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Rapport de la troisième visite du centre de rétention administrative de Nice (Alpes-maritimes)

Rapport de la troisième visite du centre de rétention administrative de Nice (Alpes-maritimes)

Observations du ministère de l’intérieur – CRA de Nice (3e visite)

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre de rétention administrative de Nice (3e visite)

 

Synthèse

Trois contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre de rétention administrative (CRA) de Nice du 10 au 13 avril 2017. Cet établissement avait déjà fait l’objet de deux visites précédentes en 2009 et 2014. Un rapport de constat a été adressé le 17 juillet 2017 au chef du centre de rétention administrative.

Le centre de rétention administrative est implanté dans l’un des bâtiments d’une caserne datant de 1870. Les installations, non entretenues depuis 2014, sont dans un état de dégradation générale qui s’est aggravé depuis la visite précédente. La configuration des locaux organisés sur deux niveaux est inadaptée et non conforme à la capacité d’accueil de trente-huit retenus hommes. Les lieux collectifs, sous-dimensionnés, favorisent le regroupement des personnes dans la promiscuité et l’inconfort.

Il s’agit en majorité de personnes de diverses nationalités non documentées, placées par la préfecture des Alpes-Maritimes. En 2016, le taux d’occupation a été de 81,41 % contre 77,86 % en 2015 et la durée moyenne de rétention de douze jours contre huit jours en 2015. Au premier trimestre 2017, le CRA a été occupé à 80,31 %. En 2016, le nombre de libérations par les juridictions judiciaires a représenté plus d’un tiers du nombre des étrangers retenus.

L’hygiène est déplorable, tant dans les espaces collectifs au rez-de-chaussée que dans la zone d’hébergement à l’étage ; les prestations de nettoyage sont manifestement sous-évaluées et inadaptées à la fréquentation maximale du centre de rétention administrative.

Les personnes retenues vivent dans un environnement carcéral à caractère anxiogène, dû à la conception ultra sécuritaire du centre et à des restrictions injustifiées à la liberté d’aller et venir : la cour de promenade est sécurisée contre les tentatives de fuite pourtant son accès est subordonné à la disponibilité des policiers, l’accès à l’étage est fermé le temps du ménage. La salle de détente, sale et peu accueillante, est dénuée de tout aménagement de confort, l’accès à la télévision dépend du bon vouloir des policiers. Le maintien des liens familiaux est insuffisamment respecté lorsque les visites se déroulent dans le local exigu d’accueil des familles où la confidentialité n’est pas toujours assurée. Quant à la salle de restauration, les équipements sont inchangés par rapport à 2014 : il n’y a que vingt-six places assises pour une capacité de trente-huit personnes.

Les efforts des policiers pour faire bénéficier de visites un maximum de retenus ne doivent pas avoir pour effet de réduire la durée des visites, parfois extrêmement courtes. Sur les trois cabines téléphoniques dans la zone d’hébergement, une seule fonctionnait au jour du contrôle. Tout comme en 2011, les téléphones portables ne sont autorisés que lorsqu’ils ne comportent pas d’appareil photo. Il est impératif que les personnes retenues puissent conserver leur téléphone dans la zone d’hébergement.

Les conditions d’hébergement particulièrement indignes portent gravement atteinte à la dignité des personnes en rétention. Il est difficile de parler de chambres alors qu’il s’agit de dortoirs, simplement équipés de lits métalliques scellés au sol et de quelques petits meubles de rangement, en taille et quantité insuffisantes pour que les personnes retenues puissent y ranger leurs affaires ; il n’y a ni table, ni chaise, ni placard. La surface disponible par personne reste inférieure aux dispositions de l’article R.553-3 du CESEDA qui précise que la surface utile minimum doit être de 10 m² par retenu. Les portes de WC et de douches manquantes doivent impérativement être installées sans délai afin de préserver l’intimité des personnes retenues. Des réparations sont urgentes pour rétablir l’eau chaude dans les sanitaires.

Par rapport à la dernière visite, l’effectif du personnel a augmenté en raison du redéploiement de fonctionnaires de police affectés initialement à la direction départementale de la police aux frontières ; au jour de la visite, le CRA comptabilisait cinquante-huit fonctionnaires. Le personnel de la police aux frontières vivant dans les mêmes locaux et dans des espaces exigus est apparu impliqué et globalement respectueux et humain à l’occasion des missions de garde, de transfert et d’escorte. Une porte de couloir sépare la zone administrative de celle de rétention ; les contacts sont informels pour tenter de calmer et d’apaiser les conflits entre retenus.

L’accès aux soins est satisfaisant à l’exception des soins psychologiques comme en 2014 et de la nécessité de recourir à un dispositif d’interprétariat.

En tout état de cause, des travaux urgents de remise en état doivent être réalisés impérativement, quelles que soient les conséquences sur le taux d’occupation du centre de rétention administrative.