Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la justice auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre pénitentiaire de Lannemezan (2e visite)

 

Synthèse

En application de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sept contrôleurs ont effectué une visite annoncée du centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) du 6 au 10 juin 2016. Cette mission a fait l’objet d’un rapport de constat qui a été adressé au directeur du centre pénitentiaire et au directeur du centre hospitalier de Lannemezan le 29 juin 2017. Ceux-ci n’ont pas émis d’observation à ce jour. Cette visite succédait à une première, effectuée du 31 août au 4 septembre 2009.

Le centre pénitentiaire de Lannemezan comporte un quartier maison centrale de 162 places et un quartier centre de détention de 10 places, hors de l’enceinte et ayant la particularité de n’être accessible que pour des personnes détenues bénéficiant au préalable d’une ordonnance de placement à l’extérieur. Construit en 1987, il s’agit d’un établissement sécuritaire, dont la vocation (quartier maison centrale) est principalement d’héberger des condamnés à de très longues peines, purgeant des condamnations pour des faits souvent liés à la délinquance organisée, au grand banditisme ou au terrorisme. Sans être totalement satisfaisants, les moyens humains et budgétaires qui lui sont affectés sont corrects.

La visite de 2009 avait donné lieu à un certain nombre de recommandations, dont une partie a été prise en compte. Des cellules pour personnes à mobilité réduite ont été créées dès 2010. Un quartier des arrivants a été matérialisé en 2011. Les unités de vie familiale ont été livrées en 2016 et ont été mises en œuvre avec efficacité. Accessibles une fois par mois par les personnes détenues, elles sont très utilisées et s’ajoutent au salon familial préexistant. Un aumônier musulman intervient désormais à l’établissement, tout comme le délégué du Défenseur des droits. L’expression collective des personnes détenues est aujourd’hui possible, en application de l’article 29 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

D’autres recommandations restent d’actualité. Elles concernent surtout les activités ou les partenariats à développer : l’accueil des familles n’est pas investi par le secteur associatif ; il n’est pas possible pour les personnes détenues de rencontrer des visiteurs de prison ; il n’existe pas de point d’accès au droit. Par ailleurs, le quartier centre de détention reste sous-exploité alors qu’il s’agit d’un dispositif pertinent d’aide à la réinsertion. En outre, de nouveaux constats se sont fait jour :

  • certaines procédures doivent être améliorer : inventaires des paquetages à réaliser en présence de la personne détenue ; produits d’hygiène à délivrer d’office aux indigents, et non sur demande ; assiette de calcul à revoir pour déterminer la liste des indigents ;
  • le traitement des requêtes des personnes détenues n’est pas assez efficace (enregistrement, traitement et traçabilité) alors que l’application informatique ad hoc est investie par le personnel dans d’autres champs, notamment celui de l’observation quotidienne des personnes ;
  • surtout, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) n’est plus en mesure d’exercer la plénitude de ses missions dans des conditions satisfaisantes. Depuis la précédente visite, la situation de l’antenne SPIP de Lannemezan s’est sensiblement dégradée. Elle ne bénéficie plus d’une assistante de service social et ne dispose d’aucun agent administratif, ce qui a pour conséquence d’alourdir considérablement les tâches administratives des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP). Par ailleurs, le nombre de CPIP réellement en charge a chuté du fait de la situation individuelle de certains : depuis juillet 2015, une seule CPIP suit ainsi l’ensemble des dossiers des personnes détenues (pour un effectif théorique de trois CPIP). Cette situation leur porte préjudice dans le cadre de la préparation de leurs demandes d’aménagement de peine, ainsi que dans la construction de projets (mise en place d’un partenariat avec la CPAM, rôle du SPIP en matière d’accès au vote, réflexion quant à l’avenir du canal vidéo interne, etc.).

Ces points sont remédiables à moyen terme et ne remettent pas en cause un diagnostic plutôt positif en matière de respect des droits fondamentaux des personnes détenues.

Les personnes détenues ont accès à un nombre suffisant d’activités – même si la formation pourrait être plus développée – et une attention individualisée leur est accordée, se traduisant notamment par un grand nombre d’audiences effectuées et par une prise en compte de leurs demandes quant à l’évolution du fonctionnement de la détention. Des pratiques intéressantes en découlent, comme la possibilité par le surveillant responsable de l’informatique de réparer le matériel informatique des personnes détenues, ou l’existence d’avances par la Croix-Rouge pour faire face à des dépenses imprévues. La politique très libérale de la direction en matière de cantines (ordinaires et exceptionnelles) est également à relever.

Le centre pénitentiaire de Lannemezan est propre et bien tenu, même si une certaine dégradation est déjà constatée après trente ans. Il est indispensable de maintenir les budgets de fonctionnement à un niveau raisonnable afin de permettre des opérations de maintenance préventive et d’éviter d’accentuer ce phénomène de vieillissement. Par ailleurs, le coin sanitaire des cellules du quartier des arrivants, assez vétuste, doit faire l’objet d’un réaménagement. Un espace enfants doit également être installé au sein des parloirs.

Les incidents en détention sont peu nombreux et la voie du confinement est régulièrement choisie comme sanction disciplinaire, prenant ainsi en compte les fragilités de certaines personnes détenues. Les contrôleurs n’ont pas relevé de tension particulière malgré la spécificité de la structure, voulue essentiellement comme une maison centrale sécuritaire. Le personnel, tous grades confondus, connaît bien les personnes détenues : cela participe à la préservation des équilibres intérieurs d’une part, et à la meilleure préparation à la sortie d’autre part en dépit des difficultés du SPIP. Il en va de même pour le chef d’établissement, qui – fait inhabituel – dirige ce centre pénitentiaire pour la seconde fois : sa capacité à fédérer autour d’une prise en charge de qualité des personnes détenues doit être soulignée.