Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Laval (Mayenne)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Laval (Mayenne)

Observations du ministre de la justice – MA de Laval (2e visite)

Observations du ministre de la santé – MA de Laval (2e visite)

 

SYNTHESE

Quatre contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté ont effectué, du 12 au 15 janvier 2015, une visite de la maison d’arrêt de Laval. Cette mission constituait une deuxième visite, suite à un premier contrôle réalisé en juin 2011.

Un rapport de constat a été adressé le 5 mai 2015 au chef d’établissement, lequel a fait connaître en retour, le 5 juin, des observations qui ont été intégrées dans le présent rapport. Aucune observation n’est parvenue des différents responsables des partenaires de l’établissement.

Comme cela avait été mis en exergue lors du précédent contrôle, la maison d’arrêt se caractérise toujours par une « gestion de proximité », même si l’« ambiance familiale » qui était alors soulignée se trouvait au moment de la deuxième visite entachée par les éléments mentionnés in fine. Ceci résulte de l’attachement chez la plupart du personnel à son outil de travail, la persistance d’un partenariat solide avec le SPIP, l’unité sanitaire, l’enseignement, les associations ainsi qu’une demande d’activités des personnes détenues plus largement satisfaites ici qu’ailleurs.

L’établissement se caractérise toujours par un taux d’occupation très élevé et par des conditions de détention très dégradées. Il héberge des hommes majeurs dont certains en semi-liberté. Au moment du contrôle, avec un effectif de 104 personnes détenues pour 71 places, le taux global d’occupation était de 146 % et atteignait 179 % hors quartier de semi-liberté. Il en résultait que moins d’un homme sur sept en détention bénéficiait du droit fondamental à être placé en cellule individuelle.

La présente visite a cependant permis de mettre en évidence plusieurs améliorations apportées depuis le précédent contrôle en 2011.

L’offre de cantine a été élargie avec la mise en vente notamment de produits hallal et de plaques à induction en vitrocéramique. En outre, les bons de commande font désormais apparaître le prix des produits. L’établissement a par ailleurs conservé sa bonne pratique, consistant à créditer les comptes des mandats ou virements reçus avant le traitement des bons de cantine, ce qui permet aux personnes détenues de disposer très tôt de leur argent.
Le prix de location d’un téléviseur est dorénavant dégressif en fonction du nombre d’occupants de la cellule et les personnes dépourvues de ressources suffisantes bénéficient de la gratuité.

Les fouilles intégrales pratiquées sur les personnes détenues à l’issue des parloirs ne concernent plus que le tiers de l’effectif, alors qu’elles étaient encore réalisées de manière systématique lors du précédent contrôle. La procédure d’enregistrement des fouilles individuelles qui a été mise en place devrait toutefois être respectée avec une plus grande rigueur.

S’agissant de la mise en oeuvre de l’action disciplinaire, les deux problèmes soulevés à la suite du précédent contrôle ont été résolus : un assesseur extérieur siège désormais en commission de discipline et il n’est plus procédé à la visite médicale « préventive » avant chaque comparution afin de savoir si l’état de santé de la personne convoquée était ou non compatible avec un placement en cellule disciplinaire.

De même, pour la correspondance, le courrier des personnes détenues est désormais directement récupéré par le vaguemestre et ne passe plus entre les mains de tiers, surveillants ou auxiliaires d’étages ; la correspondance, sous pli fermé, avec les autorités administratives et judiciaires est dorénavant enregistrée dans un document ad hoc.
S’agissant des visites, la mise en place d’une borne de réservation et l’affectation d’un surveillant au fonctionnement de celle-ci, permettant une intervention rapide en cas de difficulté, ont grandement amélioré la procédure de réservation des parloirs. La souplesse dont il est fait preuve dans l’organisation des visites doit être soulignée.
Le SPIP dispose désormais d’un local, ce qui facilite son travail et permet une meilleure intégration de son personnel dans l’établissement. Le rôle actif du SPIP mérite d’être souligné, le dispositif de parcours d’exécution des peines restant toutefois à mettre en place.

D’autres points soulevés lors de la première visite n’ont cependant pas connu de pareilles améliorations.

Dans un établissement datant de plus d’un siècle, en dépit de travaux entrepris depuis le précédent contrôle, l’état général des locaux de détention est préoccupant au regard de la salubrité et de l’hygiène en détention.
Le règlement intérieur est totalement obsolète. Il est incomplet et comporte des informations fausses.

L’ouverture des droits sociaux à l’arrivée n’est pas toujours garantie, de même que les délais de mise en oeuvre. Dès l’écrou d’une personne, un suivi régulier devrait être mis en place en lien avec la CPAM.

Concernant le quartier de semi-liberté, le premier surveillant référent gagnerait à être mieux identifié et ses fonctions plus clairement définies. En outre, les heures d’entrée et de sortie devraient être davantage adaptées aux contraintes horaires des emplois locaux afin de favoriser l’octroi de mesures d’aménagement de peines. L’accès des semi-libres au téléphone, aux visites et aux activités devrait être revu.

La mise en place d’une borne de réservation et l’affectation d’un surveillant au fonctionnement de celle-ci, permettant une intervention rapide en cas de difficulté, a grandement amélioré la procédure de réservation des parloirs. La souplesse dont il est fait preuve dans l’organisation des visites doit également être soulignée.
Si le quartier disciplinaire est désormais doté d’un placard de rangement et d’une douche garantissant le respect de l’intimité, l’installation récente d’une grille de caillebotis devant la fenêtre, à l’intérieur même de chaque cellule, constitue une réelle gêne, sur le plan visuel et psychologique, qui interroge notamment au regard de la prévention du suicide.

La question du téléphone est toujours à considérer afin de faciliter le maintien des liens familiaux : l’absence de poste au quartier de semi-liberté, les créneaux restreints d’accès, le défaut de cabine permettant l’intimité des conversations, le coût prohibitif des appels vers des portables devraient être réellement pris en compte.

Concernant l’organisation des soins, plusieurs points ont été relevés.

Lors des consultations médicales avec une personne ne parlant pas le français, il peut être fait appel à une autre personne détenue pour traduire, ce qui ne permet pas de garantir la confidentialité des soins et constitue une atteinte aux droits de la personne soignée.

L’intervention de l’équipe psychiatrique est insuffisamment coordonnée avec celle de l’ensemble des professionnels intervenant à l’unité sanitaire (y compris addictologiques). Il en est de même de la coopération entre l’hôpital et la clinique de Laval dont l’intervention conjointe est nécessaire pour garantir l’accès à toutes les spécialités médicales.
La procédure d’accès aux dossiers médicaux n’offre pas toute garantie en matière de confidentialité des informations médicales et permet pas de tracer l’accès à un dossier en dehors des heures d’ouverture de l’unité sanitaire. Le système d’information de l’unité sanitaire ne permet pas d’apprécier la réalité de la couverture de la population incarcérée en matière d’actions de prévention, de dépistage ou de soins.

Le port systématique des menottes et celui fréquent des entraves continuent à être imposés aux personnes détenues lors des extractions médicales, quels que soient le niveau d’escorte et l’estimation faite de leur dangerosité. Ces moyens de contrainte sont maintenus pendant les soins, qui se déroulent en général en présence des surveillants d’escorte. Le recours non individualisé et insuffisamment motivé aux moyens de contrainte et la surveillance constante durant l’exercice médical constituent des pratiques attentatoires au respect de la dignité humaine et de la confidentialité des soins.

Enfin, au moment du contrôle, l’établissement se trouvait plongé dans un climat délétère, miné dans son fonctionnement par une grande souffrance de nombreux agents. Tout au long de leur présence, les contrôleurs ont été interpellés par des personnels de tout grade, dénonçant le comportement d’un premier surveillant accusé de « harceler », de « provoquer », de « manipuler », d’« agresser physiquement, verbalement, ou psychologiquement »…. Ce climat délétère ne peut être sans conséquence sur le fonctionnement de l’établissement et sans effet sur les conditions de vie des personnes détenues. L’administration paraissait impuissante face à de telles dérives que les contrôleurs ont eux-mêmes observées.