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Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Troyes (Aube)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Troyes (Aube)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la justice auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

Cinq contrôleurs ont effectué une visite de la maison d’arrêt de Troyes (Aube), du 6 au 9 février 2017. L’établissement avait fait l’objet d’une précédente visite en mai 2011.

Un rapport de constat a été adressé, le 21 avril 2017, au chef d’établissement et au directeur du centre hospitalier de Troyes. Ce dernier a transmis, le 29 mai 2017, des observations, qui ont été intégrées dans le présent rapport. Aucune réponse, en revanche, n’est parvenue de la part de l’administration pénitentiaire.

  1. Bien que les condamnés soient majoritairement en aménagement de peine et donc non incarcérés, la maison d’arrêt de Troyes reste un établissement confronté à une surpopulation endémique et chronique.

A la date du 6 février 2017, la maison d’arrêt de Troyes comptait 154 personnes détenues, présentant la particularité de compter plus de condamnés en placement sous surveillance électronique et en placement extérieur (133) que de condamnés écroués (103).

Avec 154 personnes détenues (dont 51 prévenues) pour 111 places (hors quartier de semi-liberté), le taux d’occupation de l’établissement s’élevait à 139 %. Le droit à l’encellulement individuel n’est nullement respecté puisque l’ensemble des locaux d’hébergement sont collectifs et que les seules cellules individuelles qui existent sont celles à vocation disciplinaire et d’isolement. Au moment du contrôle, une personne ne disposait pas de lit et était contrainte de dormir sur un matelas posé à même le sol.

Une décision a été prise dans le passé d’ajouter des lits supplémentaires au-delà de la capacité officielle de 111 places, qui est définie par la direction de l’administration pénitentiaire au regard de la surface au sol. Ce choix a pour conséquence funeste d’afficher une « capacité de couchage » (165 lits au total) qui est considérée par le parquet comme la limite à ne pas dépasser dans sa politique de mise à exécution de jugements de condamnation, ce qui de fait revient à considérer que l’établissement n’est surpeuplé qu’à partir de 145 % d’occupation.

Il paraît donc utile de rappeler que la capacité de l’établissement, établie par la direction de l’administration pénitentiaire, doit constituer l’unique référence à faire prévaloir, notamment auprès des autorités judiciaires.

  1. La maison d’arrêt de Troyes est une structure vétuste et inadaptée et la décision de sa fermeture apparaît judicieuse.

La situation de l’établissement en centre-ville, sa taille modeste et en rapport avec l’activité judiciaire du tribunal de grande instance, la rénovation récente d’un quartier de semi-liberté ne constituent pas pour autant des arguments suffisants en faveur d’un maintien en activité de la maison d’arrêt. Plusieurs inconvénients majeurs caractérisent, de manière rédhibitoire, la structure : la conception de l’hébergement en dortoirs est incompatible avec le droit à l’encellulement individuel ; les visites se déroulent dans des conditions de promiscuité et d’inconfort inacceptables au regard du maintien des liens familiaux ; les locaux de l’unité sanitaire, du fait de leur configuration et de leur dimension, ne permettent pas d’assurer une prise en charge médicale satisfaisante ; les seules possibilités de travail sont au service général du fait du non fonctionnement de l’atelier de production ; outre son état de vétusté et de saleté, le quartier disciplinaire et d’isolement souffre de tares de conception, qui font que les conditions de détention y sont attentatoires à la dignité des personnes.

De surcroît, il n’existe aucune emprise foncière disponible pour envisager une rénovation d’ensemble de l’établissement, qui comprendrait la construction d’une véritable unité sanitaire, de parloirs, de salles d’activités, d’un terrain de sport…

  1. Ces défauts ne doivent pas toutefois occulter les efforts du personnel pour assurer un fonctionnement correct de l’établissement.

Dans un contexte où des hommes se retrouvent enfermés dans un même espace restreint pendant au moins quatorze heures consécutives, l’encadrement et les surveillants ont semblé attentifs à la composition des dortoirs et soucieux d’anticiper les tensions entre les personnes.

Le personnel de la maison d’arrêt ne connaît pas de sous effectif. L’absentéisme est inexistant. Les surveillants sont expérimentés et attachés à leur établissement. Leurs relations avec les personnes détenues se caractérisent par une familiarité qui n’est pas apparue de mauvais aloi.