Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite de la clinique de l’Alliance à Villepinte (Seine-Saint-Denis)

Rapport de visite de la Clinique de l’Alliance à Villepinte (Seine-Saint-Denis)

Observations du ministre de la justice – Clinique de l’Alliance de Villepinte

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la santé.

 

SYNTHESE

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, quatre contrôleurs ont effectué une visite annoncée de la Clinique de l’Alliance du 2 au 6 novembre 2015. Cet établissement n’avait jamais fait l’objet d’un contrôle.

A l’issue de cette visite, un rapport de constat a été adressé à la directrice de l’établissement le 15 janvier 2016. Celle-ci a fait valoir ses observations par un courrier en date du 17 mars 2016, qui ont été prises en considération pour la rédaction du présent rapport.

La clinique de l’Alliance appartient au groupe ORPEA-CLINEA qui compte 354 établissements (des établissements d’hébergements pour personnes âgées dépendantes et des cliniques psychiatriques) en France. Le groupe est également implanté dans d’autres pays d’Europe.

L’établissement, ouvert depuis janvier 2012, a pour objectif de contribuer au processus de planification sanitaire du territoire de santé du territoire de santé 93-3[1]. L’offre de soins proposée par la clinique comprend un secteur privé de soixante-dix lits d’hospitalisation complète pour adultes admis en soins libres et une unité sectorisée (unité Convention), ayant passé une convention avec le centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois pouvant accueillir des patients admis en soins sous contrainte et résidant dans les secteurs 93G07, 93G08 et 93G17. Cette unité, d’une capacité de vingt lits, a été ouverte en mars 2013. A cette offre de soins, vient s’ajouter un hôpital de jour, de dix places, proposant une alternative à l’hospitalisation complète.

I/ L’établissement offre d’excellentes conditions d’hébergement et les patients bénéficient d’une prise en charge adaptée.

a/ En premier lieu, les conditions matérielles d’hébergement dont bénéficient les patients sont excellentes. L’établissement offre un cadre de vie agréable et apaisant. La conception architecturale des lieux permet aux patients d’avoir accès à l’ensemble des espaces communs. Les chambres, tout comme les locaux communs, sont spacieuses et confortablement aménagées. Chaque patient dispose d’un badge personnel pour accéder à sa chambre : il peut ainsi s’y reposer en toute sécurité sans crainte d’intrusion. Par ailleurs, ceux admis dans l’unité sectorisée, dont l’état de santé psychique est stabilisé, peuvent circuler librement dans la clinique grâce à ce badge. Ce dispositif favorisant l’autonomie du patient devrait être élargi aux autres établissements de santé mentale.

b/ En second lieu il convient d’apprécier la bonne articulation entre le personnel médical et paramédical, offrant ainsi une offre de soins pluridisciplinaire aux patients. Les soignants ont la volonté de faire évoluer constamment leur pratique. L’initiative d’engager une réflexion commune, par le biais du comité d’éthique, concernant les libertés individuelles mérite d’être soulignée. A cet égard, un travail est attendu sur la question des relations sexuelles car leur interdiction, telle qu’elle est mentionnée dans le règlement intérieur, est illégale. Les patients bénéficient d’une approche souple et individualisée. Ainsi, seul l’état clinique du patient peut motiver la prescription d’une restriction concernant la consommation du tabac, l’usage du téléphone portable et de l’ordinateur. Enfin les patients en soins sans consentement peuvent, comme ceux qui sont admis en soins libres, participer aux activités et aux ateliers thérapeutiques

c/ En dernier lieu, il convient de souligner le choix délibéré de la communauté médicale de ne pas avoir recours aux mesures d’isolement et de contention. Ainsi, tout est mis en œuvre pour apaiser le patient en situation de crise par des approches alternatives à une mesure de contrainte physique. Il peut éventuellement être fait usage de la chambre d’apaisement, la durée d’utilisation n’excédant alors pas trois heures. Il est toutefois regrettable que le protocole de placement en chambre d’apaisement ne précise pas les indications thérapeutiques ni la durée maximale de placement.

II/ Cependant les conditions dans lesquelles se déroulent les audiences du juge des libertés et de la détention ne sont pas conformes à la loi.

Les audiences du juge des libertés et de la détention, depuis le 1er septembre 2014, doivent se tenir, sauf exception, au sein des établissements de santé mentale comme le prévoit la loi du 27 septembre 2013. Or, comme pour l’ensemble des hôpitaux psychiatriques du département de la Seine-Saint-Denis, elles se déroulent au palais de justice de Bobigny, aucune salle d’audience n’ayant été créée au sein de la clinique ni à l’hôpital Robert Ballanger. Il avait pourtant été envisagé d’installer une salle d’audience au sein de l’établissement de Ville-Evrard et de la mutualiser avec les autres hôpitaux psychiatriques du département. Mais pour des raisons financières et d’emplacement géographique, Ville-Evrard étant excentré, le projet a été abandonné. Les patients doivent donc systématiquement se déplacer au palais de justice de Bobigny au sein du quel aucun circuit dédié n’a été aménagé. En outre, l’audience se déroule dans un bureau qui ne dispose d’aucun aménagement spécifique et dont la dimension ne permet pas d’accueillir le public alors même que ces audiences sont réputées être publiques.

Les exigences imposées par le ministère de la justice pour la réalisation des salles d’audience dans les hôpitaux ne paraissent donc pas être respectées. Cette situation montre que les audiences pourraient se tenir dans une salle, au sein d’un hôpital installé en position centrale dans le département, sans avoir à respecter toutes les exigences du cahier des charges pour en limiter les coûts.

Enfin, j’observe que la commission départementale des soins psychiatriques, à l’issue de sa visite de l’établissement en juillet 2014, a examiné le registre sans y noter ni sa venue ni ses observations. Elle n’a fait parvenir aucun rapport au chef d’établissement. Par ailleurs, rien n’indique la visite des autres autorités citées à l’article L. 3222-4 du code de la santé publique.

[1] L’ARS a défini des territoires de santé pour chaque département; le territoire 93.3 est composé de 17 communes de Seine-Saint-Denis et de 5 de Seine-et-Marne.