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Rapport de la deuxième visite du centre de détention d’Eysses (Lot-et-Garonne)

Rapport de la deuxième visite du centre de détention d’Eysses (Lot-et-Garonne)

Observations du ministre de la santé – CD d’Eysses (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la justice.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre de détention d’Eysses (2e visite)

 

SYNTHESE

Sept contrôleurs ont effectué un contrôle du centre de détention d’Eysses (Lot-et-Garonne), du 4 au 7 avril et six du 11 au 13 avril 2016. Cette mission constituait une deuxième visite, faisant suite à un premier contrôle réalisé du 15 au 18 juillet 2009.

Un rapport de constat a été adressé le 7 décembre 2016 au chef d’établissement, au directeur du centre hospitalier de Villeneuve-sur-Lot ainsi qu’au directeur du centre hospitalier départemental de la Candélie d’Agen. Aucune observation n’a été formulée.

Le centre de détention d’Eysses est une ancienne abbaye transformée en établissement pénitentiaire en 1803. L’établissement comprend, après les mutineries de 1974, trois bâtiments de détention (A, B et C) édifiés provisoirement en 1976 en plus du bâtiment D datant de 1970, constituant la partie la plus récente de l’établissement. Depuis la précédente visite, les trois bâtiments d’hébergement des personnes détenues (A, B et C) ont fait l’objet d’une rénovation au cours de l’année 2015 (réfection complète de l’ensemble des cellules avec le renouvellement du mobilier) ; le bâtiment D, destiné à accueillir des personnes détenues dans le cadre de la mise en place du module « respect » en mai 2016, était en cours de rénovation. Le quartier des arrivants, situé en 2009 à l’écart de la détention ordinaire, dans un bâtiment ancien et vétuste comprenant également le quartier disciplinaire et le quartier d’isolement, est installé au bâtiment C dans d’excellentes conditions matérielles. De même, de nouveaux locaux de visite ont été mis en place à la fin de 2014 garantissant un meilleur accueil des familles et deux unités de vie familiale ont été installées au début de l’année 2016.

Si la capacité théorique de l’établissement est de 294 places, la capacité opérationnelle moyenne annuelle du centre de détention est de 245 places au moment de la deuxième visite, en raison des travaux de rénovation en cours au bâtiment D. Le centre de détention comptait, au 31 décembre 2015, 154 personnes détenues uniquement condamnées, soit un taux d’occupation global de 62,8 %, alors qu’en 2009, l’établissement comptait 310 personnes détenues pour 316 places, soit un taux d’occupation global de 98 %. Un seul régime de détention est maintenant appliqué dans les trois bâtiments de détention avec les portes des cellules ouvertes en journée et la libre circulation exclusivement au sein de l’aile, désormais fermée par des portes palières ; ce mode de fonctionnement, mis en place par la nouvelle direction, s’est accompagné de la reprise du contrôle des mouvements par les surveillants qui ont réinvesti les étages, et a contribué au retour au calme.

A la suite d’une inspection des services pénitentiaires en 2014, l’équipe de direction a été totalement renouvelée la même année et un nouveau chef de détention simultanément mis en place ainsi que, peu après, un directeur technique. Au moment de la deuxième visite, la situation des officiers, en nombre restreint, était tendue, et l’effectif des personnels de surveillance nettement inférieur à celui existant en 2009[1], nécessitant des rappels pour assurer la continuité du service. Le déficit en personnel était en outre aggravé par de nombreuses absences liées à des maladies ou des accidents de travail[2]. Un audit de la direction interrégionale des services pénitentiaires sur l’absentéisme du personnel de surveillance, réalisé en 2014, dès la prise de fonction de la nouvelle équipe de direction, avait déjà évoqué « une spirale de l’absentéisme » avec un taux supérieur à la moyenne[3].

Contrairement à ce qui a été observé dans d’autres établissements, le logiciel GENESIS, en service dans l’établissement depuis février 2015, n’a pas fait l’objet de fortes critiques et les agents, qui semblent se l’être approprié, l’utilisent désormais pour y porter leurs observations.

Des instances de pilotage doivent être réactivées (le conseil d’évaluation, le comité de coordination santé-justice).

La prise en charge des arrivants est de bien meilleure qualité, de même que le processus d’affectation en détention.

La rénovation de trois des quatre bâtiments d’hébergement a largement contribué à l’amélioration du quotidien des personnes détenues par rapport à la précédente visite, en accordant des conditions matérielles de vie dignes en cellule individuelle.

Quant à la complexité des mouvements internes due à la configuration de l’établissement et à l’éloignement entre les bâtiments de détention et les autres structures, relevée lors de la précédente visite, elle n’impacte plus le personnel de surveillance du fait de la réorganisation des mouvements et déplacements devenus fluides.

L’absence de règles d’hygiène en matière de restauration est préoccupante ; la survenance d’un risque sanitaire n’est pas à exclure. Pour leur part, les services fournis par la buanderie souffrent de la vétusté des installations.

Peu de doléances ont été exprimées par les personnes détenues au sujet des cantines, les quelques réclamations étant rapidement et directement résolues en détention ; certaines personnes ont toutefois déploré le délai trop long entre la commande et la livraison.

Concernant l’ordre intérieur, la vidéosurveillance est à moderniser à la porte d’entrée principale et la couverture à finaliser, notamment dans les coursives en détention. Comme l’avait relevé le CGLPL dans son rapport d’activité de 2015, un registre doit être établi indiquant le résultat des fouilles.

Les incidents sont rares. Le recours aux sanctions disciplinaires est appliqué avec discernement et peu de personnes détenues sont placées à l’isolement, celles qui y sont placées le sont principalement à leur demande.

Depuis la précédente visite, les conditions matérielles de visites des familles se sont considérablement améliorées en raison de l’aménagement, depuis le mois de décembre 2014, d’une nouvelle zone de parloirs comportant vingt-quatre cabines fermées et insonorisées et de la création, depuis janvier 2016, de deux unités de vie familiale (UVF) respectant l’intimité des visiteurs et assurant le maintien des liens familiaux.

De plus, des boîtes aux lettres ont été installées dans chaque bâtiment de détention ainsi qu’au quartier des arrivants. Comme déjà relevé dans le précédent rapport, l’emplacement des points phone, situés aux étages des bâtiments de détention, entre les grilles d’accès aux ailes d’hébergement et à proximité du bureau du surveillant d’étage, n’assure aucune confidentialité des conversations téléphoniques ; seules les cabines fermées, situées au rez-de-chaussée la respecte. Des dispositions doivent être prises pour améliorer la situation.

Le dynamisme de certains acteurs tels que le point d’accès au droit, le délégué du Défenseur des droits ainsi que les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, en capacité quantitative et qualitative est à souligner. L’installation des parloirs avocats est demeurée la même qu’en 2009, dans des locaux inconfortables et déséquipés. L’ouverture des droits sociaux soulève des difficultés en raison de l’absence de convention avec les organismes sociaux. Les modes de recueil de l’expression collective doivent être adaptés au profil de la population pénale, une consultation orale des personnes détenues étant plus indiquée dans les établissements pour peine que des consultations sous forme de questionnaire.

L’accès aux soins s’effectue dans des locaux propres et corrects ; il est fluide grâce à l’affectation de deux agents à l’unité sanitaire. Le dispositif de soins somatiques ainsi que les difficultés d’accès aux soins de spécialistes tels que les ophtalmologistes doivent être améliorés. Le suivi médical psychiatrique est morcelé en raison, notamment, de la désertification médicale et le dispositif de soins est dépourvu d’activité thérapeutique. L’utilisation des moyens de contrainte lors des extractions médicales, excessive et disproportionnée, est appliquée sans discernement pendant le transport. De même, la confidentialité des soins et l’intimité des personnes détenues ne sont pas respectées en raison de la présence systématique des surveillants dans les salles de consultations, à l’hôpital.

De nombreuses personnes détenues bénéficient de ressources financières provenant du travail et de la formation professionnelle. L’unité locale d’enseignement dispose de moyens humains et d’un réseau informatique fermé à disposition d’un tiers de la population pénale. De plus, les activités sportives bénéficient de belles installations et de moniteurs actifs.

La politique d’exécution des peines et d’insertion est dynamique, impulsée par des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation investis et motivés.

En conclusion, l’évolution du centre de détention d’Eysses s’avère positive. Un certain nombre de mesures a été prise sous la responsabilité de la direction interrégionale à la suite de l’inspection des services pénitentiaires. La nouvelle équipe de direction a su procéder à d’importantes réformes afin de réinvestir la détention et améliorer de manière substantielle la situation de personnes détenues dont le nombre était exceptionnellement réduit pendant la durée des travaux. La mise en place du module « respect » dans le bâtiment D méritera d’être suivie avec attention.

[1] Les postes vacants représentent un déficit de 19 %.

[2] Lors de la deuxième visite, l’absentéisme concernait une dizaine d’agents.

[3] Les facteurs mis en évidence par l’audit sont multiples (fort sentiment d’abandon de la détention par les agents, dégradation de l’état des étages, une détention pas ou très peu investie par des officiers ne disposant pas de bureau en détention et des gradés en disposant).