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Rapport de visite de l’unité d’hospitalisation psychiatrique du centre hospitalier d’Amilly-Montargis (Loiret)

Rapport de visite de l’unité d’hospitalisation psychiatrique du centre hospitalier d’Amilly-Montargis (Loiret)

Observations du ministère de la santé – CH d’Amilly Montargis

Suivi des recommandations à 3 ans – Unité d’hospitalisation psychiatrique du centre hospitalier d’Amilly-Montargis

 

Synthèse

Quatre contrôleurs ont effectué une visite de l’unité d’hospitalisation psychiatrique (UHP) du centre hospitalier de l’agglomération montargoise (CHAM), du lundi 13 au jeudi 16 février 2017.

Un rapport de constat a été adressé au directeur du centre hospitalier afin de recueillir ses observations. Le présent rapport prend en considérations ces observations et fait état des bonnes pratiques et des recommandations adressées à cet établissement.

L’UHP a vocation à proposer une prise en charge de proximité dans l’Est du département du Loiret.

Le centre hospitalier de Montargis, situé sur commune d’Amilly à 5 km du centre-ville, regroupe, outre l’hôpital central, ses unités d’accueil d’urgence et de traitement, deux EHPAD, un centre de gérontologie et des installations d’investigation et de soins privées. Le secteur 45G06 lui est annexé depuis les années 1970. Ce n’est qu’en 2001 que douze lits d’hospitalisation complète en psychiatrie, accueillant seulement les patients admis en soins libres, ont été ouverts. A la même période, des centres médico-psychologiques (CMP) pour adultes ont été créés dans une volonté de rapprochement de la psychiatrie des bassins de vie des patients. Le bâtiment actuel de cinquante-cinq lits, accueillant les patients adultes en soins sous contrainte, a été inauguré en 2010. Aujourd’hui, l’unité psychiatrique est composée de deux ailes de vingt-huit et vingt lits.

L’unité de psychiatrie du CHAM, a compétence sur un territoire d’une population de 110 000 habitants dont la population est vieillissante, en complément du centre hospitalier départemental Daumezon (CHD) à Orléans. Elle est située à environ 250 m de l’hôpital et dispose de sa propre entrée.

La prise en charge extra hospitalière n’est assurée que par deux CMP, à Gien et Montargis ; par un centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) spécialisé dans le diagnostic des troubles envahissants du comportement (TED). En l’absence de médecins psychiatres (un seul) dans le secteur privé, les allers-retours en hospitalisation des patients, suivis par des médecins généralistes, sont fréquents.

L’UHP dispose de deux unités, reliées par un grand patio central, simplement dénommées l’unité 1 et l’unité 2. Ce sont des carrés, parfaitement symétriques bâtis chacun autour de deux petits patios intérieurs, le long desquels de larges couloirs de circulation permettent d’accéder aux locaux de soins, aux espaces de vie et aux chambres. Sous réserve de huit chambres doubles, les chambres sont toutes identiques et de taille modeste (2,5 m sur 3,5 m). Elles sont lumineuses, leur état de conservation comme l’entretien et la propreté des locaux sont exemplaires mais il serait facile d’améliorer ce cadre totalement dépourvu de décorations (y compris dans les salles de détente ou de restauration).

Les deux patios de chaque unité et le grand patio central sont recouverts pour partie de pelouse – en mauvais état – et pour partie de dalles de ciment. Ces patios servent largement à la promenade des patients, mais leur équipement est très sommaire voire insuffisant (absence de bancs, d’abris en cas d’intempéries). Le vaste parc qui entoure l’ensemble du bâtiment pourrait offrir de larges possibilités de promenades et de convivialité au profit de patients mais n’est pas exploité en ce sens.

L’UHP est bien intégrée dans le fonctionnement de l’hôpital général. La psychiatrie est rattachée au pôle urgence et réanimation de l’hôpital, ses représentants participent à toutes les instances de pilotage de l’hôpital (réunions de cadres, de pôles, directoire, commissions de soins) et dispose d’un projet médical de l’UHP validé par la CME en 2015. Des instances spécifiques pour la psychiatrie, associant les professionnels de l’intra et de l’extra hospitalier, permettent d’élaborer une réflexion sur la prise en charge des patients. La dotation budgétaire annuelle en psychiatrie est inférieure aux taux de dotation nationale, le CHAM compense sur son budget global les moyens nécessaires.

Le recrutement des médecins spécialistes reste difficile et les agents sont peu formés à la question des droits des patients. L’établissement a recours à des médecins étrangers pour lesquels sont relevées des difficultés de communication avec le corps médical et les patients. Les équipes soignantes sont plutôt jeunes, féminines et reçoivent une formation dans le cadre d’un plan annuel. En 2015, une série de formations a été réalisée concernant les droits des patients mais à un niveau très généraliste, la compréhension précise des textes comme leur mise en œuvre concrète restent incertaine pour une majorité des soignants.

Les contrôles institutionnels sont insuffisants. Le contrôle des autorités, tel que prévu à l’article L 3222-4 du code de la santé publique, s’avère inexistant, le registre de la loi ne comportant aucun visa des autorités que ce soit le préfet, le président du TGI, le procureur de la République, le maire ou les parlementaires.

De plus, la dernière visite de la CDSP – faite par un médecin psychiatre au CH Daumezon, désigné par le représentant de l’Etat dans le département – est intervenue le 17 juillet 2014 avec la mention « sans observation ».

Les associations des familles ont le sentiment d’appartenir à la communauté de soins et regrettent le faible engagement des élus sur la psychiatrie. Néanmoins, elles estiment que la situation de l’unité s’est améliorée depuis deux ou trois ans avec une implication forte de la direction qui s’est traduite dans le comportement du personnel.

L’accueil des personnes en soins sans consentement se fait principalement par le biais des urgences, après un passage par l’unité d’accueil psychiatrique (UAP). Le circuit des urgences générales est privilégié car le patient y bénéficie d’un examen somatique avant l’entretien psychiatrique à l’UAP qui décide le mode d’admission, libre ou sur décision du directeur de l’établissement. Le psychiatre qui évalue le patient aux urgences peut émettre le premier certificat si un tiers permet une admission en procédure d’urgence. Sinon, il est recouru aux médecins de structures installées sur le site du CHAM, de toutes spécialités, mais qui ne sont que « partenaires » et non-salariés du CHAM. Mais il a été indiqué qu’ils ne se déplaçaient pas toujours et transmettaient le certificat par télécopie ou courriel, le signataire du certificat d’admission reprenant alors les éléments décrits par le service des urgences pour motiver l’admission. Il a été signalé que cette procédure n’était pas conforme aux exigences légales.

L’information des patients est limitée aux règles de vie sans précision sur les droits. Les entretiens avec les équipes de soignants et médecins ont mis en évidence une totale méconnaissance des droits du patient hospitalisé en soins sans consentement, à l’exception de l’audience devant le JLD. Les agents ne disposent pas d’imprimé retranscrivant les droits des personnes soignées sans leur consentement et aucun document type n’est remis aux patients ni même affiché dans les lieux de vie. Seule figure au tableau d’affichage une copie du Livret d’accueil : règlement intérieur et règles de vie de l’UHP qui ne mentionne ni les recours possibles ni les droits spécifiques du patient ainsi que la charte de la personne hospitalisée.

Il n’existe aucun fascicule relatif aux admissions en soins psychiatriques retranscrivant les informations prévues par la loi. Aucune mention spécifique sur la psychiatrie ne figure dans le livret d’accueil du centre hospitalier. Le document intitulé Livret d’accueil : règlement intérieur et règes de vie de l’UHP est affiché dans les unités. Il ne fait que décrire succinctement le service et les documents nécessaires à l’enregistrement de l’admission, précise la composition de l’équipe médicale et de l’équipe pluri professionnelle, et mentionne les différentes règles applicables lors du séjour dans l’établissement. Il n’est pas toujours à jour ni suffisamment précis sur les règles de vie courante et sa tonalité est plus proche de celle d’un règlement intérieur.

La période de soins et d’observation ne suit pas une procédure spécifique, le patient n’est pas systématiquement placé en chambre d’isolement et la chambre qui lui est réservée est choisie en fonction des disponibilités. L’évaluation du patient se fait en équipe deux fois par jour, mais à nouveau, il peut arriver que, malgré la fréquence des rencontres avec les médecins, les certificats des 24 et 72 heures soient délivrés sans entretien préalable avec le patient.

La saisine du juge des libertés et de la détention mérite d’être plus précise sur le fondement juridique de l’hospitalisation. En effet, en cas de SDDE, il n’est pas précisé si l’admission a été efeectuée sur demande d’un tiers. De ce fait, le contrôle de la régularité de la procédure ne peut être exécuté avant celle-ci. Depuis 2016, les audiences se tiennent dans une salle aménagée près de la zone d’hébergement. C’est une salle claire, et bien équipée mais dépourvue de tout dispositif informatique permettant d’éditer l’ordonnance sur place. L’avocat peut s’entretenir avec son patient avant l’audience dans un bureau situé en face de la salle d’audience, garantissant la confidentialité des entretiens.

Les conditions d’isolement méritent d’être améliorées tant sur les aspects matériels que sur la procédure suivie. La chambre de taille modeste (14 m²), correctement meublée et équipée d’un bouton d’appel, est éclairée par une fenêtre dont les vitres sont entièrement opacifiées empêchant la vue du ciel et qui ne peut être ouverte pour aérer la pièce. Lorsque le patient est placé à l’isolement, il est toujours mis en pyjama. Le médecin devrait renouveler sa décision chaque jour après avoir vu le patient mais cette obligation ne semble pas toujours respectée. Le médecin généraliste voit le patient au début de l’isolement mais pas nécessairement par la suite. Le statut d’admission des patients en soins libres placés à l’isolement est changé au-delà de 24 heures ; la famille est alors contactée. Un médecin extérieur à l’hôpital signe le certificat ; d’admission à partir des informations de symptomatologie qui doivent figurer dans le certificat d’admission. Le placement en chambre d’isolement comme réponse disciplinaire à une méconnaissance des règles de vie doit être proscrit.

La mise sous contention n’est pas fréquente mais répond parfois à l’intention d’éviter les fugues, ce qui mérite aussi d’être revu. Enfin, le registre traçant ces mesures ne permet pas de mesurer leur recours en quantité et durée.

La liberté d’aller et venir est restreinte pour les patients. En dépit de son appellation d’unité ouverte, la sortie de l’unité 1 est en réalité limitée. Par ailleurs, les patients ne sont pas autorisés à déambuler dans tous les couloirs de l’unité, chacun ne peut emprunter que le couloir qui dessert sa chambre. Les patients qui ne peuvent sortir sont regroupés sur les sièges installés face au poste de soins ; ils sont désœuvrés et apathiques, nombreux se plaignent de l’ennui.

A l’unité 2, un couloir est interdit à la circulation des patients, quand un patient souhaite rejoindre sa chambre il doit faire appel à un soignant pour que le couloir lui soit ouvert. Par ailleurs, certains patients témoignent de mises à l’isolement régulières dans leur chambre.

La vie courante est satisfaisante (restauration, hygiène) sauf en ce qui concerne le port de la blouse opératoire en guise de pyjama, particulièrement dégradant pour les patients.

Les relations avec l’extérieur sont limitées. Les téléphones portables sont interdits et les appels par un point-phone ne sont accessibles que sur des créneaux courts. Le règlement intérieur prévoit qu’aucun appareil multimédia (PC portable, tablette…) n’est autorisé ; aucun accès internet n’est possible à l’UHP.

Le pôle d’activité est dynamique mais peu en lien avec les équipes soignantes. De nombreuses activités sont proposées dans des locaux spacieux, propres, clairs, bien équipés et agréablement décorés par les productions artistiques des patients. Les liens entre les équipes de soins et les intervenants socio-éducatifs sont inexistants, les activités ne sont pas proposées dans le cadre d’une prise en charge globale de soins et ne sont pas planifiées individuellement pour le patient.