Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la troisième visite de la maison d’arrêt de Reims (Marne)

Rapport de la troisième visite de la maison d’arrêt de Reims (Marne)

Observations du ministre de la justice_MA de Reims (3e visite)

Observations du ministre de la santé_MA de Reims (3e visite)

 

SYNTHESE

Quatre contrôleurs du Contrôle général des lieux de privation de liberté, accompagnés d’un stagiaire, ont effectué une visite de la maison d’arrêt de Reims (Marne) du lundi 30 mars au jeudi 2 avril 2015.

Cet établissement avait précédemment fait l’objet de deux visites : la première du 2 au 4 novembre 2008 ; la seconde du 7 au 9 février 2012.

A l’issue de la présente visite, les contrôleurs ont rédigé un rapport de constat qui a été communiqué au directeur du centre hospitalier universitaire et au chef de la maison d’arrêt de Reims, le 17 août 2015. Ces derniers ont respectivement répondu le 7 et le 30 septembre 2015.

Si la visite menée en 2012 n’avait pas permis de constater d’évolutions significatives par rapport à la précédente, effectuée en 2009, laprésente mission a été l’occasion d’observer plusieurs avancées intéressantes et d’enregistrer le chemin parcouru dans cet établissement en trois ans, même si l’infrastructure est vieillissante et la situation des effectifs préoccupante.

I/ La maison d’arrêt, implantée dans la ville, à 2 km du centre, est bien desservie par les transports en commun. Elle regroupe un quartier des hommes, de 103 places (mais avec 161 lits), un quartier des mineurs, de dix places (mais avec seize lits) et un quartier de semi-liberté, de quarante-deux places (et autant de lits). Elle est confrontée à des difficultés liées à l’état de l’infrastructure et aux effectifs.

1- 1 – L’établissement est constitué de bâtiments datant majoritairement du début du 20ème siècle. Depuis la précédente visite, une construction modulaire a été mise en place pour accueillir le pôle régional d’extraction judiciaire.

Les locaux, vieillissants, sont inadaptés au fonctionnement actuel (cf. § 3.1 et 5.4) :

  • local du surveillant contrôlant la porte d’entrée principal mais n’offrant pas de bonnes conditions de travail ;
  • absence d’interphone ou de bouton d’appel en cellule (sauf au quartier des mineurs) ;
  • absence d’ascenseurs imposant de tout transporter par les escaliers, et de façon manuelle ; les repas arrivent ainsi froids en fin de chaîne de distribution.

La vétusté de l’infrastructure constitue un danger en détention concernant l’hygiène et la sécurité.

L’état des cellules justifierait un plan général de rénovation. Dans l’immédiat, les mesures suivantes doivent être envisagées :

  • la programmation d’une remise en peinture de la totalité des cellules, ce qui implique de doter le service technique d’un personnel en nombre suffisant ;
  • la dotation d’un mobilier en bon état et en nombre suffisant dans chaque cellule ;
  • la mise en vente de plaques chauffantes en cantine, afin de faire disparaitre des cellules les « chauffes » artisanales qui sont dangereuses et qui contribuent à la dégradation des peintures des murs et des plafonds.

En revanche, il convient de saluer la prise en compte de la recommandation qui avait été faite suite aux précédents contrôles, visant à retirer les volets pare-vue posés devant les fenêtres du 3ème étage, dont la présence engendrait une quasi-obscurité dans les cellules (cf. § 5.2.1). De même, depuis la précédente visite, une salle de commission de discipline a été créée dans une pièce entièrement rénovée (cf. § 6.5).

En outre, il est pris acte des travaux de réfection des salles de douche des deux étages supérieurs engagés postérieurement à la visite. Les conditions alors observées ne respectaient ni l’intimité ni l’hygiène de la personne (cf. § 5.1.2, 5.1.3 et 5.6). Il est également pris note de la rénovation de la cuisine, qui devrait être engagée à compter de janvier 2016 (cf. § 5.4).

1- 2 – Le manque d’effectif, avec quarante-six agents de surveillance et un déficit de six tel qu’il existait à la date de la visite, aggravé par un important absentéisme pour raisons médicales, mais aussi le départ simultané de sept des huit premiers surveillants en fin d’année 2015 pose un véritable problème.

Cette situation inquiétante, qui crée inévitablement des tensions en raison des emplois du temps imprévisibles et des rappels sans cesse renouvelés, entraîne des répercussions dans le fonctionnement de l’établissement (cf. § 3.2 et 14).

Il est ainsi regrettable que le manque d’effectif conduise à prélever des personnels affectés au quartier des mineurs pour assurer le fonctionnement de la détention des majeurs ; dans ces périodes, les mineurs, s’ils ne sont pas pris en charge par l’éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou un enseignant, se retrouvent seuls (cf. § 5.2).

II/ Des constats opérés, certains éléments sont incontestablement positifs.

La baisse du nombre de personnes incarcérées (de l’ordre de près d’un quart de l’effectif entre 2012 et 2015) résulte d’une recommandation qui avait été émise à la suite du précédent contrôle suggérant une meilleure répartition des entrants entre les maisons d’arrêt de Reims et de Châlons-en-Champagne. Reste cependant qu’avec un taux d’occupation de 127 % au quartier des hommes, le droit à bénéficier d’un encellulement individuel ne peut quasiment jamais être pris en compte (cf. § 5.1.1).

Un atelier a été créé depuis la précédente visite. Il s’agit là d’une avancée majeure qui permet d’offrir du travail à une quinzaine de personnes détenues, même si l’activité n’y est pas toujours constante. Une attention devrait être toutefois portée aux équipements de sécurité de ces travailleurs (cf. § 10.2.2).

Le quartier des mineurs, avec huit cellules dont deux doubles, fait l’objet d’une attention particulière et fonctionne dans de bonnes conditions, comme cela avait déjà été observé lors de la précédente visite. Le faible taux d’occupation permet un encellulement individuel. Grâce à un rafraîchissement régulier des peintures, les graffitis sont rares. La prise en charge scolaire est globalement satisfaisante et l’engagement ministériel d’affectation d’un enseignant en éducation physique et d’un professeur d’arts plastiques a été respecté. La pluridisciplinarité fonctionne harmonieusement entre les surveillants, les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et les enseignants (cf. § 5.2).

L’organisation des visites aux parloirs se caractérise par une certaine souplesse qui est favorable au maintien des liens familiaux :

  • les rendez-vous sont pris sur un créneau horaire de visite, ouvert à tous les proches titulaires de permis, et non sur une réservation nominative ;
  • il est possible, en fonction des places disponibles au parloir, de bénéficier d’une visite même sans rendez-vous préalable ;
  • les personnes en retard sur les séries du début d’après-midi peuvent accéder aux parloirs dans une des dernières séries (cf. § 7.1.1).

Chaque jour, y compris le samedi, les personnes détenues reçoivent leur courrier, qui est déposé le matin par La Poste. Cette pratique conforme au droit commun des usagers postaux devrait être rétablie dans tous les établissements pénitentiaires (cf. § 7.3).

Les délais de traitement des dossiers disciplinaires ont été réduits depuis la précédente visite. Cette amélioration mérite d’être soulignée. Les assesseurs sont en nombre suffisant et l’un d’eux est toujours présent en commission (cf. § 6.5).

Comme cela avait déjà été relevé lors de la précédente visite, le SPIP poursuit une politique de partenariat dynamique avec des organismes de formation et des entreprises d’insertion et passe des conventions pour favoriser les placements sous surveillance électronique. Il convient également de noter que, de son côté, le chef d’établissement multiplie les contacts extérieurs pour développer des partenariats (cf. § 12.2).

Par ailleurs, les relations entre les personnels de surveillance et les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation se sont améliorées depuis la précédente visite (cf. § 12.2).

III/ Certaines situations nécessiteraient cependant des améliorations.

Si le quartier de semi-liberté, avec un taux d’occupation de 87 %, fonctionne correctement, là aussi, le manque d’effectif a imposé la ; modification de l’organisation du service, qui permettait jusqu’alors de maintenir la présence d’un surveillant, sept jours sur sept, nuit et jour ; la surveillance de nuit a été abandonnée et confiée à l’équipe de la maison d’arrêt. La prise en charge y demeure toutefois encore réelle mais il est impossible aux surveillants, malgré leur volonté, d’organiser des activités ludiques et d’ouvrir, pour ce faire, la salle équipée d’un baby-foot et d’une table de ping-pong, à d’autres moments qu’en fin fin de semaine. Le manque d’activité, déjà signalé lors de la précédente visite, demeure (cf. § 5.3).

Grâce à l’association SAFIR, les conditions d’accueil des familles avant les parloirs sont excellentes. Toutefois, afin d’éviter à de nombreuses autres personnes une attente sur le trottoir, dans des conditions particulièrement inconfortables et dangereuses, il est nécessaire d’explorer certaines pistes de réflexion : notamment, l’installation d’une borne de réservation au sein de la maison d’accueil ainsi qu’une liaison téléphonique entre cette dernière et la maison d’arrêt, ce qui permettrait aux familles d’être appelées au moment voulu pour accéder à l’établissement (cf. § 7.1.2).

La salle de visite est restée identique à la description négative qui en avait été faite à l’issue des deux précédents contrôles. Les visites se déroulent dans des locaux qui n’assurent ni intimité ni confidentialité. Il est regrettable qu’aucune amélioration n’ait été apportée aux parloirs et que l’annonce faite par la garde des sceaux, en 2013, de travaux d’aménagement des parloirs et d’unités de vie familiale, n’ait pas été concrétisée. A minima, une réfection complète des parloirs s’impose (cf. § 7.1.3).

Le port des menottes ne devrait pas être systématique pour les personnes détenues faisant l’objet d’escorte de niveau 1 et les surveillants ne devraient pas rester dans la salle lors des examens médicaux, cette présence constituant une atteinte grave au respect de l’intimité et une violation du secret médical. Par ailleurs, dans le compte rendu établi en fin de mission, le chef d’escorte devrait mentionner les mesures effectivement appliquées durant le transport et durant les soins et les justifier si elles sont plus restrictives de liberté que celles initialement fixées par le chef d’établissement (cf. 6.4).

L’absence de poste téléphonique au quartier de semi-liberté (situation déjà relevée en 2012), les créneaux restreints d’accès au point phone, l’ouverture d’un seul des trois points-phone dans la cour des majeurs durant la promenade du seul 3ème étage, le défaut de cabine permettant l’intimité des conversations, le coût prohibitif des appels vers des portables contribuent à expliquer la baisse des dépenses de téléphonie (- 28 % entre 2014 et 2013) et sans doute aussi l’introduction clandestine de nombreux téléphones en détention. Une réflexion devrait être conduite sur ce phénomène et sur les incidences en résultant dans les rapports entre personnes détenues (cf. § 5.1.4 et 7.4).

En application de l’article D.262 du code de procédure pénale, qui cite les autorités  dont le courrier est protégé et qui renvoie aux articles 4 et 40 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté devrait être ajouté à la liste figurant à l’article 35 du règlement intérieur de la maison d’arrêt (cf. § 7.3).

Si la salle d’activités fonctionne aussi en été – ce qui est à souligner-, elle est, comme la bibliothèque, peu investie. De plus, une seule formation professionnelle est délivrée au sein de l’établissement au profit des auxiliaires travaillant en cuisine et à l’entretien des étages ; l’éventail des formations proposées mériterait d’être élargi (cf. § 10).