Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Nice (Alpes-Maritimes)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Nice (Alpes-Maritimes)

Observations du ministre de la santé – MA de Nice (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la justice.

 

SYNTHESE

Cinq contrôleurs ont effectué une visite annoncée de la maison d’arrêt de Nice (Alpes-Maritimes) du lundi 28 septembre au vendredi 2 octobre 2015. Trois contrôleurs ont poursuivi la visite jusqu’au 6 octobre 2015. Cet établissement avait fait l’objet d’une précédente visite du 12 au 14 novembre 2008. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait, le 30 avril 2009, rendu publiques des recommandations conformément à l’article 10 de la loi du 30 octobre 2007.

A l’issue de leur visite, les contrôleurs ont rédigé un rapport de constat, qui a été transmis le 1er avril 2016 au directeur de la maison d’arrêt de Nice. Celui-ci n’a formulé aucune observation.

Les points forts qui sont ressortis de la visite des contrôleurs concernent :

  • une équipe de direction soudée, présente en détention à l’image du chef de détention ;
  • la qualité de la gestion et du fonctionnement du greffe par son responsable ;
  • la bonne organisation des parloirs gérés par une équipe dédiée et la présence bénéfique au sein de l’accueil des familles d’un personnel pénitentiaire permettant d’assurer un lien avec les familles ;
  • l’existence de l’unité pour sortants avec un contrat d’engagement signé par la personne détenue qui lui permet de se préparer à la sortie au sein de nombreux ateliers et activités.

Certains points restent cependant à améliorer.

La structure immobilière de l’établissement, implanté dans un quartier du centre-ville, n’a pas évolué par rapport à la première visite ; les bâtiments d’hébergement sont vétustes malgré les quelques améliorations réalisées en 2014. L’incertitude maintenue par le ministère de la Justice sur le devenir de cet établissement vétuste empêche la mise en œuvre d’investissements d’envergure, notamment la mise aux normes des hébergements. Une décision de la direction de l’administration pénitentiaire est urgente et indispensable dans un contexte de surpopulation pénale récurent.

Cette maison d’arrêt, dont la capacité théorique est de 363 places (324 pour les hommes et 39 pour les femmes), hébergeait, au jour du contrôle, 551 hommes et 61 femmes. Cette surpopulation, loin d’être conjoncturelle, apparait chronique.

Au quartier des hommes, l’encellulement individuel est exceptionnel : la majorité des cellules sont doublées voire occupées par trois ou quatre personnes détenues.

Au quartier des femmes, la surpopulation est intolérable ; dans chaque cellule de 13m2, les détenues sont entassées à cinq avec un matelas au sol. Une telle situation engendre des conditions d’incarcération indignes et de multiples violences, de toute nature, entre les personnes détenues ainsi que des comportements conflictuels ; la détention des femmes est gérée avec beaucoup de difficulté par le personnel.

Autre particularité liée à la population pénale de la maison d’arrêt de Nice, son implantation à proximité de la frontière italienne qui prédispose l’établissement à accueillir une population étrangère importante constituée de quarante-trois nationalités. Pour la plupart, ces personnes sont isolées et démunies de ressources ; elles représentaient 46% des personnes détenues lors de la visite. La moyenne des personnes dépourvues de ressources suffisantes est de ce fait élevée. Une prise en charge adaptée est nécessaire pour favoriser l’aboutissement d’une réinsertion.

Aucune disposition spécifique n’existe pour les personnes dites vulnérables qui sont mélangées avec le reste de la détention notamment lors de la promenade, des activités, de la douche, de l’accès au téléphone. Cette situation est d’autant plus dommageable qu’il n’existe pas non plus de quartier d’isolement. Un programme de réduction des violences s’avère absolument nécessaire.

Les infrastructures actuelles impactent gravement les conditions d’hébergement des détenus : les cellules des hommes au quartier des arrivants, au quartier de semi-liberté de même qu’en détention, au quartier des hommes et au quartier des femmes ne sont pas en état (installations électriques non conformes, fermetures de fenêtres défectueuses) et sont sous-équipées (absence d’interphone sauf au quartier des arrivants et au quartier disciplinaire, pas d’eau chaude en cellule). Les personnes incarcérées vivent dans des conditions inacceptables portant atteinte à leur dignité. S’ajoutant à la vétusté des bâtiments et à la sur-occupation des cellules, cette situation ne peut perdurer.

Le quotidien des personnes incarcérées reste comme en 2008 fortement marqué par la faiblesse de l’offre de travail. Une réflexion est nécessaire pour engager des démarches en matière de prospection.

En ce qui concerne les relations extérieures, les conditions d’accès au téléphone sont restreintes. Les téléphones sont toujours situés, comme en 2008, dans les cours de promenade. Quant à la liberté de correspondance, la procédure de collecte n’est pas conforme. Des boîtes aux lettres différenciées (courriers internes, externes) doivent être à installées dans les coursives ; de même, la correspondance destinée au médical exige une meilleure confidentialité.

L’application de la procédure de l’article 57 a retenu toute l’attention des contrôleurs car des fouilles intégrales systématiques étaient programmées pour les personnes en semi-liberté lors de leur visite. Ils ont également relevé l’anormalité de la procédure des moyens de contrainte, excessifs et disproportionnés, lors des extractions médicales. Le menottage est systématique, quel que soit le niveau d’escorte.

Pourtant, l’équipe de direction s’est montrée préoccupée par un tel fonctionnement et attentive à améliorer, autant que faire se peut, et même à moyens constants, les conditions de la vie carcérale.

L’investissement intellectuel et humain du directeur, nouvellement nommé, autant que la disponibilité et le dévouement du jeune directeur de détention particulièrement soucieux des conditions d’incarcération des femmes, laissent présager un changement de politique managériale.

La réflexion, non encore aboutie, conduisant à la mise en œuvre de moyens qui permettraient de donner un sens au parcours de peine, certes vécu dans des conditions matérielles difficilement tolérables, devrait favoriser un climat d’apaisement en détention et concourir à la réinsertion.

Le procureur de la République et le magistrat en charge de l’exécution des peines, s’efforcent de prendre en compte la problématique de la surpopulation en gérant avec opportunité la mise à exécution des courtes peines.