Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt Bonne-Nouvelle à Rouen (Seine-Maritime)

Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Rouen (Seine-Maritime)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par les ministères de la justice et de la santé.

Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt de Rouen (2e visite)

 

SYNTHESE

La maison d’arrêt de Rouen a une capacité théorique de 649 places (pour 385 cellules) dont 35 au quartier des femmes, 34 au quartier des mineurs et 17 au quartier de semi-liberté. Il s’agit d’un établissement ancien, implanté aux abords du centre-ville.

Bien que des travaux de rénovation aient été réalisés depuis la dernière visite, intervenue en 2008, il pleut parfois dans les coursives. Les conditions matérielles de vie restent très difficiles et, par certains aspects, attentatoires à la dignité et à l’intimité, tout particulièrement dans les divisions des hommes : la cohabitation à deux ou trois par cellule est la norme, l’espace est très réduit, la luminosité particulièrement faible, les sanitaires sont dépourvus de porte, les lavabos ne délivrent que de l’eau froide, il n’y a pas de réfrigérateurs en cellule…

Les femmes bénéficient d’un peu plus d’espace en cellule mais souffrent autant que les hommes des autres difficultés. Elles n’ont pas accès au travail en atelier et l’accès à l’enseignement est plus réduit que pour les hommes. L’accès au parloir est également moindre.

Les mineurs bénéficient de conditions matérielles plus favorables (encellulement individuel et douche en cellule) et d’activités plus nombreuses ; les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont présents et entretiennent de bonnes relations avec l’administration pénitentiaire. Il serait cependant utile d’affecter durablement à ce quartier une équipe de surveillants réellement volontaires et plus précisément formés, afin d’affirmer la dimension éducative de la prise en charge : au moment de la visite en effet, les mineurs pouvaient regarder la télévision toute la nuit et l’entretien de leurs cellules laissait à désirer.

Enfin, il est tout particulièrement regrettable, d’une part, que la visioconférence soit utilisée pour les mineurs, d’autre part, qu’un juge des enfants ne soit pas désigné pour assurer le suivi du quartier.

L’offre de travail, inexistante en atelier pour les femmes, est très insuffisante pour les hommes ; sa rémunération – inférieure au taux légal – est indigne : en décembre 2015, le salaire horaire moyen était de 1,76 euro pour le service général, et de 2,72 euros pour le travail en atelier.

En matière de cantine, il a été observé une forte augmentation des tarifs ainsi que l’indisponibilité de certains produits figurant pourtant sur le catalogue de la DISP de Lille. Il a aussi été observé que des personnes arrivant d’autres établissement avaient pu y « cantiner » des objets qui n’étaient pas autorisés en cellule à Rouen. Une harmonisation serait bienvenue.

Le renouvellement des cartes nationales d’identité est largement favorisé par la politique de l’établissement qui assure gratuitement la prise de photographies ; cette pratique mériterait d’être étendue à l’ensemble des établissements pénitentiaires. En revanche, contrairement aux dispositions de la circulaire du 25 mars 2013 relative aux procédures de première délivrance et de renouvellement des titres de séjour aux personnes privées de liberté, aucune convention n’a été conclue avec la préfecture et les personnes détenues de nationalité étrangère rencontrent les plus grandes difficultés à faire examiner leur situation administrative pendant la détention. Cette situation, maintes fois dénoncée, constitue un obstacle d’une part à l’aménagement de peines, d’autre part à l’accès à certains droits sociaux.

La santé n’encourt plus aussi fortement qu’en 2008 les reproches relatifs au manque de confidentialité : la dispensation des traitements de substitution s’effectue désormais de manière individuelle. Malgré des locaux étroits et des conditions de travail difficiles, la prise en charge sanitaire est apparue satisfaisante, sous réserve des conditions d’extraction.

Lors d’une extraction médicale à laquelle ils ont participé, les contrôleurs ont en effet constaté que les mesures de sécurité mises en œuvre n’étaient ni individualisées ni conformes au niveau d’escorte fixé par la direction ; ils ont aussi constaté que les agents pénitentiaires étaient présents en salle d’examen, cette présence ayant été décrite comme systématique. Cette pratique constitue une atteinte intolérable au respect du secret médical et de la vie privée, dès lors que la présence pénitentiaire n’est pas justifiée par des motifs de sécurité évalués au cas par cas. Il y a lieu à cet égard de rappeler l’avis du CGLPL du 16 juin 2015 relatif à la prise en charge des personnes détenues dans les établissements de santé.

Le service pénitentiaire d’insertion et de probation organise manifestement un certain nombre d’actions susceptibles de favoriser l’insertion mais son action est apparue mal maîtrisée et nécessiterait un encadrement plus étroit ; l’arrivée d’une nouvelle directrice départementale et d’un nouveau responsable d’équipe devrait y pourvoir.

Malgré la mise en place d’un processus de sortie qui assure le minimum aux plus démunis, l’accès aux droits sociaux et la continuité des soins ne sont pas garantis aux populations les plus précaires.