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Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier spécialisé de l’Yonne à Auxerre (Yonne)

Rapport de la deuxième visite du centre hospitalier spécialisé de l’Yonne à Auxerre (Yonne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier spécialisé de l’Yonne à Auxerre (2e visite)

 

Synthèse

Quatre contrôleurs se sont rendus du 6 au 10 mars 2017 au centre hospitalier spécialisé de l’Yonne situé à Auxerre. Il s’agissait de la deuxième visite, la première ayant eu lieu au mois de février 2009.Le rapport de constat relatif à la deuxième visite a été envoyé le 11 janvier 2018 au directeur de l’établissement, au président du tribunal de grande instance de Sens, au président et au procureur de la République du tribunal de grand instance d’Auxerre, au préfet de l’Yonne et à l’Agence régionale de santé de Bourgogne. Le directeur de l’établissement et la présidente du tribunal de Sens ont fait valoir leurs observations par courriers des 22 janvier 2018 et 14 février 2018 ; elles ont été prises en considération pour la rédaction du présent rapport.

Le centre hospitalier spécialisé est situé dans le département de l’Yonne qui est divisé en quatre secteurs géographiques, avec deux villes pivot : Auxerre et Sens. Un pôle pour adultes et un pôle infanto-juvénile couvrent tous les secteurs. Les unités d’hospitalisation complète sont implantées à Auxerre et à Sens. Pour les adultes sont installés à Sens l’unité Henri Ey de trente-cinq lits et trois unités de psychiatrie générale : Marcel Aymé avec trente-quatre lits, Pierre Larousse avec trente-trois lits, Marie Noël avec trente-quatre lits plus quatre unités intersectorielle pour des patients au long cours (quarante lits), pour des patients polyhandicapés (quarante-cinq lits), pour des patients traités pour des addictions (vingt-cinq lits). A cela s’ajoute pour les mineurs de 12 à 16 ans l’unité d’hospitalisation complète Racamier de dix lits.

Au jour de la visite l’effectif théorique était de trente et un praticiens attachés au CHS. Mais dix postes de psychiatres étaient vacants, ainsi que deux postes de somaticiens. Par contre aucune vacance n’était signalée en ce qui concerne le personnel non médical, soit 860 agents. L’absentéisme est présenté comme très variable selon les secteurs (une moyenne de 7,21 %, chiffre de 2015), mais plus important dans les secteurs qui prennent en charge les patients polyhandicapés. Les soignants travaillent selon des tranches horaires de 7 heures et 40 minutes et les équipes de nuit sont dédiées.

Les unités sont construites sur le même modèle. Les pavillons ont une partie ouverte avec les deux tiers des lits pour les patients en soins libres. La partie fermée est réservée aux patients en soins sans consentement pour un tiers des lits. Les chambres individuelles sont spacieuses avec une salle d’eau attenante et un dispositif d’appel près du lit et dans la salle d’eau. Chaque partie dispose d’une salle d’activité au moins. Les bureaux des infirmiers sont des pièces en enfilade avec une vue sur la partie fermée très réduite.

Peu de suites ont été données aux recommandations formulées lors de la première visite en 2009. Il a été constaté qu’il y avait une légère amélioration des repas, car dans certaines unités les patients peuvent choisir entre plusieurs plats. Par ailleurs des patients peuvent bénéficier des prestations d’une coiffeuse, alors que le manque d’activités avait été relevé.

Le présent rapport fait état de quarante recommandations, car nombreux sont les droits des patients qui ne sont pas respectés.

Les constats relatifs au droit à l’information des patients 

L’information des patients est insuffisante, car le livret d’accueil et le règlement intérieur qui doivent être réactualisés ne sont pas remis systématiquement à tous.

Tous les patients ne sont pas informés de la possibilité de désigner une personne de confiance et du rôle exact de celle-ci durant leur séjour à l’hôpital.

La notification des décisions d’admission est faite sans s’assurer que le patient en a compris le sens et les droits qui en découlent. Les patients ne connaissent pas exactement les voies de recours qui sont à leur disposition, car les personnes qui leur délivrent cette information ne sont pas assez formées.

Les constats relatifs au droit au secret médical

La fugue est un risque que le personnel soignant doit accepter sans entraîner la mise en place de procédures sécuritaires qui ne respectent pas le secret médical ou la liberté des malades.

Ainsi l’installation de caméras de vidéosurveillance dans des espaces de soins, la présence des agents de la société de gardiennage aux côtés du personnel soignant pendant les rondes constituent une atteinte au secret médical.

Les constats relatifs au droit d’aller et venir

Dans les unités fermées, l’accès aux espaces à l’air libre est trop souvent limité dans la journée, sans motif médical.

Certains patients en soins libres sont maintenus dans le secteur fermé à des fins disciplinaires, sans que leur consentement soit expressément recueilli.

Les chambres d’isolement sont parfois utilisées pour permettre à des patients d’attendre qu’un lit soit disponible, sans prescription médicale.

Des patients admis en soins libres peuvent être maintenus plus de douze heures en chambre d’isolement, sans que leur statut juridique ne soit modifié.

Les constats relatifs à la sécurité des patients

L’absence d’un dispositif d’appel en chambre d’isolement ne permet pas d’assurer la pleine sécurité des patients.

Les mineurs doivent être protégés sans être obligés de rester en chambre d’isolement.

En l’absence de dispositif de traçabilité et notamment de registre spécial, le déroulement des   mesures d’isolement et de contention n’est pas correctement suivi.

Les constats relatifs à la dignité des patients

Les patients placés en chambre d’isolement ne disposent pas d’accès direct aux sanitaires et doivent attendre le passage des soignants.

La mise en pyjama imposée systématiquement aux patients installés en chambre d’isolement n’est pas respectueuse de leur personne.

Les personnes détenues doivent être prises en charge dans des conditions qui privilégient les soins comme pour les autres patients.

Les constats relatifs à l’accès aux soins

Les placements en chambre d’apaisement avec porte fermée ne doivent être réalisés ou autorisés que sur décision médicale.

Le recours à l’isolement et à la contention sur prescription médicale « si besoin » ne peut pas être considéré comme un dernier recours tel qu’il est prévu par la loi.

Les contrôleurs ont relevé deux types de situations particulières : l’hospitalisation des mineurs avec un recours fréquent à l’isolement et l’hospitalisation de personnes polyhandicapées et très déficitaires dont le statut juridique n’est pas clairement fixé.

Le manque crucial de médecins impacte fortement la prise en charge des patients, même si le personnel soignant est apparu dans l’ensemble stable et impliqué dans ses missions au quotidien.