Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite du centre éducatif fermé de la Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret)

Rapport de la deuxième visite du centre éducatif fermé de La Chapelle Saint Mesmin (Loiret)

Observations du ministre de la justice – CEF de La Chapelle Saint Mesmin (2e visite)

SYNTHESE

Quatre contrôleurs se sont rendus au CEF de La-Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) du 29 septembre au 2 octobre 2014 afin d’y effectuer une deuxième visite faisant suite au contrôle opéré en 2009. Un rapport de constat a été établi et adressé à la directrice du CEF de La-Chapelle-Saint-Mesmin le 30 décembre 2014 pour recueillir ses éventuelles observations. Cette dernière a fait connaître ses remarques au contrôle général des lieux de privation de liberté par courrier en date du 28 mai 2015.

Le centre éducatif fermé de La-Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), est situé à cinq kilomètres du centre d’Orléans (Loiret).

Constitué de bâtiments construits sur une dépendance du domaine public affectée au ministère de la justice, le CEF a été ouvert le 16 octobre 2008, date de l’arrivée du premier jeune. Il est composé de trois bâtiments : le bâtiment administratif, le pôle éducatif et le pôle pédagogique.

Sa capacité est, à l’origine, de onze places et d’une place pour personne à mobilité réduite (PMR). Il prend en charge des garçons de treize à seize ans.

La capacité d’accueil est réduite à dix chambres par la transformation de deux chambres, l’une en infirmerie (la chambre PMR) et la deuxième en hébergement de nuit pour l’éducateur de permanence. Depuis l’ouverture du centre éducatif fermé en 2008, 123 mineurs ont été accueillis, dont vingt-trois durant les trois premiers trimestres de 2014.

Le CEF n’a jamais atteint sa capacité de prise en charge ; durant l’année 2012 qui correspond à l’accueil annuel maximal, huit mineurs auraient été admis pendant une même période. Au jour de la visite des contrôleurs, seuls quatre mineurs étaient présents.

Le total des agents en activité au jour de la visite des contrôleurs était de vingt-huit personnes et correspondait à 26,4 équivalents temps plein (ETP). Hormis quatre éducateurs de la PJJ, les personnels éducatifs sont des contractuels, parfois sans qualification, au mieux issus du domaine de l’animation. Ils sont recrutés par annonce dans le cadre de contrats à durée déterminée, susceptibles d’être renouvelés dans la limite de deux ans. Au jour de la visite des contrôleurs, sur les dix agents contractuels en poste, sept bénéficiaient d’un contrat de 4 mois (de septembre à décembre 2014).

Les difficultés que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait portées à la connaissance des autorités, lors de la première visite du CEF de La-Chapelle-Saint-Mesmin en 2009, avaient entraîné une inspection de la protection judiciaire de la jeunesse et conduit à la fermeture provisoire de l’établissement en 2010. Puis deux autres fermetures ont eu lieu suite à des problèmes d’absentéisme du personnel en 2013 et 2014.

La deuxième visite, effectuée par le contrôle général des lieux de privation de liberté en octobre 2014, montre non seulement que les difficultés subsistent, mais qu’elles se sont même aggravées.

De nombreux éléments constituant des atteintes aux droits fondamentaux des mineurs ont été relevés.

1- Les règles de vie et de fonctionnement sont certes formalisées mais souvent ignorées.

L’obligation scolaire est théorique plutôt que réelle malgré la présence d’un enseignant à temps plein. Les emplois du temps ne prévoient qu’une heure et demie de scolarité quotidienne sur quatre jours par semaine (durée bien inférieure à la norme) ; ce temps de scolarité n’est au surplus aucunement respecté par les jeunes.

Les activités, quoique programmées, ne sont effectives que si le jeune le souhaite. Il en résulte une vacuité des emplois du temps et une errance des mineurs dans l’ensemble des locaux. Les jeunes privés de tout repère vivent dans un environnement déstructurant de nature à favoriser des réactions imprévisibles qui se concrétisent par des dégradations et des manifestations de violence verbale et physique tant vis-à-vis d’eux-mêmes que du personnel.

Les plus grandes incertitudes existent dans la manière de définir la discipline et les moyens de la faire respecter en réponse à ces comportements.

2- Le personnel du CEF n’est pas à même de répondre aux besoins de jeunes en grande difficulté.

Parmi le personnel éducatif, seuls quatre titulaires sont formés par la protection judiciaire de la jeunesse tandis que quatre sont stagiaires. Dix sont des agents contractuels recrutés depuis le 1er septembre 2014, sans formation spécifique, pour une durée de quatre mois. L’instabilité de l’équipe éducative nuit au suivi et à la cohérence de la prise en charge des mineurs autant qu’au fonctionnement global de l’établissement.

La directrice du centre et la responsable de l’unité éducative, elle-même contractuelle, travaillent de manière cloisonnée, sans concertation, ni perspective pour faire vivre le projet pédagogique. Il est avéré que de fortes dissensions ont récemment existé au sein du personnel ; elles font partie des motifs qui ont justifié les fermetures successives du centre.

3- Le bâtiment fait craindre pour la sécurité et la santé de ses occupants.

Toute la partie constituant le pôle éducatif est particulièrement dégradée : vitres cassées, armatures en aluminium des fenêtres tordu imposant d’obstruer les fenêtres par des planches ou des armoires, et ce depuis plusieurs mois.

Un manque d’hygiène flagrant est à déplorer tant dans le bâtiment d’hébergement des mineurs que dans les parties communes ; la lingerie, dans un désordre extrême, mélange les vêtements des jeunes et les vêtements des professionnels.