Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du centre hospitalier de la fondation Bon Sauveur à Bégard (Côtes-d’armor)

Rapport de visite du centre hospitalier de la fondation Bon Sauveur à Bégard (Côtes-d’armor)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier de la fondation Bon Sauveur à Bégard

 

Synthèse

Quatre contrôleurs du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont visité la Fondation Bon Sauveur à Bégard (Côtes-d’Armor) entre le 6 et le 10 mars 2017.

Dans le département des Côtes-d’Armor, les secteurs de psychiatrie sont rattachés à trois établissements privés : le centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu à Dinan, le centre hospitalier de Plouguernével et la Fondation Bon Sauveur à Bégard qui assure ainsi le suivi d’une population de 240 000 habitants avec une file active de plus de 10 000 patients.

Les soins sans consentement dans le département sont assurés par ces trois centres hospitaliers, les centres hospitaliers publics assurant, à travers leurs services des urgences, les premiers traitements et l’orientation.

Le centre hospitalier de la Fondation Bon Sauveur est implanté à Bégard dans un parc fermé de 200 ha, à proximité de commerces, et dispose de trois pôles de soins psychiatriques avec des capacités d’hospitalisation complète pour majeurs : le pôle Argoat avec deux unités (l’accueil « Ker Avel », les soins prolongés « Saint-Bernard »), le pôle Trégor Goëlo avec deux unités (l’accueil « Saint-Luc »,  l’hospitalisation sans consentement « Sainte-Camille »), le pôle population spécifique avec deux unités (la « clinique addictologie », la géronto-psychiatrie « Les Glycines »). Il a mis en place le Service d’Accueil et d’Orientation (SAO) qui assure la continuité des soins jour/nuit.

Les bâtiments d’hospitalisation sont neufs ou récents (Saint-Luc, Ker Avel, Les Glycines) et anciens (Sainte-Camille, Saint-Bernard).

Les contrôleurs ont visité les cinq unités susceptibles d’accueillir des personnes en soins sans consentement. Si – théoriquement – seule l’unité Sainte-Camille est fermée, en réalité trois unités – Sainte-Camille, Saint-Bernard et Les Glycines – le sont. Cependant, dans ces dernières unités, les mouvements sont possibles avec ou sans accompagnement : vers la cafétéria ouverte tous les jours de la semaine, vers le STC[1] ou vers la ville car le parc est ouvert en journée. De fait, les patients disposent d’une réelle liberté de circulation. Ils bénéficient également d’une liberté de communication avec l’extérieur et peuvent conserver leurs téléphones portables pendant la journée ou accéder à Internet via leurs ordinateurs ou ceux du centre hospitalier.

Si la gestion des biens des patients fait l’objet d’une rigueur remarquée, elle reste cependant à améliorer en ce qui concerne les valeurs quotidiennes conservées dans les bureaux des infirmiers et gérées par ces derniers.

Ces libertés, ainsi que l’attention bienveillante apportée par l’ensemble du personnel de l’établissement, ne compensent cependant pas l’inactivité ressentie par les patients en court séjour, relevée par le comité des usagers et observée par les contrôleurs.

La réflexion sur la sexualité, qui doit être lancée prochainement, est en effet nécessaire : le personnel ne dispose pas d’orientation et agit à la lumière de ses convictions personnelles.

L’immobilier est entretenu avec soin ; les projets d’aménagement du site se suivent dans la cohérence. Le respect de la dignité des patients et de leurs visiteurs est recherché et se traduit – pour les patients notamment – par des chambres avec des sanitaires adaptés et, pour les visiteurs, par des salons nombreux et aménagés. Cela est d’autant plus appréciable que le centre hospitalier est mal desservi par les transports en commun.

En ce qui concerne les soins sans consentement, il est apparu que les droits des patients sont peu connus des intéressés et mal maîtrisés par le personnel. Ce point fait l’objet d’une réflexion et d’actions de formation qui sont à renforcer et à développer en s’appuyant notamment sur la cellule récemment mise en place. Le personnel de l’unité Sainte-Camille est le premier concerné, mais celui des autres unités qui accueillent les patients sortants de celle-ci l’est tout autant.

L’utilisation des chambres d’isolement, en particulier dans l’unité Sainte-Camille, est apparue excessive, comme celle de la contention dans l’unité de géronto-psychiatrie Les Glycines. Le caractère « exceptionnel » de l’isolement et de la contention, cité par la loi, mérite de devenir l’objectif affiché d’une politique d’établissement. Celle-ci pourrait s’appuyer sur une meilleure exploitation du registre d’isolement, dont les données sont informatisées.

Enfin, le projet d’établissement, orienté par les directives de l’agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, avec comme objectif la réduction du nombre de lits, le développement de la psychiatrie ambulatoire, le traitement en amont en particulier en géronto-psychiatrie, peut remettre en cause l’efficacité des soins, notamment en l’absence de développement des structures d’accueil médico-sociales et en raison du maintien des délais de traitement des dossiers par la MDPH des Côtes-d’Armor. En effet, avec une légère augmentation du nombre de lits prévu pour la future unité Sainte-Camille, appelée à accueillir davantage de patients avec des pathologies lourdes, et la fermeture de Saint-Bernard, il est à craindre une réduction des durées d’hospitalisation et des ruptures de programme de soins plus nombreuses, conduisant nécessairement à des hospitalisations plus fréquentes et à une sur occupation chronique.

Dans sa réponse en date du 14 septembre 2017, le directeur général de l’agence régionale de santé de Bretagne confirme la fermeture de l’unité Saint-Bernard, la reconstruction de l’unité Sainte-Camille, et « l’évolution de l’offre en santé mentale privilégiant l’autonomie des personnes, un accompagnement favorisant leur insertion sociale ou professionnelle pour des parcours plus cohérents et plus fluides, avec une volonté d’efficience sur le plan économique ». Il fait également état de « la situation bretonne concernant les soins psychiatriques présentant de fortes spécificités : les taux d’équipement hospitaliers (lits et places) et de recours aux soins hospitaliers ainsi que le niveau de dépense par habitant sont en effet parmi les plus élevés de France. Par ailleurs, les taux d’équipement en établissements et services médico-sociaux pour personnes en situation de handicap sont globalement supérieurs à la moyenne régionale. […] Le CH Bégard a bien intégré cette démarche ». Cependant, cette réponse ne fait pas apparaître l’effort à accomplir pour que les établissements et services médico-sociaux accroissent leurs capacités d’accueil pour les personnes en situation de handicap mental.

[1] Service thérapeutique et socio culturel.