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Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre pénitentiaire de Toulouse Seysses (2e visite)

 

Synthèse

Sept contrôleurs ont effectué un contrôle du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses (Haute-Garonne) du 6 au 16 juin 2017. Cette mission constituait une deuxième visite, après celle réalisée du 17 au 21 mai 2010. Compte tenu d’un envoi tardif du rapport de première visite aux ministres concernés, ces derniers ont été dispensés de leur obligation de réponse.

La mission s’est déroulée sans difficulté. Le rapport de constat a été adressé le 1er février 2018 au chef d’établissement ainsi qu’aux directeurs du centre hospitalier universitaire de Toulouse, du centre hospitalier spécialisé Gérard Marchant et aux chefs de juridiction du tribunal de grande instance de Toulouse. A la date du 24 avril 2018, seuls le directeur du centre pénitentiaire et celui du centre hospitalier spécialisé Gérard Marchant avaient adressé leurs observations en retour, dont il est tenu compte dans la rédaction du présent rapport.

L’établissement a été mis en service en 2003 en tant que maison d’arrêt, en même temps que fermait l’ancienne maison d’arrêt Saint-Michel de Toulouse. Il est devenu centre pénitentiaire en 2009 avec l’ouverture, extra muros, d’un quartier pour courtes peines et d’un quartier de semi-liberté. Il comporte depuis l’origine un quartier pour femmes. Situé à une vingtaine de km de Toulouse, il est desservi par plusieurs lignes de bus.

Sa capacité totale s’élève à 707 places (dont 40 pour les femmes avec deux places en nurserie) mais la capacité d’accueil réelle a été portée à 1 092, en équipant la quasi-totalité des cellules d’un lit supplémentaire. L’établissement comporte un service médico-psychologique régional (SMPR) de 20 places. Le quartier de semi-liberté compte 52 places, dont 6 pour les femmes, mais il n’est jamais pleinement occupé et ne reçoit quasiment jamais de femmes. En revanche les quartiers maisons d’arrêt, pour les hommes comme pour les femmes, souffrent de sur-occupation depuis 2015. En 2017, l’établissement présentait un taux d’occupation d’environ 160 % avec, en moyenne, quatre-vingt-dix cellules triplées par l’ajout d’un matelas au sol ou d’un lit pliant.

L’établissement fonctionne en gestion déléguée avec la société SODEXO Justice Services pour les prestations de restauration, hôtellerie, cantine, maintenance, services à l’immeuble, transport, buanderie-hôtellerie, ateliers de travail, service général et accueil des familles.

L’effectif de 264 surveillants, amputé d’une trentaine d’agents en raison des postes vacants (14), disponibilités, mises à disposition, congés de longue durée etc. ne permet de déployer dans les étages de détention –  soit pour une centaine de personnes détenues –  qu’un seul agent.

De nombreuses observations déjà formulées à l’issue de la première visite demeurent d’actualité. Il en va ainsi, notamment, du droit à l’encellulement individuel, qui non seulement n’est pas respecté mais s’est aggravé avec l’augmentation du nombre de personnes détenues ; de l’absence de tout équipement ou mobilier dans les cours de promenade ; des faibles horaires d’accès aux points-phone ; de la distribution du dîner à 17h30.

Le contrôle de 2017 révèle une dégradation globale des conditions de prise en charge des personnes détenues.

Ainsi, si les bâtiments sont dans l’ensemble correctement entretenus, certaines cellules sont sales ou manquent de mobilier. Les états de lieux ne sont pas réalisés et l’occupation de toutes les cellules retarde les travaux d’entretien.

L’effectif du personnel, insuffisant au regard du taux d’occupation réel, génère des difficultés dans l’organisation des mouvements, des absences aux activités, un défaut d’enregistrement et de réponse aux requêtes ainsi qu’une faible observation des comportements individuels et collectifs des personnes détenues et donc un manque de sécurité pour ces dernières. Pour tenter d’assurer la protection des personnes considérées vulnérables, ces dernières sont affectées dans divers quartiers : quartier d’isolement, quartier des arrivants ou des sortants. La gestion de l’ordre intérieur n’est pas assurée dans des délais raisonnables, le passage en commission de discipline et le séjour au quartier disciplinaires comportent des listes d’attente longues.

Les activités proposées sont insuffisantes, l’occupation des parloirs saturée, les tensions voire les violences – en cellules et en promenade – fréquentes.

La baisse des prestations dans le marché de gestion déléguée 2017/2021, corrélée à l’augmentation de l’occupation de l’établissement, entraîne des conséquences graves pour ce qui concerne l’accès aux soins et, dans une moindre mesure, aux droits de la défense. En effet, un seul véhicule et un seul chauffeur sont désormais disponibles pour assurer les extractions médicales et judiciaires de plus de 1 000 personnes, ce qui est totalement insuffisant. Par ailleurs l’offre de travail contractuelle est passée de 120 à 80 postes avec seulement 57 personnes au travail lors de la visite ; les rares formations manquent de candidats faute de bilan d’évaluation et d’orientation à l’arrivée ; les prises de rendez-vous au parloir ne sont plus possibles que quatre demi-journées par semaine et les appels sont souvent vains.

La prise en charge par le service d’insertion et de probation est apparue peu dynamique, avec un rythme d’entretiens non tracé, des orientations faibles vers le point d’accès au droit, Pôle emploi, la mission locale ou les dispositifs de bilans et d’orientation professionnelle (PPAIP), l’absence d’actions collectives, sauf au quartier pour courtes peines ou axées sur la prévention de la radicalisation. L’arrivée d’une nouvelle équipe d’encadrement et d’un nouveau magistrat de l’application des peines laissait toutefois espérer un nouveau projet de service et une politique moins restrictive d’aménagement des peines.

L’ambiance générale au sein de l’établissement est apparue marquée par l’absence d’espace, d’activités, d’accompagnement humain, par un accès insuffisant aux soins – notamment dentaires – et par une grande misère, avec un quart de la population éligible aux aides dévolues aux personnes sans ressources. Les personnes détenues et plusieurs intervenants sur le site ont évoqué des phénomènes de pressions et de violences entre personnes détenues et également des comportements parfois peu respectueux de la part de certains agents. Enfin les relations entre la direction de l’établissement et le SMPR sont marquées par une défiance réciproque, ne facilitant ni la circulation de l’information ni la prise en charge psychiatrique des personnes détenues.