Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du centre hospitalier de Plouguernével (Côtes-d’Armor)

Rapport de visite du centre hospitalier de Plouguernével (Côtes-d’Armor)

Observations du ministère de la santé – CH de Plouguernével

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier de Plouguernével

SYNTHESE

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), six contrôleurs ont effectué une visite du centre hospitalier de Plouguernével (Côtes-d’Armor) entre le 7 et le 16 septembre 2016. Le rapport de constat portant sur cette visite a été adressé au centre hospitalier le 13 décembre 2016 ; ses observations ont été intégrées au rapport de visite joint.

Dans le département des Côtes-d’Armor, dans le champ de la psychiatrie, le centre hospitalier (CH) relève du service public hospitalier. Il est géré par l’association hospitalière de Bretagne (AHB).

Le CH est implanté 2 route de Rostrenen à Plouguernével (Côtes-d’Armor). Il dispose là de 139 lits et de cinq chambres d’isolement, répartis entre cinq unités d’hospitalisation complète. Il dispose à Noyal-Pontivy, dans le centre hospitalier du Centre-Bretagne (CHCB), de deux unités comptant vingt et un lits. Ces unités ont été visitées ainsi que le service des urgences du CHCB.

Le CH, implanté dans un parc de 16,25 ha, est situé dans un secteur rural éloigné des centres commerciaux. Les dates de construction des bâtiments s’échelonnent entre le XVIIème siècle et le milieu du XXème. Tous ont fait l’objet de rénovation.

Un peu plus de 500 personnes travaillent dans le CH : 30 médecins pour 23,65 ETP et 499 membres du personnel soignant, éducatif, social, administratif et technique pour 460 ETP. Les difficultés de recrutement de médecins, psychiatres ou somaticiens, sont réelles mais le recrutement des autres catégories de personnel est assuré au sein du bassin d’emploi.

Le personnel de l’établissement assure une prise en charge des patients attentive et professionnelle. Les contrôleurs ont en particulier constaté que les activités étaient nombreuses et que les patients étaient invités à y participer ; les activités qualifiées ailleurs d’occupationnelles étant comprises et gérées comme des activités thérapeutiques. L’équipement de la salle de sport et les véhicules mis en place pour acheminer les patients participent pleinement à cela. La liberté d’aller et venir dans le CH de Plouguernével est une réalité, même pour les patients de l’unité fermée SEGAL pour lesquels elle est organisée autant que faire se peut.

Les patients hospitalisés en soins sans consentement ne reçoivent pas les informations prévues par la loi. Ainsi, les certificats médicaux des 24 et 72 heures ne leur sont pas transmis, même si une information sur les droits leur est dispensée à l’occasion de l’examen médical des 72 heures. Les droits des patients admis sur décision du représentant de l’Etat ne leur sont notifiés qu’au moment de la saisine du juge des libertés et de la détention, soit huit à dix jours après le début de l’hospitalisation. La décision préfectorale fait état des droits de recours à son encontre mais non des voies pour ces recours. L’ensemble des droits reconnus légalement aux patients admis sans consentement sont mal maîtrisés par les soignants et, par suite, par les bénéficiaires eux-mêmes. Le recueil des observations des patients semble formel et la perception de son utilité assez vague. L’initiative de l’unité GAUGUIN d’utiliser le kit pédagogique « histoire de droits » édité par Psycom pour informer les patients de leurs droits est à développer, comme d’ailleurs le directeur général écrit s’y attacher. Les marges de progrès sont donc importantes et on ne peut que se réjouir que, ainsi que l’affirme le directeur général dans sa réponse, depuis la visite des contrôleurs des avancées ont été conduites.

En matière de contention et d’isolement, le CH s’est doté de registres bien avant d’y être contraint par la loi. L’exploitation des informations contenues est un chantier de réflexion qui a besoin d’être poursuivi et dont peut également s’emparer la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP).

La mise sous contention est pratiquée. Elle est apparue raisonnée.

Le placement en chambre d’isolement mérite d’être soumis à de nouvelles réflexions notamment sur les fréquences et les durées. Sans pour autant paraître manifestement abusif, le caractère exceptionnel défini par la loi est mal appréhendé.

La situation suivante a été rencontrée à plusieurs reprises : une personne ayant fait l’objet d’une hospitalisation sans consentement sur décision du maire n’a pas été maintenue dans le CH en deçà des 48 heures et au-delà de 24 heures en l’absence d’arrêté préfectoral, au motif que le certificat médical des 24 heures était contraire au certificat initial. La délégation départementale des Côtes-d’Armor (DD22) de l’agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, se référant à l’article L. 3113-2[1] du CSP a considéré que le CH aurait dû attendre l’arrêté préfectoral ou le terme des 48 heures.

Le CH s’en est tenu quant à lui au principe qu’en l’absence d’arrêté préfectoral et au vu du certificat médical des 24 heures, contraire au certificat initial, la personne ne pouvait être placée en soins sans consentement en se fondant sur le contenu de l’article L. 3111-2-2[2] : le certificat médical des 72 heures, qu’il soit conforme ou contraire au certificat médical initial, devenait inutile compte tenu de la nécessité de confirmation du certificat initial par les deux certificats médicaux (24 heures et 72 heures).

La décision de la DD22 de l’ARS Bretagne est discutable, d’autant que des décisions contraires – conformes à l’orientation prise par le CH – sont prises par des départements voisins dépendant de la même ARS.

[1] Article L. 3213-2 « En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l’Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l’article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l’Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d’une durée de quarante-huit heures.

La période d’observation et de soins initiale mentionnée à l’article L. 3211-2-2 prend effet dès l’entrée en vigueur des mesures provisoires prévues au premier alinéa ».

[2] Quatrième alinéa de l’article L. 3111-2-2 : « Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, le psychiatre propose dans le certificat mentionné au troisième alinéa du présent article la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° du I de l’article L. 3211-2-1 et, le cas échéant, le programme de soins. Cette proposition est motivée au regard de l’état de santé du patient et de l’expression de ses troubles mentaux ».