Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du centre hospitalier de la Haute-Marne à Saint-Dizier et Chaumont (Haute-Marne)

Rapport de visite du centre hospitalier de la Haute-Marne à Saint-Dizier et Chaumont (Haute-Marne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier de Haute-Marne à Saint-Dizier et Chaumont

 

SYNTHESE

En application de la loi du 30 octobre 2007 instituant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, six contrôleurs et un stagiaire ont effectué une première visite du Centre hospitalier de la Haute-Marne (Haute-Marne) du lundi 8 février au vendredi 12 février 2016.

Le centre hospitalier de la Haute-Marne, seul établissement de psychiatrie du département, dessert un secteur à caractère rural peuplé au 1er janvier 2016, de 181 521 habitants. Ses équipes interviennent sur plus de quarante sites médico-sociaux et sanitaires dans le département, dont trois structures d’hospitalisation complète accueillant les personnes en soins sans consentement et celles en soins libres : deux à Saint-Dizier au sein de l’hôpital André Breton et une à Chaumont au centre médical Maine de Biran.

L’hôpital André Breton accueille des patients en psychiatrie depuis 1824.  Il dispose pour le pôle intersectoriel de psychiatrie générale de 55 lits répartis entre trois unités fermées – « Les Iris » de 25 lits destinés en priorité aux personnes en soins sans consentement, « Georges Brassens » de 25 lits pour les soins de longue durée et « Les Lilas » de 5 lits pour la géronto-psychiatrie – , pour le pôle de psychiatrie générale du secteur de Saint-Dizier de 30 lits dans l’unité ouverte « La Fabrique du Pré » et pour le pôle de prise en charge des enfants et adolescents de 5 lits dans l’unité fermée « MODADO ».

Le centre médical Maine de Biran à Chaumont est un bâtiment datant des années 1960. Il dispose de 48 lits répartis en deux pôles : 24 lits pour le pôle de psychiatrie générale du secteur de Chaumont et 24 lits pour le pour le pôle de psychiatrie générale du secteur de Langres ; ces deux unités sont fermées.

Les patients admis en soins libres constituent la catégorie la plus représentée, pourtant ils sont majoritairement hospitalisés en unités fermées. En effet, parmi les six unités de psychiatrie pour adultes, seul le centre de soins « La Fabrique du Pré » est un service ouvert, accueillant près de 80 % de personnes rencontrant des problèmes d’ordre médico-social. Il ressort de ce contrôle qu’une réflexion approfondie doit impérativement être conduite en vue d’ouvrir les unités. En effet, à l’exception d’une d’entre elles, les unités sont fermées et, en dépit de la volonté de bientraitance manifestée par l’ensemble du personnel, le fonctionnement en milieu fermé n’est pas remis en cause.

Dans un contexte d’isolement géographique et de difficultés de recrutement médical, les effectifs du centre hospitalier de la Haute-Marne ont diminué de 7,8 % en trois ans. Ils comptaient 26,40 équivalents temps plein de personnel médical (ETP) en 2013 et 13,40 en 2015. Le personnel soignant a également diminué pendant la même période, passant de 358,68 à 345,08 ETP, le personnel éducatif et social est passé de 26,79 à 24,78 ETP, le personnel administratif et technique, lui, est passé de 72,11 à 65,24 ETP.

L’organisation générale de la psychiatrie dans le département et l’organisation de l’établissement conduisent à diriger les patients en soins libres ou sur demande d’un tiers vers les sites de Saint-Dizier et de Chaumont et ceux en soins sur décision du représentant de l’Etat exclusivement à Saint-Dizier. Cette situation, compte tenu de la rareté des transports en commun, défavorise le maintien des liens familiaux.

Si le registre de la loi est bien tenu et que les contrôles par les magistrats du parquet sont réguliers, les visites des autres autorités telles que le maire et le préfet sont exceptionnelles et celles de la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) rares, cette commission rencontrant des difficultés pour recruter des psychiatres.

Les usagers sont présents au travers de la commission des usagers et sont écoutés. Ils pourraient être davantage consultés, notamment sur le contenu des règlements des unités et la préparation à la sortie.

L’absence de comité d’éthique interroge.

La prise en charge des patients admis sans consentement est bien assurée sur le plan médical. Cependant l’information des patients sur leurs droits est limitée au passage devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Le livret d’accueil est très incomplet quant aux explications données sur l’ensemble des droits des patients et notamment sur les possibilités de recours qui leur sont offertes ; une formation des soignants sur ces sujets est nécessaire. Le circuit des notifications des décisions prises par le préfet doit être amélioré afin de s’assurer la réalité de la notification. La situation juridique des mineurs hospitalisés apparait peu claire, au regard, notamment, de l’autorité parentale. Le règlement intérieur est à peu près inaccessible et périmé sur différents points. Les règles de vie des unités méritent d’être harmonisées. Si la confidentialité sur l’hospitalisation apparaît dans le livret d’accueil, les modalités de sa mise en œuvre sont floues.

Le traitement des plaintes et des réclamations des patients et des familles est correctement assuré, mais leur recueil gagnerait à être mieux organisé.

Le fonctionnement du collège des professionnels de santé est à clarifier en vue de garantir les droits du patient à un examen contradictoire de sa situation.

Les audiences du JLD se tiennent sur le site de Saint-Dizier pour l’hôpital André Breton et au tribunal de grande instance de Chaumont pour le centre médical Maine de Biran. Le positionnement des soignants, quant à l’opportunité de la comparution du patient à l’audience, doit être clarifié. Par ailleurs l’information donnée aux patients sur leurs droits doit être plus largement assurée en amont de l’audience et non seulement au moment de celle-ci.

En ce qui concerne les droits généraux des patients, la protection juridique des majeurs est bien organisée, même si une plus grande concertation entre les mandataires permettrait d’harmoniser le suivi des mesures de protection. La conservation et la gestion des valeurs des patients sont défaillantes sauf dans le centre médical Maine de Biran où elles sont organisées et transparentes. La sexualité n’est pas un sujet tabou, les soignants sont attentifs aux personnes vulnérables, mais il n’y a pas de directive institutionnelle. L’exercice du droit de vote peut être amélioré, comme l’exercice du culte pour lequel les patients ne donnent pas d’indication à l’admission et qui ne bénéficie que du concours de l’aumônerie catholique.

Les conditions générales d’hospitalisation n’appellent pas d’observation générale sur les fonctions logistiques, ni sur l’accès au téléphone portable pour les majeurs comme pour les mineurs. L’accès à Internet, possible pour les mineurs de MODADO, mérite de faire l’objet d’une réflexion concernant son extension aux majeurs. Les visites aux patients sont organisées, avec un accès possible aux chambres, mais l’accès à la cafétéria est impossible pendant les week-ends et les jours fériés alors que c’est le jour d’affluence des visiteurs. Les lieux collectifs sont diversifiés et les activités sont de qualité, mais leur accès est limité pour les patients hospitalisés sans consentement qui doivent faire l’objet d’un accompagnement systématique, même dans le parc qui est fermé. L’accès au tabac – à l’extérieur des unités exclusivement – est globalement bien géré.

Les soins somatiques sont assurés mais a minima ; le passage quotidien d’un médecin généraliste dans chaque unité apparaît nécessaire, notamment pour assurer la surveillance des patients sous contention. L’usage de la contention est raisonné, mais des chambres d’isolement sont inadaptées dans certaines unités (Iris et Brassens) où elles ne sont pas équipées de sonnette d’appel ni de fenêtre. Les mises à l’isolement, en chambre d’isolement ou en chambres ordinaires, doivent faire l’objet d’une méthode commune de décompte pour l’ensemble des unités. Un registre d’utilisation des chambres d’isolement et de la contention doit être ouvert.

Les personnes détenues sont traitées selon une stratégie thérapeutique et non sécuritaire exemplaire. Elles peuvent recevoir des visites toutefois leur accès au téléphone devrait être l’objet d’une réflexion.

L’unité MODADO souffre d’un manque d’espace source d’angoisse et de violence. Le suivi de ces mineurs est assuré essentiellement par un interne, ce qui est anormal. Les contrôleurs s’interrogent sur la capacité de l’équipe de l’unité à faire face à des patients aux profils très variés, dont certains relèvent de structures spécialisées (autistes). Les contrôleurs s’interrogent également sur les conséquences, à terme, d’un séjour en psychiatrie pour une jeune fille avant tout désignée par sa « radicalisation ».

Les locaux des unités de Maine de Biran à Chaumont doivent être mieux équipés, afin que chaque patient puisse disposer d’une table et d’une chaise, notamment.

En conclusion, même si dans ce centre hospitalier la volonté de bientraitance des patients est réelle, le caractère fermé des unités, avec toutes les conséquences qui en découlent, notamment sur les dispositions matérielles de certaines chambres d’isolement et d’absence de registre d’isolement et de contention, est problématique. La formation du personnel sur les droits des patients en soins sans consentement doit être complétée. Enfin une réflexion sur la situation des mineurs dans l’unité MODADO doit être élaborée.