Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Avis relatif à l’enfermement des enfants en centres de rétention administrative

 

Au Journal officiel du 14 juin 2018, le Contrôleur général a publié un avis relatif à l’enfermement des enfants en centres de rétention administrative. Cet avis a été transmis au ministre de l’intérieur pour qu’il puisse formuler des observations. Au jour de la publication de cet avis, aucune réponse n’était parvenue au CGLPL.

Lire l’avis dans son intégralité

Lire les observations du ministre de l’intérieur (29/06/2018)

 

Le nombre des enfants enfermés en CRA augmente continuellement depuis 2013

Depuis 2013, le nombre de placements en rétention administrative de familles avec des enfants augmente sans discontinuer : 41 enfants ont été placés en centre de rétention en 2013, 45 en 2014, 106 en 2015, 172 en 2016 et 304 en 2017. Cette augmentation s’est notablement accélérée à compter de l’année 2015. Pour les seuls quatre premiers mois de l’année 2018, ce sont 77 enfants qui ont été enfermés : 38 au CRA de Metz, 37 au CRA du Mesnil-Amelot et 2 au CRA de Toulouse-Cornebarrieu.

Cette situation suscite l’inquiétude du CGLPL au regard des effets contraires aux droits fondamentaux de ces enfants qu’un tel traitement entraîne.

L’enfermement des enfants est devenu pour quelques préfectures une pratique destinée à faciliter l’organisation de la reconduite

Le CGLPL est saisi de nombreux cas de familles interpellées puis placées en rétention pour y passer la nuit avant leur transport le lendemain matin vers l’aéroport. La durée d’enfermement des enfants en CRA est le plus souvent brève mais elle a pu parfois se prolonger jusqu’à deux semaines.

Cette mesure est surtout destinée à faciliter le travail de l’administration en vue de l’éloignement des familles, car elle évite un déplacement au petit matin au domicile de la famille.

L’examen des statistiques montre que son utilisation n’est pas liée au comportement des familles concernées, a priori comparable sur tout le territoire national, mais bien à des pratiques professionnelles locales. Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, deux des onze CRA habilités, ceux de Metz-Queuleu et du Mesnil-Amelot, ont à eux-seuls reçu la quasi-totalité des familles avec enfants[1]. Cette situation était identique en 2017, ces CRA ayant hébergé 140 des 148 familles placées en rétention dans l’année. En 2017 et 2018, trois préfectures, dont deux ne sont à l’évidence pas les plus exposées aux flux migratoires, ont été à l’origine de plus de la moitié des placements en rétention de familles[2]. Parallèlement, le plus grand nombre des préfectures ne procède jamais à des placements de familles en rétention, sans que l’on observe pour autant qu’elles échouent dans leur politique d’éloignement.

Le choix d’enfermer des enfants est donc à l’évidence lié aux pratiques locales, et aux relations entre les préfectures et les services chargés des éloignements. Or un placement en CRA, ne serait-ce que pour une nuit, constitue une mesure privative de liberté et ne saurait, dès lors, être décidé pour des raisons d’organisation ou de commodité pratique.

Malgré l’amélioration des conditions matérielles d’accueil, l’enfermement des enfants porte atteinte à leur intégrité psychique

Au cours de ces dernières années le CGLPL a procédé à plusieurs visites et enquêtes sur place dans des CRA habilités à recevoir des familles ; il a constaté une amélioration des conditions matérielles d’hébergement. Mais au-delà des conditions matérielles d’hébergement, c’est le principe même de l’enfermement des enfants que le CGLPL met en cause car il constitue une atteinte à leur intégrité psychique.

L’enfermement des enfants, même pour une courte durée, a nécessairement des conséquences négatives sur eux : plongés dans un univers quasi pénitentiaire, anxiogène, entourés de murs, de grilles et de barbelés, ils sont témoins de tous les actes de la vie du CRA. Il ressort des témoignages reçus que nombre des enfants exposés à un tel traitement ont ensuite nourri durablement des angoisses et subi des troubles du sommeil, du langage ou de l’alimentation.

Pour l’ensemble de ces raisons, le CGLPL recommande que l’enfermement d’enfants soit interdit dans les CRA et a fortiori dans les LRA, seule la mesure d’assignation à résidence pouvant être mise en œuvre à l’égard des familles accompagnées d’enfants.

[1] 23 familles au CRA du Mesnil-Amelot, 13 au CRA de Metz-Queuleu, 1 au CRA de Toulouse-Cornebarrieu (chiffres au 30 avril 2018).

[2] Paris, Moselle et Doubs.