Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (Yvelines)

Rapport de deuxième visite du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (Yvelines)

Observations du ministère de l’intérieur – Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice, de la santé et de l’intérieur auxquels un délai de quatre semaines a été fixé pour produire leurs observations.

 

Synthèse

Une équipe de six contrôleurs a effectué une visite du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHIPS) du 2 au 9 octobre 2023, annoncée à la direction la semaine précédente. Une première visite avait été effectuée en février 2014.

Le présent rapport a fait l’objet d’échanges contradictoires avec la directrice générale du groupement hospitalier des territoires des Yvelines Nord (GHT) dont les observations ont été intégrées dans le présent rapport définitif. La directrice relève un certain nombre d’imprécisions, il peut effectivement s’agir d’erreur des contrôleurs mais également de la mauvaise connaissance de la structure ou de son fonctionnement par les soignants, les cadres et cadres supérieurs que les contrôleurs ont interrogés. Cela laisse penser qu’une amélioration de la transmission des informations entre la direction et les professionnels est nécessaire concernant le fonctionnement du CHIPS. Le préfet du département des Yvelines, le directeur de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, le président et le procureur du tribunal judiciaire de Versailles ont également été destinataires du rapport provisoire mais n’ont pas fait valoir d’observation en retour.

La Contrôleure générale a adressé un courrier au ministre de la Santé et de la Prévention, le 3 novembre 2023, concernant la gravité des constats opérés aux urgences et l’ignorance de leurs droits dans laquelle se trouvent les patients. Ce courrier est annexé au présent rapport.

Le CHIPS, support du groupement hospitalier de territoire (GHT) Yvelines Nord, est établi sur deux sites, l’un à Poissy, l’autre à Saint-Germain-en-Laye. Le pôle de psychiatrie se compose de quatre unités :

  • à Poissy : l’unité de préparation à la sortie (UPS) et le centre clinique de psychothérapie (CCP) regroupe au sein d’une même unité accueillant les secteurs 4 et 5 (au 2ème étage) ; L’unité de préparation à la sortie (UPS) est, quant à lui, situé au RDC. S’agissant du 1er étage, il héberge plusieurs bureaux de professionnels et des activités ambulatoires et de thérapies familiales ;
  • à Saint-Germain-en-Laye : le centre d’accueil et de traitement à durée brève (CATDB) unité intersectorielle et l’unité d’hospitalisation du secteur 6 (UH).

L’établissement, confronté à une pénurie de personnel, aussi bien médecins que soignants, a fermé au cours de ces dernières années 24 lits sur 72 ce qui représente une perte de 33 % de la capacité hospitalière (hors UPS). A cette diminution s’ajoute celle de la capacité d’accueil durant l’été et pendant les vacances de Noël par manque de personnel également.

Or, cette réduction drastique du nombre de lits a pour conséquence une très longue attente des patients aux urgences du site de Poissy avant d’être hospitalisés en psychiatrie. Cette attente, qui peut durer plusieurs jours, s’effectue dans des conditions de prises en charge indignes : les patients patientent et dorment sur des fauteuils en chemise d’hôpital ouverte dans le dos, ce qui ne respecte pas leur intimité. Les personnes agitées sont attachées sur un brancard à la vue des autres et ne sont pas forcément détachées pour manger ou uriner.

Dans sa réponse au rapport provisoire, la directrice du CHIPS indique : « Sur la période allant du 9/12/2023 au 30/1/2024, soit une période de six semaines qui a permis d’objectiver la situation observée par le CGLPL. Ainsi sur 193 situations observées, 80 % des patients se trouvaient en pyjama fermé et en chemise d’hôpital ouvert dans le dos afin de mieux respecter leur intimité. D’après ce même audit, 83 % des patients qui faisaient l’objet d’une mesure d’isolement ou de contention ont pris un repas de manière autonome. De plus, il est à noter toujours selon cet audit, que 15 % des situations observées font état de contentions physiques, qui reste toujours une mesure du dernier recours ».

L’isolement et la contention réalisés aux urgences s’effectuent hors du cadre légal de l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique et sans possibilité de recours.

Dans sa réponse au rapport provisoire, la directrice du CHIPS indique : « L’établissement comprend que ce qui lui est reproché est la non-traçabilité de la mesure d’isolement/contention et de sa surveillance. Pour y remédier, une fiche de surveillance et de prescription spécifique a été travaillée par le pôle psychiatrie à l’attention des médecins du service d’accueil des urgences (SAU) pour être implémentée dans le dossier patient informatisé (outil SILLAGE). En outre, l’établissement rappelle que le patient au profil psychiatrique pris en charge aux urgences générales de Poissy a un statut de consultant avec, seulement, une évaluation psychiatrique faite au service des urgences. La prise en charge psychiatrique à proprement parler, ne débute qu’une fois que le patient a été transféré en unité d’hospitalisation complète de psychiatrie sur le site de Poissy ou de Saint-Germain-en-Laye ».

Une fois dans les unités, les informations données aux patients sont lacunaires, à la fois concernant l’hospitalisation elle-même (pas de livret d’accueil en psychiatrie), mais également concernant les soins sans consentement. De même, les soignants manquent de formation pour expliquer aux patients les décisions du juge des liberté et de la détention, systématiquement mises en délibérées. D’autre part, la liberté d’aller et venir n’est pas respectée dans les deux unités de Saint-Germain-en-Laye qui sont fermées mais accueillent des personnes en soins libres. A ceci s’ajoutent de multiples restrictions à la vie quotidienne.

Il n’existe pas d’unité de pédopsychiatrie en hospitalisation complète et, au moment du contrôle, un jeune de 17 ans était hospitalisé en unité pour adultes.

Dans sa réponse au rapport provisoire, la directrice du CHIPS indique : « Il n’existe pas d’unité d’hospitalisation complète de psychiatrie infanto-juvénile au CHIPS mais des structures ambulatoires. D’une manière générale en Ile-de-France, l’offre d’hospitalisation complète en psychiatrie infanto-juvénile est très en-deçà des besoins et le CHIPS n’en est pas pourvu. La seule offre existante sur le territoire se trouve au CH Théophile Roussel à Montesson, l’unité Alizée au CHI Meulan/Les Mureaux ayant fermé depuis plusieurs années, en raison d’un manque de personnel médical. Les actions mises en place lors de l’accueil ponctuel d’un patient ayant le profil Grand Adolescent/Jeune Adulte (GAJA) dans un service de psychiatrie adulte seront explicitées ».

L’ouverture d’esprit de la direction de l’établissement comme des interlocuteurs rencontrés et le nombre comme la qualité des réponses au rapport provisoire démontrent une certaine attention portée aux présentes recommandations.