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Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt de Villepinte (2e visite)

 

Synthèse

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, neuf contrôleurs et une stagiaire, accompagnés de l’Observateur national des lieux de privation de liberté du Sénégal, ont effectué une visite de la maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis) du 3 au 14 avril 2017. Cet établissement avait déjà fait l’objet d’un premier contrôle en août 2009.

Postérieurement à cette visite, un rapport de constat a été rédigé et envoyé le 30 juillet 2017 d’une part à la directrice de la maison d’arrêt de Villepinte, d’autre part au directeur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois, ayant en charge les soins somatiques et psychiatriques dispensés à l’unité sanitaire. Ce rapport a également été adressé au président du TGI de Bobigny et à la procureure de la République près ce même TGI. En réponse, la directrice de la maison d’arrêt et le directeur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger ont fait connaître leurs observations qui ont été prises en considération pour la rédaction du rapport.

Cette visite s’est déroulée dans un contexte particulier puisqu’au cours de la semaine qui a précédé le contrôle, la directrice de l’établissement avait pris la décision, en concertation avec la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris, de ne plus accueillir de nouveaux arrivants en raison de la surpopulation pénale.

Cet établissement, d’une capacité théorique de 587 places, dont quarante sont réservées aux mineurs, a été mis en service le 7 janvier 1991. La structure immobilière, qui est sous-dimensionnée au regard de la population pénale, vieillit mal et les conditions d’hébergement sont indignes. Le premier jour de la visite, la maison d’arrêt comptait 1 115 personnes détenues et le taux d’occupation global de l’établissement était proche des 200 %. En dépit du nombre de lits rajoutés dans la plupart des cellules, cinquante-sept personnes étaient contraintes de dormir sur un matelas posé à même le sol. De même, plus d’un quart des personnes détenues étaient hébergées à trois, voire à quatre dans des cellules d’une ou deux places.

Ce phénomène de surpopulation avait déjà été signalé à l’issue du premier contrôle de 2009. Le rapport de visite faisait alors état d’un taux d’occupation de 146 %. Cette question, qui concerne malheureusement de nombreuses maisons d’arrêt, a toujours été dénoncée par le CGLPL comme attentatoire à la dignité des personnes et constituant un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. En outre, le droit à l’encellulement individuel n’est pas respecté comme le prévoit la loi pénitentiaire de 2009. Cette situation est parfaitement connue de l’administration pénitentiaire et des autorités judiciaires.

De même, la surpopulation a des conséquences très importantes sur les modalités de prise en charge des personnes détenues. L’ensemble des services de l’établissement, dont l’objectif est de favoriser la réinsertion, est saturé. Cela se traduit par un accès aux soins restreint, une offre de travail et d’activités sportives et socio-culturelles insuffisante, un accès à l’enseignement limité, ainsi qu’un dispositif de prise de rendez-vous au parloir problématique.

Néanmoins, cette seconde visite a été l’occasion de mesurer des améliorations considérables par rapport aux constats alarmants établis par le CGLPL en 2009 et le CPT en 2015. La nouvelle équipe de direction a repris le contrôle de l’établissement, ce qui a permis de remotiver le personnel pénitentiaire et de renforcer la sécurité des personnes détenues. Les relations entre la population carcérale et les agents pénitentiaires sont apparues relativement apaisées, et ce malgré les nombreux incidents favorisés par la surpopulation.

Des changements notoires d’ordre structurel ont été effectués afin d’équilibrer les différents secteurs de la détention et de fluidifier les mouvements des personnes détenues. De même, le service des agents pénitentiaires a été entièrement réorganisé. A cet égard, le taux d’absentéisme des agents observé était relativement faible lors de la visite.

La mise en œuvre de projets innovants tels que le régime de respect, consistant à faire bénéficier des personnes détenues sélectionnées selon des critères spécifiques d’un régime de détention plus souple, est une initiative qui mérite d’être soulignée eu égard au contexte de surpopulation.

Il convient également de noter la création d’un quartier spécifique réservé aux personnes repérées comme étant vulnérables ou souffrant d’une pathologie psychiatrique et pour lesquelles une affectation dans un des quartiers de détention dite ordinaire est inenvisageable.

Cependant tous ces changements positifs se sont opérés au prix d’un durcissement de la détention. Afin de restreindre au maximum les mouvements, considérés comme chronophages par les surveillants, les personnes détenues ne bénéficient plus que d’une promenade unique par jour et le créneau d’accès à la douche a été fortement réduit.

Par ailleurs les fouilles intégrales demeurent toujours nombreuses en sortie de parloirs, et la liste des personnes détenues qui y sont soumises apparaît mal maîtrisée. Les moyens de contraintes utilisées lors des extractions médicales sont souvent disproportionnés, ce qui porte atteinte à la dignité.

Dans un tel contexte, le maintien des droits fondamentaux représente un véritable défi pour la direction qui dispose d’une marge de manœuvre relativement limitée.

La majorité de ces constats n’est malheureusement pas spécifique à la maison d’arrêt de Villepinte. Il apparaît donc urgent d’engager une réflexion de fond afin de proposer d’autres alternatives à l’incarcération et de mettre en place des mesures qui permettraient de réduire sensiblement le phénomène de surpopulation.