Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Brest (Finistère)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Brest (Finistère)

Observations du ministre de la santé – MA de Brest (2e visite)

Observations du ministère de la justice – MA de Brest (2e visite)

Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt de Brest (2e visite)

 

SYNTHESE

Six contrôleurs du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ont effectué du 14 au 18 mars 2016 une visite de la maison d’arrêt de Brest (Finistère). Cette mission constituait une deuxième visite faisant suite à un premier contrôle réalisé du 17 au 21 mai 2010.

Un rapport de constat a été adressé au chef d’établissement, au directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Brest, à la présidente du tribunal de grande instance (TGI) de Quimper, présidente du centre départemental de l’accès au droit (CDAD), au préfet du Finistère et au président du TGI de Brest. Seules les observations de ce dernier sont parvenues au CGLPL et ont été prises en compte dans le rapport joint. Des contacts ont été établis avec la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Rennes.

Une suroccupation toujours préoccupante

La maison d’arrêt de Brest est en service depuis mars 1990. L’établissement dispose en temps normal de 375 lits (320 en 2010), non compris les quartiers de semi-liberté (QSL), d’isolement (QI) et disciplinaire (QD), pour un nombre théorique de 242 places – la plupart des cellules individuelles étant équipées de deux lits et celles à deux places de trois lits.

Lors de la visite des contrôleurs en mars 2016, l’établissement était en travaux et comptait 241 lits, quartier des mineurs (QM), QSL, QI et QD non compris, pour un nombre théorique de 183 places. Dans le cadre des travaux conduits dans le quartier des hommes, les femmes détenues (dix-huit en moyenne en 2015) avaient été transférées dans d’autres établissements pour libérer leur quartier transformé en quartier des arrivants (QA) : les choix de certains transfèrements peuvent à cet égard apparaître contestables.

Ceci étant, le taux d’occupation effectif constaté par les contrôleurs était de 155,9 %, supérieur à celui de 127,5 % annoncé dans le bilan mensuel de la direction de l’administration pénitentiaire du 1er mars 2016. Ce taux de surpopulation pénale est à peu près similaire à celui (162,3 %) dénoncé par le CGLPL lors de la visite de 2010. Le taux d’encellulement individuel du quartier des hommes de 15% est manifestement insuffisant.

Un personnel compétent, expérimenté mais en nombre insuffisant

Le personnel pénitentiaire de surveillance est apparu compétent, expérimenté, actif et bienveillant. Cependant, le déficit de personnel par rapport aux effectifs théoriques s’est accru depuis 2010.

Le pilotage de l’établissement à travers des instances nombreuses et variées permet une égalité de traitement et une diffusion de l’information aux niveaux adaptés. L’action du référent qualité – exceptionnel dans un établissement de cette nature – participe manifestement à la qualité du pilotage.

Une organisation de la détention satisfaisante mais des points négatifs à modifier

L’organisation de la procédure d’accueil est bien rodée. Cependant le QA est utilisé pour la mise en quarantaine de personnes détenues dont le régime est plus restrictif que celui du QI.

Au quartier de la maison d’arrêt des hommes, les cellules sont propres mais le minimum d’équipements nécessaires en est absent ou détérioré. En outre, les personnes détenues devraient pouvoir bénéficier d’eau chaude, autre que celle du robinet, pour le petit-déjeuner.

Au QM, la prise en charge est apparue bonne et assurée de façon globale par l’ensemble des services. Des améliorations doivent être cependant recherchées, notamment la coordination avec le conseil départemental, la protection judiciaire de la jeunesse, le siège et le parquet du TGI de Brest, pour mieux prendre en compte les mineurs étrangers isolés. En matière de santé, la question des autorisations parentales par l’unité sanitaire (US) continue de poser des problèmes. Enfin, il est déploré que les mineurs doivent cantiner pour les petits déjeuners des samedi et dimanche, moins abondants que ceux de la semaine.

Si les QD et QI nécessitent des améliorations telles que la réfection de certaines cellules du QI et l’arrivée d’eau chaude, il a surtout été constaté que le QSL était en complète déshérence.

Enfin, si la couverture de la vidéosurveillance a été améliorée, elle demeure encore incomplète, notamment dans les zones de circulation et les escaliers : il apparaît utile et important que les travaux nécessaires soient réalisés.

Des droits des personnes détenues globalement respectés

L’aide aux personnes détenues dépourvues de ressources suffisantes est assurée. Cependant les dates d’établissement des situations financières, bases de l’attribution de cette aide, sont fluctuantes et mal définies : les périodes sont ainsi globalement supérieures ou inférieures à un mois.

Les contrôleurs ont constaté que les fouilles étaient proportionnées et assurées dignement.

Il est apparu que la commission de discipline respectait les droits de la défense dans la lettre et dans l’esprit, avec en particulier la recherche de sanctions alternatives au placement en cellule disciplinaire et que dans ce cas, l’exécution des sanctions prononcées en fin de semaine, était différée au lundi.

Les relations avec l’extérieur sont assurées dans des conditions satisfaisantes pour la venue des visiteurs de prison avec lesquels est noué un partenariat associatif de qualité. Deux points d’amélioration relatifs au respect de l’intimité des personnes détenues, signalés lors de la première visite des contrôleurs sont toujours d’actualité. Le premier concerne le courrier des personnes détenues : faute de de boites à lettres en détention, le courrier au départ est relevé dans les cellules par le personnel de surveillance, ce qui n’est pas acceptable. Le second porte sur le téléphone. L’isolation phonique des points phone est insuffisante, comme l’information des personnes détenues sur les possibilités qui leur sont offertes pour téléphoner.

L’accès à l’exercice d’un culte est effectif. Les aumôniers sont présents : cependant, ils ont accès aux mineurs dans des conditions variables selon les ministres des cultes et sans l’autorisation de la personne exerçant l’autorité parentale.

Le point d’accès au droit (PAD), après deux années de fonctionnement insatisfaisant, a été suppléé par un réseau associatif dense, sans financement du CDAD auquel le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) n’était pas associé. Cette situation ne peut rester en l’état.

Le délégué du Défenseur des droits est actif auprès de la direction. En dépit des actions des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP), l’obtention et le renouvellement des titres de séjour des étrangers sont quasi impossibles alors que l’obtention et le renouvellement des documents d’identité se déroulent sans difficulté.

L’ouverture des droits sociaux est prise en charge correctement par l’association Emergence et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). La mise en place du logiciel ATLAS permettrait cependant d’accélérer et de simplifier les immatriculations des personnes détenues à la sécurité sociale.

En matière de santé, l’unité sanitaire est apparue solide, dynamique et bien articulée avec l’administration pénitentiaire, notamment en ce qui concerne la prévention du suicide. Les conditions matérielles devraient prochainement s’améliorer avec l’ouverture de nouveaux bâtiments au sein de la maison d’arrêt. Toutefois, une réflexion doit être conduite sur la distribution des médicaments afin qu’elle soit toujours assurée en mains propres par un personnel soignant. Comme en 2010, l’utilisation des moyens de contrainte demeure disproportionnée notamment lors des extractions médicales et la présence d’un personnel de surveillance lors des consultations médicales au centre hospitalier est inappropriée.

Des défaillances en matière de travail et de formation professionnelle

En matière d’activités et d’accès au travail et à la formation, les personnes retenues sur la liste d’attente pour le travail ne sont pas affectées selon l’ordre chronologique de leur inscription. Par ailleurs, la direction de l’établissement devrait superviser davantage la gestion des ateliers, en particulier le cadencement qui détermine des salaires manifestement insuffisants.

La formation professionnelle demeure limitée, se résumant à une initiation aux métiers du bâtiment pour laquelle le très faible nombre de candidatures ne permet pas au demeurant d’honorer le nombre de places offertes. Le plan de formation doit être dynamisé.

En ce qui concerne l’enseignement, la modification du calendrier scolaire pour les enseignants a conduit à allonger le temps d’enseignement de quatre semaines sur l’année, ce qui est apparu comme une bonne pratique.

Si les besoins d’activité sportive étaient satisfaits en dépit des travaux en cours, les activités socioculturelles mériteraient d’évoluer dans la forme ou dans le fond afin d’accueillir davantage de participants.

Un bon accompagnement de l’exécution des peines

En matière d’exécution des peines et d’insertion, les actions sont conduites de façon satisfaisante par le SPIP. Les bonnes relations partenariales, institutionnelles et associatives assurent un accompagnement des parcours d’exécution des peines de qualité.

Pour le parcours d’exécution des peines (PEP), l’ajustement entre les décisions judiciaires, les accompagnants publics et associatifs, et les réponses sociales apparait optimal en dépit de l’absence d’instance PEP.

L’aménagement des peines est correctement assuré, avec enchaînement et la progressivité entre semi-liberté, placement sous surveillance électronique et libération sous contrainte, en dépit d’un QSL sous dimensionné et d’une salle de débats contradictoires inadaptée.

En conclusion, certains points négatifs soulignés dans le précédent rapport de 2010 (suroccupation carcérale, déficit de personnel, offre de travail insuffisante, difficultés a priori dans l’animation socioculturelle, utilisation systématique des menottes lors des extractions) perdurent en 2016, voire se sont aggravés. En revanche, la construction d’une nouvelle unité sanitaire mettra fin aux carences sanitaires dénoncées il y a 6 ans. Il faut également mettre au crédit de l’administration le constat d’une détention paisible, largement due à l’ensemble du personnel et notamment à celui de surveillance, expérimenté, calme et respectueux des personnes détenues. L’attention portée par la direction et le commandement aux aspirations, tant du personnel de surveillance, administratif et technique que de la population pénale, joue certainement un rôle important dans le climat apaisé.