Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du centre éducatif fermé d’Angoulême (Charente)

Rapport de visite du centre éducatif fermé d’Angoulême (Charente)

Observations du ministre de la justice – CEF d’Angoulême

 

SYNTHESE

Trois contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté ont effectué, du 1er au 4 juin 2015, une visite inopinée du centre éducatif fermé d’Angoulême. Il s’agissait d’une première visite.

Un rapport de constat a été rédigé et envoyé le 31 août 2015 à la directrice par intérim de l’établissement. Par courrier daté du 15 septembre 2015, cette dernière a fait connaitre les observations que le rapport a suscitées de sa part. Elles n’ont porté que sur des éléments factuels et ont été prises en considération pour la rédaction du rapport définitif.

Ouvert le 21 mai 2011, le centre éducatif fermé d’Angoulême est public et directement géré par les services de protection judiciaire de la jeunesse. Dès son ouverture l’établissement a connu des difficultés sérieuses de fonctionnement telles que le Préfet de la Charente a pris un arrêté de fermeture administrative, effectif du 7 novembre au 6 décembre 2014.

Les équipes dirigeantes ont été modifiées à plusieurs reprises et lors de la visite du contrôle général, l’établissement était dirigé par une responsable d’unité éducative sous contrat assurant l’intérim de la direction.

Lors de la visite seuls cinq mineurs, tous des garçons, étaient présents dans l’établissement, prévu pour l’accueil de douze personnes garçons ou filles. Depuis l’ouverture, et en corrélation directe avec les difficultés récurrentes de fonctionnement, seuls quarante huit mineurs ont été placés en près de deux ans.

Les contrôleurs ont constaté une situation matérielle confortable, et un environnement partenarial actif et impliqué

L’immeuble, propriété domaniale, dans lequel se trouve l’actuel centre éducatif fermé était autrefois dévolu à un établissement de placement éducatif. Il a été entièrement rénové avec très peu d’erreurs de conception pour un résultat particulièrement agréable, tant de l’extérieur que de l’intérieur.

Bien que situé à proximité immédiate des deux zones sensibles d’Angoulême, le bâtiment se situe au milieu d’un parc partiellement boisé. Le visiteur non informé de la destination du lieu aurait peine à croire de l’extérieur qu’il s’agit d’un lieu fermé.

Les dépendances hors du périmètre clôturé accueillent des ateliers et des jardinets permettant d’offrir une variété d’activités intéressantes.

La partie hébergement, la partie restauration ainsi que les pièces de vie ou de travail sont bien conçues, claires, et en bon état d’entretien et de propreté.

La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse de la région Poitou-Charentes mais aussi les autorités judiciaires locales du siège ou du parquet ont semblé particulièrement attentives et impliquées dans l’amélioration du fonctionnement de cet établissement.

Les pratiques professionnelles n’appellent que des commentaires positifs

Lors de la visite, un travail important de formalisation des pratiques était en cours. Les options choisies n’appellent aucune remarque.

La procédure d’accueil prend soin de conditionner l’arrivée du mineur à l’assurance par l’équipe éducative du milieu ouvert qu’elle pourra se déplacer lors de chaque phase importante du placement. Le projet éducatif individuel comprend trois étapes graduelles, le module un destiné à l’accueil du jeune ainsi qu’à son observation, et à son évaluation, le module deux qui vise à la mise en oeuvre progressive du projet individuel du mineur, le module trois qui prépare ce dernier à la sortie.

La prise en charge éducative et médicale

L’enseignant détaché par son administration au sein du centre éducatif fermé assure une prise en charge essentiellement individuelle avec trois objectifs pour les mineurs : faire réinvestir le scolaire, assurer une remise à niveau en fonction des acquis de chacun, et prévoir une sortie du centre avec un projet d’insertion professionnelle ou de formation. Le travail de qualité effectué doit impérativement être poursuivi.
La prise en charge médicale somatique demeure largement insuffisante du fait de l’absence d’infirmière dont le recrutement était annoncé pour septembre 2015.

La nécessité d’une continuité managériale, et d’une harmonisation des réponses

Dans ce contexte globalement favorable, les contrôleurs se sont penchés sur les raisons qui ont conduit cet établissement à connaître une série de dysfonctionnements tels qu’une fermeture administrative a dû être prononcée.

Ces difficultés tiennent pour l’essentiel à une gouvernance qui a été soit défaillante, soit limitée dans le temps. Lors de la visite un processus important était en cours, qui visait à resserrer les équipes et à obtenir des éducateurs une cohérence et une visibilité dans le comportement avec les mineurs.

Mais ce projet était porté non par un directeur issu de la protection judiciaire de la jeunesse nommé pour plusieurs années avec une lettre de mission claire et affichée, mais par une responsable d’unité éducative sous contrat à durée déterminée. Quel que l’engagement la motivation de cette dernière, son déficit de légitimité n’a pas permis de donner aux personnels un signal fort sur la volonté de leur administration de surmonter les difficultés identifiées.

Les divergences au sein de l’équipe éducative sur les pratiques envers les jeunes ont fragilisé le fonctionnement de l’institution. L’adhésion des personnels au projet de service mis en place par la nouvelle direction n’est toujours pas acquise ; elle est pourtant la condition sine qua non pour aboutir à une situation satisfaisante pour les jeunes accueillis dans cet établissement.

Pour aboutir à cet objectif, l’implication de la direction territoriale de la P.J.J, celle des magistrats locaux, ainsi que le partenariat avec les services de police apparaissent comme des soutiens appréciables. Le centre éducatif fermé d’Angoulême nécessite tout d’abord de la stabilité dans l’équipe dirigeante ainsi qu’un projet de service et une harmonisation des pratiques. L’expérience en cours lors de la visite est apparue pertinente mais non encore pérennisée.

Il y a lieu enfin de souligner que les contrôleurs ont été accueillis dans un excellent état d’esprit par le personnel encadrant et les éducateurs. Deux d’entre eux ont pu assister à un repas ainsi qu’à la réunion de service du jeudi matin. Leur présence à cette réunion a été acceptée par tous et n’a été en aucun cas un obstacle aux débats qui s’y sont tenus, alors même que les sujets débattus étaient délicats pour l’institution.