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Rapport de la deuxième visite du centre éducatif fermé de Sinard (Isère)

Rapport de la deuxième visite du centre éducatif fermé de Sinard (Isère)

Observations du ministère de la justice – CEF de Sinard (2e visite)

 

Synthèse

Trois contrôleurs et une stagiaire ont effectué un contrôle du centre éducatif fermé (CEF) de Sinard (Isère), dit le « relais du Trièves », du 4 au 6 juin 2018. Cet établissement avait déjà fait l’objet d’un premier contrôle en avril 2013.

Postérieurement à cette visite, un rapport de constat a été rédigé et envoyé au directeur de l’établissement, à la direction de l’association départementale pour la sauvegarde de l’enfant à l’adulte de l’Isère (ADSEA 38), à la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse de l’Isère ainsi qu’au président du TGI de Grenoble et au procureur de la République près ce même TGI. Seul le directeur de l’établissement a adressé des observations, validées par la direction de l’ADSEA, qui ont été prises en compte pour la rédaction de ce rapport.

L’établissement « Le relais du Trièves » a été créé par un arrêté daté du 6 octobre 2006, par l’ADSEA 38. Celle-ci a été habilitée par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) en août 2008 pour la prise en charge de douze garçons et filles âgés de 13 à 17 ans dans le cadre d’un CEF. Depuis son ouverture, l’établissement n’a jamais accueilli de jeunes filles en raison de la configuration des chambres d’hébergement. Le jour de la visite, onze mineurs étaient présents. L’établissement est géré par une équipe de direction expérimentée et fonctionnant en bonne synergie.

Cette seconde visite a été l’occasion de constater que les points positifs, soulignés à l’issue de la première visite, demeuraient d’actualité. Le projet d’établissement apparaît cohérent et met en évidence la volonté de l’association d’offrir un cadre structurant où la fonction éducative constitue la clef de voûte de la prise en charge du mineur. Tout est mis en œuvre pour associer les familles et maintenir le lien avec elles tout au long du placement de leur enfant. De même, les projets de sortie sont travaillés en amont.

Cependant certaines des observations émises par le CGLPL à l’issue de la première visite n’ont pas été suivies d’effet. A l’instar de 2013, les moyens mis en œuvre pour la scolarité restent insuffisants. Par ailleurs, les difficultés pour recruter des éducateurs spécialisés demeurent un problème majeur qui conduisent la direction à engager du personnel peu ou pas qualifié. Cette situation est parfaitement connue de la PJJ et des autorités judiciaires. Si les éducateurs, dans leur ensemble, font preuve de bienveillance à l’égard des mineurs et sont investis dans la mission qui leur est confiée, il n’en demeure pas moins que certains d’entre eux adoptent des comportements inadaptés en instaurant un rapport de force qui place d’emblée le mineur dans une position d’infériorité. Le CGLPL s’interroge sur la capacité de certains agents à mettre en place une action éducative adaptée.

Bien que la nouvelle équipe de direction ait fait évoluer les pratiques dans le bon sens en matière de gestion de la discipline (à cet égard le recours à la contention n’est plus utilisé), les contrôleurs ont reçu des témoignages alarmants de mineurs prétendant avoir fait l’objet de violences de la part du personnel, en mentionnant particulièrement le nom de deux veilleurs de nuit et d’un éducateur. Les contrôleurs ont constaté que jusqu’à présent toutes les plaintes, orales ou écrites adressées à la direction, n’avaient jamais fait l’objet d’un signalement au parquet ou d’un dépôt de plainte à la gendarmerie. Il n’a pas été possible de vérifier chacune des déclarations des mineurs mais les images, retransmises par la caméra de vidéosurveillance lors de la visite, ont mis en évidence une situation dont les faits relèvent d’une maltraitance inacceptable constitutive d’une infraction pénale. Cet événement grave a donné lieu à un signalement au parquet de la part de la direction et le veilleur de nuit concerné a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour faute grave.

Enfin, il a été observé une procédure de fouille qui consiste à faire déshabiller intégralement le mineur qui est revêtu d’un peignoir. Outre son caractère indigne, elle est pratiquée de façon systématique. Une note émanant de la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse du 30 novembre 2015 est venue proscrire le déshabillage intégral du mineur, « y compris sous un peignoir ». Pour autant, la direction du CEF a décidé de ne pas l’appliquer et assume, pour des raisons de sécurité, la mise en œuvre de cette pratique.