Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la troisième visite du centre de rétention administrative de Bordeaux (Gironde)

Rapport de la troisième visite du centre de rétention administrative de Bordeaux (Gironde)

Observations du ministre de l’intérieur – CRA de Bordeaux (3e visite)

 

SYNTHESE

Trois contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté accompagnés par un stagiaire ont effectué une visite du centre de rétention administrative de Bordeaux du 28 au 30 septembre 2015.

Cette visite, la troisième, précédée de deux autres effectuées en 2009 et 2011, a permis de mesurer que l’indignité des conditions matérielles d’accueil des personnes retenues pouvait voir ses effets sinon annihilés au moins atténués par la qualité de la prise en charge par l’ensemble des intervenants.

Les conditions matérielles d’hébergement des personnes retenues au CRA de Bordeaux ne se sont pas améliorées depuis la dernière visite. Les locaux sont inchangés et leur nettoyage s’est plutôt dégradé. Les conditions de travail de tous les professionnels sont à l’identique : manque d’espace, de clarté, de calme. Du fait de la configuration des lieux en sous-sol, le risque incendie est toujours présent ; l’incendie survenu le 7 mai 2013 l’atteste.

Pourtant, et il convient de le souligner, la responsable du centre, témoigne d’un réel souci d’entretien et d’amélioration des conditions de vie des personnes retenues, fait diligence pour faire réaliser les travaux qui s’imposent, a mis en œuvre immédiatement les préconisations des contrôleurs qui pouvaient l’être, mais ne trouve malheureusement pas toujours le relais souhaitable pour faire aboutir ses demandes.

Néanmoins, cette situation difficile ne conduit pas aux conséquences délétères que l’on pourrait en attendre. Les tensions sont relativement faibles.

Dans l’ensemble, il est apparu que le souci de la qualité de prise en charge des retenus – certes non dénué d’une recherche rationnelle de l’intérêt de chacun « on a tous à gagner à ce que ça se passe bien » – et du respect de leurs droits prédominaient ; c’est la conception des responsables qui parviennent à la faire partager, même si ce n’est pas tout à fait uniformément.

Situation exceptionnelle : aucun des intervenants extérieurs n’a eu de propos négatif sur l’administration du CRA. La coordination et la bonne entente règnent dans le respect des fonctions de chacun, aidées par l’initiative de réunions régulières où les difficultés et problèmes sont clairement posés et discutés et les solutions adaptées.

La rareté de l’utilisation de la chambre de mise à l’écart est justifiée par les responsables qui estiment ces placements inutiles dès lors que la difficulté n’en sera pas résolue pour autant et privilégient les transferts au CRA de Toulouse, lesquels se révèlent également très rares.

Les recours en urgence des retenus sont, sauf dysfonctionnements constatés les week-ends, faxés sans difficulté depuis le poste lorsque la Cimade n’est pas présente. Le téléphone est prêté pour des communications internationales lorsqu’il s’agit de prévenir la famille du retour au pays.

La gestion de l’hôtellerie et de la restauration est conduite dans une même conscience de la difficulté du séjour des personnes retenues et le même souci de limiter les tensions.

Ces efforts et bonnes pratiques ne pallient pas les difficultés des personnes retenues, difficultés accentuées par les conditions matérielles d’hébergement ; leur prise en charge présente encore des points d’amélioration.

L’ennui règne, évidemment, épais et persistant, sans que policiers et intervenants – les premiers à en être navrés et à en subir les effets en termes de tensions – aient les moyens d’y porter remède. Un projet, conduit entre les fonctionnaires et l’OFII, d’installation de matériel de sport dans une salle a été refusé. Les retenus indigents peinent à trouver de quoi fumer dans ce lieu où c’est, avec la télévision et le baby-foot, la seule occupation.

L’accès aux droits pourrait être amélioré : ils sont – comme partout – notifiés par les services interpellateurs et, par suite, les fonctionnaires ne sont pas très soucieux de recommencer à l’arrivée, même si les responsables se montrent sensibles à la notion d’explicitation des droits qu’ils jugent nécessaire.

Il ressort de cette visite que, quel que soit l’environnement matériel, la qualité du comportement de la hiérarchie – qui peut se communiquer à l’ensemble des équipes – est essentielle dans celle de la prise en charge ; elle engage, dans un cercle vertueux, tant l’amélioration des conditions de rétention que celle des conditions de travail. On l’a suffisamment souvent constaté négativement pour se réjouir de l’inverse.

Il en ressort également, point qui n’est pas propre au CRA de Bordeaux, la nécessité de favoriser des activités surtout physiques (vélos d’appartement, espaliers, etc.) sans que l’on puisse objecter un risque de destruction ou de « danger pour autrui et soi-même », dès lors que la vidéosurveillance est dense.