Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis (Essonne)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis (Essonne)

Observations du ministre de la santé – MAF de Fleury-Mérogis (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la justice.

 

SYNTHESE

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sept contrôleurs ont effectué une visite à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis (Essonne) du 30 mars au 2 avril 2015.

L’ambiance de la maison d’arrêt est marquée par deux caractéristiques qui sont la population et le personnel féminins et le nombre important de détenues étrangères.

La présence de plus de 50 % de personnes détenues étrangères, dont certaines ne parlent ni le français ni même l’anglais, n’est pas suffisamment prise en compte : notes affichées en langues étrangères extrêmement rares, livret d’accueil spécifique aux personnes non francophones ou illettrées incompréhensible, guide de l’arrivante édité seulement en huit langues – sans le chinois –, procédure contraignante et longue pour obtenir l’intervention d’un interprète, impossibilité d’accès au téléphone à des heures compatibles avec le décalage horaire des pays d’origine.

Ces complications pour les personnes détenues sont aggravées par la faible implication du personnel de surveillance, qui affiche fréquemment une attitude agacée voire irrespectueuse envers celles qui ne comprennent pas ce qui leur est demandé. Les personnes détenues étrangères se plaignent, dans leur majorité, de propos et de traitements discriminatoires tels que retards dans l’ouverture des portes de cellules, propos déplacés, moqueries etc.

Dans le même temps, nombre de surveillantes n’observent pas la distance professionnelle souhaitable à l’égard des personnes détenues et portent des appréciations déplacées sur leurs conditions de vie, en détention comme à l’extérieur, et sur les motifs de leur incarcération. L’absence de douche en cellule, le nombre de douches insuffisant et le régime de détention « portes fermées » renforcent la dépendance des personnes détenues à l’égard du personnel de surveillance, alimentant un risque de relations pernicieuses.

Le comportement de la majorité des surveillantes méconnaît les règles professionnelles et déontologiques élémentaires : lecture du courrier à haute voix, discrimination manifeste entre les femmes détenues, utilisation du créole dans les échanges entre surveillantes. Cette situation, qui ne rencontre aucune correction de la part de la hiérarchie intermédiaire, indifférente à ces pratiques, ou encore l’insuffisance du nombre d’officiers en détention, appellent un rappel sérieux des règles, doublé d’une sensibilisation aux particularités de la population accueillie. Une même vigilance devrait s’appliquer aux surveillantes affectées à la nurserie, dont la proximité avec les mères, si elle conduit à une sérénité de la détention, n’est pas toujours dénuée de jugements de valeur inopportuns.

La faiblesse de l’entretien des bâtiments et du matériel accentue des difficultés qui pèsent autant sur les conditions de travail du personnel que sur les conditions d’hébergement des détenues : fenêtres des cellules détériorées, insuffisance du nombre de douches, impossibilité de confectionner des repas variés, saleté des cours de promenades, absence d’équipement faisant obstacle à l’organisation d’activités.

Les effectifs médicaux et infirmiers limitent la prise en charge médicale à une approche systématique et peu personnalisée des détenues. Singulièrement, la spécificité des mineures n’est pas prise en compte dans l’offre de soins. De ce fait, on constate des situations de blocage et de jugement de valeur qui faussent les prises en charge. Une valorisation de l’activité médicale dans des locaux plus attrayants pourrait certainement améliorer ces dysfonctionnements et les relations entre les soignants et les détenues.

Par ailleurs, il convient d’ériger en règle de droit commun à faire appliquer aux surveillantes qu’elles ne doivent pas assister aux consultations médicales lors des extractions, contrairement à ce qui est pratiqué actuellement.

La prise en charge des mineures est sans doute optimale au regard des moyens dont dispose la MAF pour cette mission. Les efforts de l’établissement pour isoler les mineures des majeures, leur apporter une prise en charge adaptée à leur âge et suivie grâce à l’affectation d’une surveillante sont louables, mais ils ne doivent pas être considérés par l’administration pénitentiaire comme suffisants pour répondre à ses obligations. Un véritable quartier mineures avec les modalités de prise en charge qui s’y attachent (offre scolaire, sportive, présence de la protection judiciaire de la jeunesse) doit être aménagé.

La règlementation pénitentiaire doit être plus rigoureusement observée s’agissant du respect du droit de la défense dans l’organisation des commissions de discipline. De même, il doit être rappelé que les fouilles doivent être décidées conformément à l’article 57 de la loi pénitentiaire et respecter, autant que l’opération elle-même le permet, la dignité de celles qui en font l’objet.

L’absence de permanence de juristes à la MAF depuis octobre 2014, comme celle d’avocats, est préjudiciable aux femmes détenues en ce qu’elle limite leur recours au point d’accès au droit et aux informations juridiques utiles à la préparation à leur sortie. Il convient de remédier à cette carence. De même, la procédure mise en place pour l’intervention d’un interprète doit être simplifiée afin d’assurer aux personnes détenues ne maitrisant pas la langue française la possibilité d’exercer leur droit de recours ou d’accéder au juge de l’application des peines.

La maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis est gérée par l’unique établissement pénitentiaire de Fleury ; cette « centralisation » freine les initiatives des différents responsables au sein de la MAF, qui reçoivent des directives de la direction centrale de la maison d’arrêt (consignes pour les fouilles, gestion des cantines, …).

Cependant, il convient de saluer la réactivité de la direction de l’établissement qui n’a pas attendu de recevoir le rapport de la visite pour mettre en œuvre les mesures correctives les plus facilement réalisables parmi celles qui avaient été évoquées lors de la réunion effectuée avec les contrôleurs en fin de visite : modification du circuit du courrier, élargissement de l’offre de produits de cantine, réorganisation des parloirs, rénovation des locaux du SMPR.