Au Journal officiel du 23 avril 2014 et en application de la procédure d’urgence, le contrôleur général a publié des recommandations sur le fondement de l’urgence relatives au quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault).
L’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d’y répondre.
La ministre de la justice ainsi que la ministre des affaires sociales ont été destinataires de ces recommandations. Un délai de deux semaines leur a été donné pour répondre.
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Résumé:
A la suite de signalements de violences entre mineurs portés à la connaissance du contrôle, deux contrôleurs se sont rendus sur place du 17 au 20 février 2014, afin d’apprécier la véracité de ces informations.
Les constats :
- Les contrôleurs ont rencontré des difficultés importantes pour obtenir les informations nécessaires à l’établissement des faits, comme si on avait voulu minimiser l’ampleur des violences en cause et l’absence de réactions efficaces.
- Les violences qui se déroulent au quartier des mineurs sont très sérieuses. Du 1er janvier 2013 au 11 février 2014, vingt-quatre violences graves ont été recensées dans la cour de promenade des mineurs. Les contrôleurs estiment toutefois que les violences entre enfants sont beaucoup plus nombreuses que celles qui ont été identifiées avec certitude.
- Faute de parade efficace, ces agressions se poursuivent. La cour de promenade comporte des angles morts et de nombreux incidents échappent au surveillant chargé de surveiller la cour à distance. Les procédures disciplinaires sont lentes (délais de plusieurs mois) et compte-tenu de la durée moyenne de détention des enfants, beaucoup ne sont jamais punis.
- Si une prise en charge pluridisciplinaire des enfants existe, la transmission d’informations paraît mal assurée. Le médecin ne délivre des certificats médicaux qu’aux intéressés et ne signale jamais aux autorités judiciaires des cas de violences dont il aurait eu à connaître. Le parquet indique ouvrir une enquête à chaque fait de violence, mais il n’est pas possible de savoir en quelle proportion ces faits sont portés à sa connaissance et les enquêtes se heurtent le plus souvent au silence des victimes et de leurs parents.
La persistance de pratiques violentes au sein du quartier des mineurs met très sérieusement en péril l’intégrité corporelle des mineurs incarcérés, en contradiction avec les principes de droit à la vie et de ne pas subir des comportements inhumains et dégradants, tels qu’ils figurent dans la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (articles 2 et 3) et dans la Convention internationale des droits de l’enfant (articles 6 et 37).
Les recommandations du contrôle :
- Il existe une sorte de résignation aux formes d’agression constatées, au motif que ces enfants seraient « naturellement » portés à la violence. S’il est vrai que des mineurs recourent volontiers à la violence, cette circonstance ne peut être admise comme irrémédiable.
- Le contrôle soulignait déjà dans ses recommandations relatives à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône (JO du 06/01/2009, §4) que les cours de promenade « constituent paradoxalement un espace dépourvu de règles dans des établissements soumis à des normes multiples et incessantes ». Cinq ans plus tard, aucun effort n’a été entrepris pour changer cet état de fait. Le contrôle recommande que des surveillants soient présents dans les cours, et pour commencer celles des mineurs, pour prévenir les trafics et violences.
- La prise en charge éducative des enfants doit comprendre une éducation au règlement des différends, au respect mutuel, à la dénonciation des mythologies (notamment sur de supposées distinctions dues à l’origine géographique).
- La prison doit, et plus encore quand il s’agit de mineurs incarcérés, établir des relations de confiance et de dialogue avec les familles.
- Les auteurs de violences doivent être poursuivis sur les plans disciplinaire et si nécessaire pénal, si la matérialité des faits est établie. Des procédures rapides auraient un plus grand intérêt éducatif et pourraient empêcher le développement d’un sentiment d’impunité dans le quartier des mineurs.
- La question du signalement à l’autorité judiciaire par les médecins ayant constaté les conséquences corporelles d’agressions se pose. La possibilité offerte par le code de déontologie aux médecins de signaler les cas de sévices ou de mauvais traitements devrait être conçue largement concernant des enfants incarcérés, isolés de leurs familles et craignant de se plaindre.