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Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt des femmes du centre pénitentiaire les Baumettes à Marseille (Bouches-du-Rhône)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt des femmes du centre pénitentiaire les Baumettes à Marseille (Bouches-du-Rhône)

Observations du ministre de la santé – MAF des Baumettes à Marseille (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la justice.

Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt des femmes du centre pénitentiaire les Baumettes à Marseille (2e visite)

SYNTHESE

Accompagnée de six contrôleurs, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a effectué une visite de la maison d’arrêt des femmes du centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille (Bouches-du-Rhône), du 11 au 14 janvier 2016. A l’époque dénommé « centre pénitentiaire des femmes » (CPF), le quartier des femmes avait été visité dans le cadre du contrôle de l’ensemble de la prison des Baumettes réalisé en octobre 2012.

Un rapport de constat a été adressé le 11 mai 2016 au chef d’établissement du centre pénitentiaire de Marseille et au directeur de l’assistance publique Hôpitaux de Marseille (AP-HM). La directrice du CP de Marseille a fait connaître ses observations sur les points relevant de sa compétence, dans un courrier du 30 juin 2016, lesquelles ont été intégrées dans le présent rapport de visite. En revanche, aucune observation n’est parvenue en provenance de l’hôpital ou de l’unité sanitaire et des différents responsables des services partenaires de l’établissement – notamment du service pénitentiaire d’insertion et de probation – et du centre hospitalier.

I/ Parallèlement à la destruction des locaux du CPF, un quartier « maison d’arrêt » pour femmes a été aménagé en 2014 en lieu et place du centre pour peines aménagées, situé de l’autre côté du domaine pénitentiaire des Baumettes, où il cohabite dans la même enceinte avec un quartier de semi-liberté exclusivement pour hommes. Dans cette configuration, la maison d’arrêt des femmes (MAF) a une vocation provisoire en attendant l’achèvement des nouveaux locaux construits sur l’emprise de l’ancien CPF dans le cadre du projet dit « Baumettes II » (573 places). La mise en service de ces locaux est prévue pour la fin de l’année 2016.

La structure provisoire n’accueille que les femmes relevant du régime de détention de la maison d’arrêt. La capacité d’accueil de la MAF a été divisée par deux par rapport à celle du CPF qui disposait en plus d’un quartier « centre de détention ». En 2014, les femmes condamnées à de longues peines qui se trouvaient au CPF ont été transférées dans des établissements pour peine qui tous se situent en dehors de la région Provence-Alpes-Côte d’azur (PACA). Doté de 180 places, le futur bâtiment des femmes est prévu pour comprendre un quartier de centre de détention et accueillir toutes les personnes condamnées.

Compte tenu du niveau de surpopulation que connait le quartier pour hommes des Baumettes, la perspective d’un maintien en activité de la MAF dans cette configuration provisoire ne paraissait pas totalement écartée. Interrogée sur ce point, la direction a indiqué que cette hypothèse était a priori écartée et que les femmes détenues seraient bien affectées dans les nouveaux locaux, soulignant toutefois que la décision relevait de la direction de l’administration pénitentiaire.

L’annonce de la fermeture de la MAF et du retour dans le nouveau bâtiment nécessite donc une confirmation définitive.

Par ailleurs, les contrôleurs ont perçu la même attente du côté du personnel et l’inquiétude, notamment des surveillantes, résultant de la crainte de ne pas retrouver un même rythme de service, entrainant des rumeurs sur une mutualisation de postes et une externalisation de fonctions.

II/ Le 11 janvier 2016, 110 personnes étaient placées à la maison d’arrêt des femmes pour 67 places théoriques (dont 5 places pour le quartier « mineures » et 4 places pour le quartier « mère-enfant »), soit un taux global d’occupation de 164 %, qui s’élève à 174 % hors ces deux quartiers spécifiques. Ce taux d’occupation exorbitant doit être rapproché de celui relevé au CPF lors du précédent contrôle réalisé en octobre 2012 qui était de 109,3 % et de celui que connaissait le quartier des hommes des Baumettes lors de la présente visite qui était de 144 %.

La plupart des cellules individuelles ont été équipées d’un ou deux lits supplémentaires, superposés au premier, pour obtenir un nombre total de couchages possibles de 104 lits.

Une importante promiscuité caractérise les conditions de détention à la MAF : près de la moitié des femmes doivent cohabiter à trois dans des cellules ne dépassant pas 10 m² et, au moment du contrôle, dix femmes ne disposaient pas de lit dans leur cellule et étaient contraintes de dormir sur un matelas posé à même le sol. Ces conditions de vie sont indignes et provoquent des conflits entres les détenues.

Dans ce contexte, le droit à l’encellulement individuel constitue plutôt l’exception et ne concerne réellement que les femmes placées au quartier « mère-enfant » et, potentiellement, les mineures. Le 11 janvier 2016, hors ces deux quartiers, 5 personnes bénéficiaient d’une cellule individuelle sur 101 personnes concernées.

De surcroît, les conditions de détention sont aujourd’hui moins bonnes pour les femmes qu’au CPF en 2012, en raison de l’exiguïté des locaux de la MAF, de l’absence de lumière et de perspective visuelle et du manque d’espace en général.

L’installation du quartier des femmes dans les nouveaux locaux des Baumettes doit être considérée comme une priorité absolue en raison de la suroccupation de la MAF actuelle et des conditions de vie en résultant pour les femmes qui y sont soumises.

III/ Malgré ces difficultés majeures, le personnel assure globalement une gestion attentive et intelligente de la détention, notamment l’encadrement dans ses choix relatifs aux affectations en cellule. Les surveillantes sont apparues globalement bien impliquées dans leur mission et appréciées des femmes détenues.

D’autres points positifs ont pu être relevés : la qualité de la prise en charge des mineures par les surveillantes référentes ; celle de l’unité sanitaire, notamment la bonne articulation avec le SMPR et le principe du libre choix du médecin traitant ; l’existence d’un partenariat étendu avec de nombreux acteurs publics et associatifs, notamment avec le Relais Enfants-Parents et les services du département pour les enfants aux côtés de leur mère incarcérée (intervention PMI, place en crèche…).

Par ailleurs, des activités intéressantes sont proposées aux femmes détenues : la « cyberbase », le travail en atelier – quoiqu’insuffisant par rapport à la demande –, le chantier école sur les métiers du bâtiment dont les réalisations profitent à la collectivité.

IV/ En revanche, plusieurs points négatifs ont été relevés.

Certains problèmes devraient trouver des solutions avec l’installation dans les nouveaux locaux : l’inadaptation du quartier « mère-enfant » ; l’exigüité des locaux sanitaires et des cours de promenade ; l’absence d’intimité dans des parloirs ; le dysfonctionnement des douches…

D’autres méritent d’être traités de façon urgente, sans que le déménagement annoncé ne puisse justifier une plus longue attente, comme ceux concernant la qualité des repas, l’organisation des cantines…

Les conditions de déroulement des extractions vers l’hôpital doivent enfin être impérativement revues ; en effet, l’utilisation systématique des moyens de contrainte et la présence du personnel pénitentiaire durant les soins, y compris en gynécologie ou au moment de l’accouchement, ne peuvent être tolérées.

A cet égard, il convient de rappeler les termes de l’avis du CGLPL liberté en date du 16 juin 2015, publié au Journal officiel, relatif à la prise en charge des personnes détenues au sein des établissements de santé.