psychiatrie, encore que ceux des patients de cette dernière qui sont capables de mémoriser le code d’ouverture de la porte peuvent en sortir par eux-mêmes. Si l’unité d’admission de Mende est fermée, il a été constaté que cette fermeture est raisonnée, la porte est ouverte aux patients en fonction de leur état clinique et non de leur statut d’admission.
Les patients sont autorisés par principe à utiliser leur téléphone portable en unité. Ils disposent des clés de leur chambre et du placard. Le port du pyjama est exclu sauf pour les patients en isolement.
Les outils d’activités thérapeutiques sont multiples et riches (dont une imprimerie, des serres). Les sorties sont nombreuses, y compris pour les personnes en régime de soins sans consentement : camps de vacances, repas thérapeutiques, activités etc. les soignants se montrent impliqués et bienveillants ; même les patients les plus difficiles bénéficient d’une attention et d’une démarche de soins spécifiques.
Toutefois l’établissement connaît de réelles difficultés et des fragilités intrinsèques qui le pénalisent pour y faire face efficacement, ce qui met en péril sa qualité.
La faiblesse du temps médical, notamment dans l’unité de psychogériatrie, pèse manifestement sur la qualité de la prise en charge. Le fonctionnement est constamment en régime dégradé et dès qu’un psychiatre est en congé ou malade, il peut n’y avoir aucune présence médicale à Saint-Alban plusieurs jours consécutifs : l’effectif réel de médecins est passé de 15,16 équivalents temps plein en 2013 à 8 en 2016 ; l’établissement ne parvient pas à recruter et, selon certains psychiatres, son défaut d’attractivité résulte en partie de l’absence de projet.
La gouvernance est semi-atrophiée : le directeur en poste lors de la visite était arrivé dix-huit mois auparavant et quittait l’établissement un mois après, ayant rempli sa mission de mettre en œuvre des réductions budgétaires importantes et les réductions de personnel corrélatives, ce avec insuffisamment de concertation sur les choix. Il avait succédé, après un intérim de six mois, à un directeur très faiblement impliqué. Le président de la CME s’efforce essentiellement d’éviter les vagues et les débats.
Ces années de malaise et d’absence de conduite sûre et partagée pèsent sur l’investissement collectif et mettent en péril la qualité de la prise en charge.
Ainsi, les outils d’activités thérapeutiques et lieux collectifs sont sous-utilisés faute de soignants pour l’accompagnement ; les réductions budgétaires ont également pesé sur le nombre et la qualité des sorties thérapeutiques.
Le manque de rigueur dans l’application des dispositions de la loi du 5 juillet 2011 témoigne du défaut de pilotage. La notification de leurs droits aux patients en soins sans consentement n’est pas faite, aucun document n’est prévu et les soignants ne sont pas réellement informés du contenu de ces droits. Le psychiatre qui signe le certificat « de 24 h » le fait parfois quatre heures après l’admission s’il doit repartir à l’autre bout du département ou si la soirée est avancée, délai qui ne permet pas d’apprécier l’évolution de la crise et la pertinence de la mesure.
Le juge des libertés et de la détention, qui dispose d’une salle d’audience à Mende, n’a pas de jour d’audience fixe, le nombre de patients sous contrainte étant insuffisant. Les audiences sont donc plutôt fixées au moment le plus opportun compte tenu des contraintes de chacun, notamment le transport des patients depuis Saint-Alban, parfois bien avant l’échéance des douze jours.
Si le registre prévu à l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique est mis en place, les conditions de sa tenue par le bureau des admissions et sa forme ne correspondent pas à l’esprit de ce texte et ne sont manifestement pas un outil de réflexion sur les pratiques de l’isolement.
Enfin, le régime des patients détenus (quatre ou cinq en quatre ans) est celui que l’on connaît presque partout ailleurs : mise en chambre d’isolement par principe durant tout le séjour mais une tolérance leur est accordée pour fumer (pas plus de cinq cigarettes par jour) et leur courrier suit.