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Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier de la Haute-Marne à Saint-Dizier et Chaumont (Haute-Marne)

Rapport de deuxième visite du centre hospitalier de la Haute-Marne à Saint-Dizier et Chaumont (Haute-Marne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de quatre semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Six contrôleurs ont effectué une visite annoncée du centre hospitalier de la Haute-Marne (CHHM) à Saint-Dizier et à Chaumont (Haute-Marne) du 5 au 12 février 2024. Il s’agissait d’une deuxième visite, un précédent contrôle ayant été réalisé en février 2016.

Le rapport provisoire rédigé à l’issue de cette visite a été transmis le 7 juin 2024 à la directrice du CHHM, aux autorités judiciaires, au préfet et à l’agence régionale de santé. Seule la direction du centre hospitalier a transmis en retour un tableau de suivi des actions mises en œuvre à l’issue des recommandations, distinguant celles finalisées et en cours, annexé au présent rapport. Le suivi de ces actions sera apprécié dans le cadre d’une visite ultérieure du CGLPL.

Membre du groupement hospitalier de territoire (GHT) Cœur Grand Est qui réunit huit établissements de santé de la Meuse, de la Marne et de la Haute-Marne, le centre hospitalier de la Haute-Marne est l’unique hôpital psychiatrique public sur le territoire de la Haute-Marne et le seul établissement habilité à recevoir des patients en soins sans consentement.

L’établissement compte 346 lits d’hospitalisation complète. La psychiatrie adulte dispose de 145 lits répartis en six unités dont quatre se trouvent à l’hôpital André Breton à Saint-Dizier et deux au centre médical Maine de Biran à Chaumont. L’unité Modado à Saint-Dizier est la seule du département à accueillir des mineurs en hospitalisation complète et dispose de 5 lits. Le centre hospitalier de la Haute-Marne assure également la prise en charge des urgences psychiatriques et pédopsychiatriques par la mise en place de la psychiatrie de liaison dans les centres hospitaliers de Saint-Dizier et de Chaumont en semaine et par l’astreinte opérationnelle les soirs et les fins de semaine. Cependant, cet accueil pâtit de l’aléatoire disponibilité de l’équipe de liaison.

Les patients adultes en soins sans consentement sont hospitalisés dans les unités fermées des Iris et Maine de Biran (2ème étage). L’établissement n’analyse pas suffisamment son activité en soins sans consentement et le recours aux procédures dérogatoires est majoritaire. Les patients détenus et ceux hospitalisés en soin sur décision du représentant de l’Etat ne sont accueillis que sur l’unité des Iris, compromettant le maintien des liens familiaux pour les patients relevant du secteur de Chaumont et de Langres, malgré la possibilité pour les familles de partager un repas dans les unités. Par ailleurs, l’hébergement en unité fermée reste encore trop lié au statut des patients en soins sans consentement, ces derniers y étant d’office hébergés.

Le CHHM souffre par ailleurs d’une pénurie de médecins généralistes, psychiatres et pédopsychiatres, très partiellement compensée par l’embauche de médecins associés.

Cette deuxième visite du CGLPL a permis de constater que des efforts ont été portés sur la structure immobilière, avec la rénovation des unités. Néanmoins, les conditions de prise en charge demeurent inadaptées à Modado et indignes concernant les chambres d’isolement de l’unité des Iris.

La prise en charge est respectueuse des droits des patients, en dépit d’une information insuffisante, tant sur les droits généraux des patients hospitalisés que sur les droits spécifiques de ceux en soins sans consentement. Les procédures relatives au droit de vote et l’accès au culte doivent être précisées. Le comité d’éthique, très dynamique, permet d’améliorer les pratiques professionnelles dans l’intérêt des patients.

Les restrictions à la liberté d’aller et venir et dans la vie quotidienne sont limitées et individualisées et respectent la dignité des personnes, qui font l’objet d’une attention soutenue des équipes. La prise en charge des patients détenus est exemplaire en ce que le détenu est traité comme tous les autres patients, mais les modalités de mises en œuvre de l’hospitalisation par la maison d’arrêt de Chaumont limitent cet accueil (absence de fiche de liaison et d’effets personnels).

En dépit d’un déficit global de personnel médical et malgré l’absence de supervision, la prise en charge médicale est de bonne qualité, grâce à une présence médicale psychiatrique quotidienne dans les unités, sauf dans l’unité pour adolescents, et des soignants impliqués. Toutefois, l’organisation de l’intervention des médecins généralistes sur la clinique médicale Maine de Biran à Chaumont n’offre pas aux patients un accès régulier à des examens somatiques.

La présence d’une équipe d’auxiliaires de soins en charge de renforcer les équipes permet une gestion mesurée des incidents, lesquels font l’objet d’une attention et d’un traitement particulièrement adapté par l’établissement. Néanmoins, la présence d’un seul soignant la nuit sur l’unité des adolescents est source d’insécurité.

Les pratiques en matière d’isolement et de contention sont apparues comme mesurées dans leurs durées et dans leur nombre. L’analyse des pratiques, organisée tous les trimestres, est exemplaire. Les mesures alternatives concourant à un moindre recours aux mesures d’isolement et de contention sont intégrées. Ainsi, le développement d’un plan de prévention partagé réalisé conjointement avec le patient, dès son arrivée, favorise l’alliance thérapeutique et permet de prévenir les situations de crise. Cependant, des mesures d’isolement et de contention restent pratiquées sur des mineurs en soins libres et doivent être proscrites, tout comme les prescriptions d’injection « en si besoin » et le recours qui y est fait, tant chez les adultes que chez les enfants.

Les sorties d’hospitalisation sont accompagnées, mais la situation de patients accueillis « au long cours » aux Iris ne fait pas suffisamment l’objet d’une réflexion institutionnelle.

Les réponses apportées par le centre hospitalier lors de la phase contradictoire attestent de l’attention portée au suivi et à la bonne exécution des recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de libertés par la mise en place d’action d’amélioration.