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Rapport de la troisième visite du centre de rétention administrative de Saint-Jacques-de-la-Lande (Ille-et-Vilaine)

Rapport de la troisième visite du centre de rétention administrative de Saint-Jacques-de-la-Lande (Ille-et-Vilaine)

Observations du ministère de l’intérieur – CRA de Saint-Jacques-de-la-Lande (3e visite)

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre de rétention administrative de Saint-Jacques de la Lande (3e visite)

 

Synthèse

Quatre contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre de rétention administrative (CRA) de Saint-Jacques-de-la-Lande (Ille-et-Vilaine) du 10 au 12 janvier 2017. Cette visite était la troisième, les deux précédentes s’étant déroulées en février 2009 et juin 2014.

Cette troisième visite n’a pas apporté de grandes nouveautés.

Les locaux sont quasiment inchangés.

Seule une unité d’hébergement a été transformée en vestiaires pour les policiers diminuant la capacité du centre de huit places. Il en compte donc désormais cinquante-six : quarante-six pour des hommes, six pour des femmes et quatre pour une famille.

Les locaux sont propres et assez bien entretenus ; cependant la salle d’activité où se regroupent les personnes retenues est vite jonchée de mégots et divers papiers après deux heures d’utilisation. Les locaux d’hébergement toujours dépourvus de chambre pour personne à mobilité réduite, de moyen de changer de chaîne de télévision ou même d’éteindre le poste la nuit, de patère ou de porte-savon dans les douches, de WC autre qu’à « la turque » – mettant notamment en difficulté, pendant la visite, une personne retenue dont la jambe était plâtrée ; de bouton d’appel depuis les bâtiments d’hébergement. Au-delà du simple confort c’est la dignité et la sécurité des personnes ainsi hébergées qui sont méconnues.

La préoccupation de prévenir tout incident conduit à des mesures d’apaisement et à un souci de rigueur dans l’observation des procédures mais porte, sous certains aspect, atteinte aux droits des personnes retenues.

La direction du centre s’efforce de prévenir les incidents en accédant à toutes les demandes des personnes retenues qui peuvent contribuer à éviter les montées en tension : adaptation des menus des repas, distribution de chorba pendant le ramadan, tolérance sur la consommation de tabac dans les lieux clos, approbation de la présence apaisante de représentants des cultes catholique et protestant chaque quinzaine, recours à l’imam pour comprendre certaines difficultés.

Les mises à l’isolement répondent à une procédure respectée, elles sont limitées aux situations exceptionnelles, d’une durée brève, contrôlées par un médecin et signalées à l’autorité judiciaire.

Les incidents sont exhaustivement tracés ; cette méticulosité pourrait utilement permettre des retours d’expérience d’équipe autour de l’analyse de leur bilan annuel.

Mais, la même préoccupation de prévention a conduit à la prise de mesures d’ordre exclusivement sécuritaire en réponse aux difficultés rencontrées (dégradations, évasions, mouvements collectifs, etc.) dont certaines pèsent exagérément sur les conditions de vie des personnes retenues, leur sécurité et leurs droits : outre la multiplication de barbelés, concertinas et vidéosurveillance destinés à dissuader les fugitifs, tous les volets des chambres sont immobilisés – en position fermée – par des cadenas pour éviter que les occupants les bloquent eux-mêmes. Ce dispositif empêche, en cas d’incendie, les pompiers d’intervenir rapidement par les fenêtres ; il prive les personnes qui restent en journée dans leur chambre de la lumière naturelle. Les stylos – considérés comme potentielles armes par destination – sont retirés, bridant les personnes retenues dans l’exercice de leur droit à correspondre librement par courrier.

Les personnes qui ont refusé un premier embarquement ou qui sont soupçonnées de vouloir le faire sont emmenées menottées et bras immobilisés autour du corps ; faute d’enregistrement des moyens de contrainte utilisés pour les transferts, il n’est pas possible d’évaluer la fréquence du recours à ces pratiques et leur justification au regard du comportement de l’intéressé.

Les conditions de réalisation des missions de ce centre pèsent, comme dans la plupart des autres, autant sur la motivation des fonctionnaires de police que sur le séjour des personnes retenues, à l’exception de la prise en charge médicale et de l’aide juridique.

Les fonctionnaires de police sont un peu dépités par le faible taux d’éloignements – un quart des admis – qui les rend perplexes sur l’utilité de la rétention, et donc sur la leur. Ils n’apportent pas un zèle excessif dans leur tâche de notification des droits, qui reste formelle avec la remise des documents ad hoc et ne donne lieu qu’exceptionnellement à une explicitation par les agents.

L’offre d’activité pour les personnes retenues est minimale : le vaste espace extérieur central porte certes au sol les marques de terrains de handball et basket-ball et offre une table de ping-pong sans filet mais le matériel pour les utiliser n’est pas disponible. La salle d’activité est ouverte de 9h à 21h mais ne dispose que d’un distributeur de friandises, de boissons et d’un téléviseur avec des bancs placés devant, et quelques tables avec des bancs. Le baby-foot qui était en salle d’activité a été ôté. Un ballon de football n’est accessible que sur demande également à chaque utilisation.

Un jeu de cartes est occasionnellement prêté par l’OFII ou acheté par une personne retenue. Seules les familles avec enfant peuvent bénéficier du prêt d’une caisse de jeux.

Le temps de travail de l’agent de l’OFII, défini par la convention de 2012, est insuffisant au regard du nombre de personnes retenues et ne permet pas, notamment, le développement d’activités. Il doit être augmenté ainsi que le budget pour fournir du matériel d’activité.

La prise en charge médicale est réalisée dans des conditions matérielles et fonctionnelles correctes pour les soins somatiques, mais une  attention accrue doit être portée au respect du secret médical : il n’est pas admissible qu’une personne diabétique soit contrainte de pratiquer son injection matinale quotidienne sous la surveillance des fonctionnaires de police. En revanche, une procédure garantissant que les personnes retenues puissent bénéficier de soins psychiatriques doit être mise en œuvre.

L’aide juridique est également dispensée dans des conditions satisfaisantes, notamment grâce à une procédure permettant aux fonctionnaires de police de noter systématiquement le nom des personnes retenues nécessitant l’aide de La Cimade sur un billet qui est remis aux intervenants. Ce choix permet d’organiser les entretiens avec les personnes retenues, tout en matérialisant la prise en compte de leur demande.