Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite du centre de détention de Toul (Meurthe-et-Moselle)

Rapport de la deuxième visite du centre de détention de Toul (Meurthe-et-Moselle)

Observation du ministre de la santé – CD de Toul (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la justice.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre de détention de Toul (2e visite)

 

SYNTHESE

En application de la loi du 30 octobre 2007 instituant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, six contrôleurs ont effectué un contrôle du centre de détention de Toul (Meurthe-et-Moselle), du 1er au 4 août et quatre du 8 au 10 août 2016. Cette mission constituait une deuxième visite, faisant suite à un premier contrôle réalisé le 30 avril 2011.

Un rapport de constat a été adressé le 13 décembre 2016 à la directrice du centre de détention, au directeur du centre hospitalier de Toul, au directeur du centre psychothérapique de Nancy ainsi qu’au directeur du centre hospitalier universitaire de Nancy. Aucune observation n’a été formulée au CGLPL.

Le centre de détention de Toul est un des vingt-deux établissements pénitentiaires accueillant en priorité les auteurs d’infractions à caractère sexuel (AICS). Au 31 décembre 2015, les AICS représentaient 64% des personnes détenues. Le centre de détention ne connaît pas de surpopulation. Au moment de la deuxième visite, la capacité théorique du centre de détention, de 429 places en 2011, est désormais de 427 places[1] afin de se conformer à l’encellulement individuel des personnes détenues hébergées au bâtiment A. Le CD comptait au 1er août 2016, 393 personnes condamnées, soit un taux d’occupation global de 92%, stable par rapport au précédent contrôle (taux d’occupation global de 93%).

La structure immobilière, vieillissante, a peu évolué. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait souligné, dans le précédent rapport de visite, la disparité de l’état des bâtiments, certains quartiers nécessitant une rénovation. Depuis, une inspection des services pénitentiaires, a réalisé en octobre 2013 un contrôle du fonctionnement du centre de détention à la suite de la prise de fonction d’un nouveau chef d’établissement, préconisant notamment la remise en état du gymnase dont la structure, très dégradée, peut être source de risque pour les personnes.

Au moment de la deuxième visite, l’établissement n’a toujours pas aménagé de rampe d’accès pour les personnes à mobilité réduite hébergées dans les quatre cellules médicalisées au rez-de-chaussée du bâtiment A. Ce constat est d’autant plus préoccupant que la population pénale hébergée est, elle aussi, vieillissante ; plus d’un tiers des personnes détenues a plus de 50 ans. L’état de vétusté et de dégradation des locaux de la cuisine (les salles et le matériel), du gymnase, de la cantine est inchangé. Le projet de construction d’une nouvelle cuisine mutualisé avec le CD d’Ecrouves n’a pas été réalisé. Des espaces tels que des boxes de parloirs et les cours du quartier disciplinaire (QD) auraient besoin d’être rénovés. Les contrôleurs avaient relevé, en 2011, la nécessité de réaliser des unités familiales (UVF) et des parloirs familiaux (PF). De nouveaux locaux visant à accueillir trois unités de vie familiale, dont l’une accessible aux personnes à mobilité réduite (PMR), et trois parloirs familiaux, dont l’un accessible aux PMR, ont été construits à proximité des parloirs à la fin de l’année 2014[2].

En ce qui concerne l’hébergement, l’encellulement individuel n’est pas respecté. Les deux bâtiments offrent des conditions d’hébergement très différentes avec un encellulement individuel systématique au bâtiment C et parcellaire au bâtiment A, pour un total de 345 cellules dont 82 doubles[3]. Le taux théorique d’encellulement individuel est de 62%. Hormis la réfection en cours des cellules au rez-de-chaussée du bâtiment C, les équipements mobiliers des cellules des personnes détenues n’ont pas été renouvelés, les occupants « bricolant » à partir de matériel récupéré (cartons). Les appels de nuit des cellules ne sont toujours pas localisables au poste central d’information. Les cellules du bâtiment C ne disposent pas d’un WC cloisonné, obligeant les personnes détenues à installer un drap pour préserver leur intimité.  Un programme de changement des menuiseries des fenêtres les plus exposées des cellules du bâtiment A est en cours. Comme relevé dans le rapport de 2011, malgré la vétusté du CD, l’ensemble des locaux est dans un état correct.

Le volume du personnel de surveillance, stable par rapport à 2011 (144), est de 142 surveillants au moment de la deuxième visite. En dehors des trois surveillants spécifiquement affectés au quartier des arrivants, aucune équipe dédiée n’existe. Dans l’avenir, trois surveillants seront affectés aux unités de vie familiale. Le rythme de travail en 13 heures du personnel de surveillance des brigades de roulement, déjà dénoncé en 2011, est un rythme attractif qui interroge, comme l’a déjà souligné l’inspection des services pénitentiaires dans son rapport établi lors de la prise de fonction de la directrice, en 2013. Des agents ont indiqué que ce rythme était plus adapté, citant notamment le faible absentéisme, contrairement à ce qui est observé dans les établissements fonctionnant selon un rythme plus classique[4]. Il a été constaté que les agents agissaient avec une compétence avérée lors de la gestion des incidents, de jour comme de nuit, malgré la monotonie de leur poste en détention, leur rôle étant essentiellement orienté vers une surveillance souvent passive.

En revanche, la principale difficulté concerne les gradés. La situation des premiers surveillants est en apparence conforme à l’effectif de référence mais, dans les faits, elle était plus difficile à la date de la visite, en raison de l’effectif réellement disponible et de l’affectation de plusieurs gradés dans des postes fixes. Ainsi, tous les gradés ont été mis à contribution pour tenir les fonctions de gradé de roulement et cette situation impacte le fonctionnement de la détention : lors de la visite, l’adjoint de chaque chef de bâtiment assurait également les fonctions de gradé de roulement et l’un d’eux a tenu cette place à plusieurs reprises durant la première semaine de leur visite ; ainsi, ni l’officier (en congé) ni le gradé n’étaient présents dans le bâtiment. Or, ils y jouent un rôle particulièrement important eu égard au nombre d’audiences qu’ils mènent chaque jour.

Les dysfonctionnements du logiciel Genesis impactent notamment la gestion des dettes des personnes détenues (difficultés de paiement des parties civiles) ; il convient de résoudre cette situation dommageable.

La qualité de l’accueil et le fonctionnement du quartier des arrivants sont à souligner.

La bonne organisation des espaces extérieurs favorise la fluidité des mouvements des personnes détenues. Celles-ci circulent librement en régime « portes ouvertes », ce qui est le cas pour 93% d’entre elles. Il n’existe pas de cloisonnement entre les bâtiments[5] et l’accès aux deux cours de promenade communicantes est libre. Il s’agit d’une des caractéristiques essentielles de cet établissement.

Dans le cadre des aides fournies aux personnes détenues dépourvues de ressources suffisantes[6], les critères de rejet d’attribution de l’aide ne respectent pas la circulaire de la direction de l’administration pénitentiaire.

Le processus des fouilles est améliorable pour procéder à des fouilles intégrales à l’issue des parloirs avec discernement.

En ce qui concerne la discipline, l’information en amont de l’avocat commis d’office et la transmission du dossier plusieurs jours avant l’audience est une pratique pertinente.

Le placement à l’isolement est rare et les durées limitées.

Comme lors de la précédente visite, une association, « l’Arche touloise », propose aux familles des chambres à un prix symbolique en dehors de l’établissement ; ses structures constituent également un lieu d’accueil le jour des parloirs, de rencontre et de convivialité, apprécié par deux tiers des visiteurs des personnes détenues du centre de détention. Comme l’avait déjà recommandé l’inspection territoriale en 2013, le local d’accueil des familles devrait être équipé et meublé de manière plus adaptée. Une association devrait aussi être présente pour accueillir les visiteurs dans des conditions matérielles dignes. Afin de maintenir le lien familial, les parloirs prolongés devraient être attribués selon le seul critère des places disponibles.

Comme en 2011, les visiteurs de prison accompagnent les premières permissions de sortir des personnes détenues condamnées à de longues peines.

L’installation actuelle des points phone est inchangée ; elle ne garantit pas la confidentialité des échanges et ni l’accessibilité aux PMR.

Tous les cultes sont représentés, plusieurs salles étant mises à leur disposition.

L’accès au droit est de qualité (un point d’accès au droit dynamique avec une diversité d’intervenants, un délégué du Défenseur des droits régulièrement présent, la mise en place de partenariats efficaces pour l’ouverture des droits sociaux, une procédure par le greffe facilitant la conservation et l’accès aux documents mentionnant le motif d’écrou, la primauté de l’oralité dans le traitement des requêtes en temps réel par les chefs de bâtiments, les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’instance de consultation interne sur la vie carcérale). En revanche, aucune convention n’est passée entre l’établissement et la préfecture de Meurthe-et-Moselle pour faciliter l’obtention et le renouvellement des titres de séjour ; le délai de réponse aux demandes est très long, de nombreuses personnes ayant sollicité ou demandé le renouvellement d’un titre de séjour n’obtenant jamais de réponse, même négative. Il est essentiel d’établir un protocole entre l’établissement, le SPIP, la préfecture et les points d’accès au droit du département.

Les relations entre l’unité sanitaire et les services pénitentiaires semblent fluides. L’offre de soins s’est diversifiée pour répondre aux besoins spécifiques liés aux particularités de la population pénale accueillie (personnes âgées, auteurs d’infractions à caractère sexuel) avec l’intervention d’un service de soins infirmiers à domicile depuis 2009 ainsi que la mise en place d’un dispositif de soins aux auteurs de violences sexuelles depuis 2012. Toutefois ceci s’est fait de façon insuffisamment intégrée en juxtaposant des dispositifs ce qui ne permet pas une réponse totalement satisfaisante et nécessite d’être optimisé. Le recrutement de praticiens qualifiés (psychiatre et chirurgien-dentiste) devrait être mis en œuvre de façon prioritaire pour garantir une présence effective, suffisante et pérenne au regard des besoins de soins des personnes détenues ainsi que pour assurer l’encadrement des étudiants que l’unité sanitaire doit continuer à accueillir.

Les mesures de sécurité mises en œuvre lors des extractions médicales, sont excessives et disproportionnées et ne permettent pas de respecter le secret médical et la confidentialité des soins.

Les activités proposées sont diversifiées et appréciées (activités sportives en accès libre, activités socioculturelles nombreuses, un canal interne bien rodé…). Le travail emploie 49,7% de la population pénale. Les ateliers offrent des emplois avec une progression dans la qualification et la rémunération. Toutes les formations professionnelles prévues n’ont pu être réalisées. Un enseignement est dispensé par une équipe motivée et accessible à un maximum de personnes détenues.

Une conjonction de facteurs extérieurs à l’administration pénitentiaire a fortement impacté l’aménagement des peines, notamment pour les AICS, ainsi que l’attribution des permissions de sortir à des personnes détenues : les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation qui ont désinvesti la détention, sortent d’un mouvement de protestation très suivi au moment de la deuxième visite. Cette situation, installée dans le temps, suscite de nombreuses rancœurs parmi les personnels de l’établissement et les personnes détenues, espérant que l’arrivée d’un chef d’antenne ainsi que de trois CPIP puisse créer une nouvelle dynamique de travail au sein du service et réintégrer le SPIP au sein de l’établissement. De plus, un important retard des expertises psychiatriques s’est accumulé avec la protestation des experts psychiatriques de la cour d’appel de Nancy.

En conclusion, des activités nombreuses et diversifiées sont proposées aux personnes détenues, qui évoluent, pour une grande partie d’entre elles, selon un régime « ouvert ». Cependant, il est urgent de respecter la règle de l’encellulement individuel dans cet établissement pour peine. Pour autant, un plan de réhabilitation de l’ensemble du bâti doit être engagé pour la remise en état de cette structure immobilière vieillissante et dégradée.

[1] La nouvelle capacité est validée par la direction de l’administration pénitentiaire depuis le 1er décembre 2014.

[2] Leur ouverture prochaine était prévue début octobre 2016.

[3] Le bâtiment A comprend 192 cellules doubles, quatre cellules individuelles pour personnes âgées et 24 individuelles pour les personnes détenues en régime de confiance ; le bâtiment C comprend 235 individuelles.

[4]Le taux d’absentéisme est faible (3,6 % pour les maladies ordinaires et de 1,1 % pour les accidents de travail en 2015) et les congés de maladie correspondent à des difficultés avérées.

[5] La seule restriction concerne l’interdiction de circuler d’un bâtiment à l’autre.

[6] En 2015, les personnes sans ressources suffisantes représentaient 5,75% de la population pénale.