Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Nanterre (Hauts-de-Seine)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt de Nanterre (2e visite)
SYNTHESE
En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, j’ai conduit, accompagnée de neuf contrôleurs, une visite de la maison d’arrêt de Nanterre (Hauts-de-Seine) du 5 au 15 septembre 2016. Cette mission constituait une deuxième visite faisant suite à un premier contrôle réalisé du 27 au 30 avril 2010.
Un rapport de constat a été adressé le 13 mars 2017 au chef d’établissement qui a fait parvenir ses observations au CGLPL le 4 mai 2017. Le présent rapport a intégré ses observations.
Aucune observation n’est toutefois parvenue des différents responsables des services partenaires du centre pénitentiaire, notamment de la société gestionnaire de l’établissement ainsi que du service pénitentiaire d’insertion et de probation, dont on ignore s’ils ont été à même de prendre connaissance du rapport de constat.
Dans cet établissement, la surpopulation affecte tant les conditions de prise en charge des personnes détenues que les conditions de travail du personnel.
1. La maison d’arrêt de Nanterre est l’une des maisons d’arrêt les plus importantes de France en termes de capacité – 592 places théoriques – et d’occupation – 1 035 personnes hébergées lors de la visite – avec un taux d’occupation de 175 %, en nette hausse par rapport au précédent contrôle en 2010 (+ 26 %). Durant le mois de septembre 2016, jusqu’à trente matelas au sol ont été dénombrés. Toutefois, les éléments statistiques recueillis permettent de constater que la surpopulation carcérale pourrait être diminuée par une politique volontariste d’alternatives à l’incarcération et d’aménagements de peine.
2. Les conditions matérielles de détention sont fortement dégradées
Un projet de rénovation des cellules devrait être rapidement engagé car les conditions de vie n’y sont pas dignes. Les murs des cellules sont généralement en mauvais état, souvent sales, avec des installations électriques dangereuses et des sanitaires encrassés. La maintenance et l’entretien des lieux doivent faire l’objet d’une plus grande attention. Dans sa réponse au rapport de 2010, le ministre de la justice indiquait qu’un « plan peinture » devait être mis en œuvre dans toutes les cellules de la détention. Force est de constater que six ans plus tard, il n’est pas achevé. Par ailleurs, la capacité d’hébergement des cellules devrait être revue à la baisse, leur surface ne permettant pas d’y installer le mobilier nécessaire pour le nombre d’occupants. Ces conditions d’hébergement méconnaissent le droit à la dignité et à la sécurité des personnes détenues et sont contraires aux normes définies par le Comité de la Prévention de la Torture (CPT).
3. Le fonctionnement de l’établissement est altéré par des problèmes liés au manque de personnel de toutes catégories.
La maison d’arrêt ne bénéficie pas d’un nombre suffisant de surveillants. Si l‘organigramme de référence indique la nécessité d’y affecter 165 surveillants, 147 sont effectivement nommés à l’établissement et seuls 130 sont disponibles du fait de congés de longue durée ou de maladie. En outre, ces agents sont en majorité jeunes, avec une prédominance de sortants d’école et de stagiaires. Au sous-effectif s’ajoute un absentéisme majeur dont le taux est le plus élevé des établissements de la région parisienne et qui résulte de la pénibilité des conditions de travail. S’ensuit une organisation qui, limitant les mouvements quotidiens, porte atteinte aux droits des personnes détenues, notamment s’agissant des annulations ou des retards concernant l’ensemble des activités de l’établissement et la réduction de la promenade quotidienne à une seule sortie par jour d’une durée de deux heures. Cette restriction a pour conséquence de ne pas permettre à toutes les personnes détenues de bénéficier d’une heure par jour à l’air libre, dérogeant en cela aux normes internationales.
Le CGLPL rappelle que les agents pénitentiaires sont les premiers garants du respect effectif des droits des personnes détenues. L’affectation de surveillants supplémentaires pour améliorer leurs conditions de travail et conséquemment la prise en charge des personnes détenues est indispensable et urgente. La dégradation de la situation en détention emporte en soi, outre le risque d’incidents majeurs, des atteintes et risques d’atteintes aux droits des personnes détenues.
Outre les postes manquants au sein du personnel administratif, il a été particulièrement évoqué la souffrance au travail de ces agents, positionnés dans le cadre de réorganisations régulières à des postes qui nécessitent une qualification que tous ne possèdent pas. Enfin, la prise en charge sanitaire est limitée par des moyens insuffisants tant en personnel qu’en système informatique.
4. Les contrôleurs ont relevé des dysfonctionnements internes qui se caractérisent par des violences entre personnes détenues, mais également entre personnes détenues et surveillants.
Le climat délétère qui règne au sein de l’établissement fait de tensions et d’insécurité, déjà relevé lors de la visite de 2010, a été évoqué par l’ensemble des membres du personnel rencontrés et ressenti concrètement par les contrôleurs. Il semble lié à la fois à l’insuffisance de surveillants, à la présence parmi eux de nombreux stagiaires peu aguerris à ces fonctions, à la surpopulation, aux violences réelles ou craintes qu’elle provoque mais également à des pressions générées par les protagonistes liés à de nombreux trafics, connus de tous. La vidéosurveillance des espaces de circulation n’a permis ni de rassurer le personnel ni d’éviter les incidents. Parallèlement la gestion « de masse » qu’entraîne la surpopulation endémique de l’établissement conduit à privilégier la sécurité et la discipline aux dépens d’un suivi individualisé dans une perspective de réinsertion.
L’ensemble des dysfonctionnements relevés oblige à se poser la question de la qualité du management existant au moment de la visite.