Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier de Nemours (Seine-et-Marne)

Rapport de visite du centre hospitalier général de Nemours (Seine-et-Marne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la santé.

 

SYNTHESE

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, cinq contrôleurs ont effectué une visite du centre hospitalier de Nemours (Seine et Marne) du 30 mars au 2 avril 2015. Un rapport de constat a été adressé au directeur général qui a fait valoir ses observations, lesquelles ont été prises en considération pour la rédaction du présent rapport.

L’hôpital général de Nemours, auquel sont rattachés trois secteurs de psychiatrie générale et un secteur de psychiatrie infanto-juvénile, est dans le champ de la psychiatrie au service, de la population des bassins de vie de Fontainebleau, de Nemours et de Montereau, soit une population de l’ordre de 190 000 habitants.

En matière d’hospitalisation, le pôle de psychiatrie dispose de soixante lits pour adultes, répartis en trois unités sectorielles de vingt lits qui sont des unités ouvertes. Le renforcement des moyens sur cette zone géographique prévoit, à très court terme, l’augmentation des capacités d’hospitalisation avec un total de soixante-quinze lits dont une unité fermée de quinze lits, ainsi que trois à cinq lits qui seront plus spécifiquement réservés aux adolescents.

Lors de la visite du CGLPL, cinquante-huit patients étaient hospitalisés dont dix-sept avaient été admis en soins sans consentement.

Dans un contexte de relatif isolement géographique et de difficultés de recrutement médical, l’hôpital de Nemours a développé une approche cohérente de réponse aux besoins de soins psychiatriques de la population du sud du département de la Seine-et-Marne en s’inscrivant dans une réelle dynamique partenariale.

L’importance des collaborations médicales au sein du pôle, ainsi que les articulations étroites entre les différents métiers présents dans le pôle au service du soin et de l’accompagnement des patients, permet une approche pluridisciplinaire efficace. L’homogénéisation des pratiques au sein des trois unités du pôle mérite également d’être soulignée ainsi que le choix délibéré de maintenir ces unités ouvertes permettant aux patients d’aller et venir librement.

Il faut noter la qualité des relations entre l’hôpital – personnels administratifs et médecins – et la juridiction : des réunions sont organisées deux fois par an à l’initiative de la présidente du tribunal de grande instance afin de partager les connaissances relatives aux soins sans consentement, de confronter les diverses interprétations des textes et d’approfondir les liens entre les différents partenaires.

Cependant des pratiques susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux des patients ont été relevées.

L’organisation actuelle ne permet pas de garantir une attention suffisante à la prise en charge somatique des patients. Dans l’attente du recrutement effectif d’un médecin généraliste attaché au pôle, la communauté médicale doit apporter une réponse adaptée et s’assurer des délais de prise en charge et d’interprétation des examens complémentaires pour éviter tout retard aux soins.

Le pourcentage élevé de patients admis dans le cadre de la procédure d’urgence, expliqué localement par le faible nombre de médecins généralistes interroge, tant sur le respect de l’esprit de la loi que sur les conditions d’accessibilité aux soins de premiers recours, notamment pour les patients présentant des troubles psychiatriques. Un suivi local et national de cette réalité devrait être mis en place.

Concernant les programmes de soins, des difficultés relatives à des réintégrations en hospitalisation complète à la suite d’une modification substantielle de la forme de la prise en charge et de la transformation du programme de soins ont été constatées. Il convient de rappeler que la réintégration imposée au patient en hospitalisation complète requiert une transformation de la mesure. Ainsi, dans le cas où la réintégration concerne un patient faisant l’objet d’une mesure de soins sur décision du préfet, l’information de ce dernier est obligatoire, conformément aux dispositions de l’article R. 3211-1 VI du code la santé publique. Or, il a été rapporté au CGLPL que l’agence régionale de santé s’opposerait de façon récurrente à ce type de réintégration, contraignant l’établissement à maintenir en programme de soins des patients en hospitalisation complète de fait. Il doit impérativement être mis fin à cette pratique, qui prive les patients des garanties que leur apporte le contrôle du juge des libertés et de la détention.

Enfin, si l’ouverture des unités en journée permet à la majorité des patients d’aller et venir librement, elle entraîne en contrepartie un recours plus fréquent à l’isolement et à l’utilisation du pyjama. Ces pratiques portent atteinte à la dignité des patients. Il conviendrait de retravailler les modalités d’appréhension des conditions de séjour au regard des droits fondamentaux des personnes et des situations cliniques, compte tenu des évolutions organisationnelles possibles, afin de limiter le recours à la chambre de soins intensifs en nombre et en durée, ainsi que le port du pyjama.

De même, lors de leur admission en unité d’hospitalisation, tous les patients se voient retirer leur téléphone, quel que soit leur état de santé psychique. Le caractère systématique de cette pratique constitue une atteinte au droit de communiquer librement avec son entourage. Seul l’état clinique du patient devrait justifier l’interdiction relative à l’usage du téléphone.

Enfin, les conditions matérielles d’hébergement nécessiteraient des améliorations.

L’état actuel des locaux et des équipements, marqués par la vétusté, nécessite rapidement d’une part la mise œuvre de travaux de rénovation ou de réparation, et d’autre part une plus grande vigilance à la régularité de l’entretien. Ceci concerne notamment l’isolation des fenêtres, la réparation des volets cassés ou des systèmes d’appels défectueux, des peintures et des revêtements de sols usés et une hygiène parfois défectueuse. Chaque chambre devrait disposer d’un mobilier minimal et fonctionnel.

De même, il convient de rendre possible la fermeture, par les patients, des portes des sanitaires ainsi que celle de la porte de leur chambre et de leur placard afin de préserver leur intimité (tout en offrant un éventuel accès aux soignants pour des raisons évidentes de sécurité). Les conditions d’équipement des douches et des sanitaires doivent permettre aux patients de se doucher et de s’habiller dans des conditions respectueuses de leur intimité.