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Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Villeneuve-Lès-Maguelone (Hérault)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Villeneuve-Lès-Maguelone (Hérault)

Observations du ministre de la santé – CP de Villeneuve-Lès-Maguelone (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la justice.

SYNTHESE

Six contrôleurs ont effectué une visite du centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) du 31 août au 10 septembre 2015. Cette mission faisait suite à trois contrôles réalisés successivement en décembre 2008, mars 2013 et février 2014 à la maison d’arrêt, au centre de semi-liberté de Montpellier et au quartier des mineurs.

Un rapport de constat a été adressé le 6 avril 2016 au chef d’établissement, lequel l’a transmis aux différents services. Le présent rapport a intégré leurs observations.

Le fonctionnement du centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone est altéré par une sur-occupation récurrente (I), une insuffisance de personnel (II) et un degré de violence important (III). Le service médical, dont l’intervention est globalement cohérente, devrait intervenir auprès des personnes placées en semi-liberté et veiller au respect de la confidentialité lors des extractions médicales (IV).

I – Le centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone est l’établissement dont le taux de sur-occupation est l’un des plus importants de la région. Par ailleurs, des problèmes liés à la structure (architecture, implantation des quartiers des mineurs, rattachement du quartier de semi-liberté) mériteraient l’élaboration d’une réflexion globale.

Le taux d’occupation de l’établissement s’élève à 135 % faisant du droit fondamental à l’encellulement individuel une exception. Seuls 34 % des personnes détenues bénéficient d’un encellulement individuel.

Les places théoriques au nombre de 623 sont occupées par 838 personnes détenues soit 215 personnes surnuméraires.

A l’instar des constats effectués lors de la visite de 2008 : « La présence dans l’établissement de personnes détenues en surnombre est à l’origine de graves difficultés liées à l’inadéquation entre le nombre des usagers et celui des moyens mis à leur disposition : accès aux soins, aux services sociaux, aux activités culturelles et sportives par exemple », l’état de surencombrement affecte à la fois les conditions de détention et les conditions de travail des personnels. Il a été indiqué aux contrôleurs que le taux d’occupation de 135 % n’a jamais été aussi élevé. Même s’il n’y a pas de matelas au sol, la vie en détention est marquée par une sur-occupation chronique, les cellules individuelles ayant été équipées de lits supplémentaires.

L’architecture de la maison d’arrêt ne crée pas un environnement favorable.

L’architecture de la maison d’arrêt qui ne connait pas de lumière naturelle, ni de possibilité d’aération au sein des secteurs d’hébergement est particulièrement oppressante. Ce défaut d’équipement contribue au mal-être évoqué tant par le personnel que par les personnes détenues. Par ailleurs, comme constaté lors de la précédente visite, le cheminement au sein de l’établissement est totalement inadapté aux personnes à mobilité réduite, voire impossible pour les personnes immobilisées en fauteuil roulant. Les parloirs ne sont notamment pas accessibles aux personnes détenues handicapées du fait du nécessaire franchissement d’un escalier.

Force est de constater que ces préconisations n’ont pas été suivies d’effet. Des conditions d’accès doivent être prévues pour les personnes handicapées, qu’elles soient membres du personnel, détenues ou visiteur. Chacun doit pouvoir accéder aux locaux, circuler au sein de l’établissement et utiliser ses équipements. Il est urgent que le centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone soit mis en conformité avec les dispositions du Code de la construction et de l’habitation relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées.

L’implantation du quartier des mineurs est inadaptée.

La localisation du quartier des mineurs reste inadaptée au sein même d’un bâtiment occupé par des personnes détenues ayant un emploi et des personnes vulnérables incarcérées pour des affaires de mœurs. La recommandation émise par les contrôleurs en 2008, soulignant que la proximité de ces populations pouvait être source de tension, n’a pas été prise en compte. L’argument du maintien de cette localisation en raison du calme du bâtiment n’est pas recevable dans la mesure où les personnes vulnérables subissent continuellement des agressions verbales, notamment durant les promenades, rendant leur détention plus difficile et les incitant à ne plus sortir de leur cellule.

Le rattachement du quartier de semi-liberté au centre pénitentiaire doit être finalisé afin que soient réglées plusieurs difficultés de fonctionnement qui sont préjudiciables aux semi-libres.

Les contrôleurs ont constaté que l’état de ce quartier, s’il a été sensiblement amélioré par rapport à la description qui en avait été faite deux ans auparavant, doit faire l’objet d’une réfection générale, notamment au niveau des équipements des cellules : interphones, ventilation, WC, douche, aménagement d’une cellule pour personne à mobilité réduite ; un inventaire et un état des lieux devraient être établis au moment de l’installation de la personne. En outre, aucune évolution n’a été constatée s’agissant de l’absence d’activité et de la prise en charge sanitaire.

En revanche, plusieurs recommandations faites à l’issue du premier contrôle du quartier de semi-liberté ont été prises en compte, concernant notamment les horaires de réintégration qui sont désormais plus souples pour les personnes sans autre hébergement et dépourvue de moyens financiers.

II – Le fonctionnement de l’établissement est affaibli par des problèmes liés au manque de personnel de toutes catégories.

Le centre pénitentiaire ne bénéficie pas d’un nombre suffisant de surveillants. L’établissement dispose d’un personnel en effectif réduit malgré le taux d’occupation extrêmement élevé. Le manque de personnel et l’absentéisme endémique perturbent le fonctionnement courant. Très souvent mis en place, le mode de fonctionnement dit « dégradé », entraine à ne plus tenir certains postes, tel que le poste central de circulation (PCC), ce qui a des conséquences sur la vie en détention et sur la sécurité des personnes. Outre les difficultés liées au manque de personnel, le climat de violence entre personnes détenues mais également envers le personnel de surveillance occasionne stress et souffrance au travail.

Un membre du personnel a résumé auprès des contrôleurs la situation en ces termes : « nous sommes enfermés dans un cercle vicieux : sous-effectif, absentéisme, postes découverts, relâchement des contrôles, emprise des détenus les plus influents… Résultat : l’administration pare au plus pressé, traite les urgences et tente au mieux de faire face aux évènements. Mais elle ne parvient pas à endiguer le flot des violences, subies tant par les détenus que par les surveillants ».

Enfin, comme constaté en 2008, « une longue tradition syndicale ajoutée à une faiblesse du dialogue social mettent l’établissement en situation d’avoir à affronter des épisodes problématiques ». Les mouvements sociaux y sont très fréquents ; on en dénombre trente-cinq en sept ans, dont trois durant l’année 2014. Un dialogue social plus soutenu aux différents niveaux hiérarchiques devrait être conduit pour répondre aux sentiments d’épuisement du personnel.

De manière structurelle, le nombre de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et d’éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse est insuffisant au regard des besoins et le poste de psychologue dédié au parcours d’exécution des peines n’est pas pourvu.

Le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de l’Hérault souffre tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé d’un manque de personnel récurrent. Le nombre de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone ne permet pas d’assurer correctement l’ensemble des tâches confiées au service. Il est urgent conformément aux engagements pris par le ministère de la justice de faire bénéficier ce service d’un apport de personnel supplémentaire.

S’agissant de la prise en charge des mineurs, seuls quatre éducateurs pour un total de 3,3 postes équivalent temps plein sont affectés au quartier des mineurs et ne disposent que d’un seul bureau. Aucune modalité de prise en charge différenciée n’est mise en place ni même envisagée, en méconnaissance des dispositions de la circulaire du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs.

Enfin, il est regrettable que le dispositif de parcours d’exécution de peine (PEP) ne soit pas mis en place dans cet établissement par manque de psychologue, ne permettant pas aux personnes détenues de bénéficier de cet outil d’accompagnement et de suivi d’un projet individuel.

III – L’établissement connait un niveau de violence inquiétant.

Les relations entre personnes détenues se caractérisent par un climat de violence et par des rapports de force au sein de l’établissement. Les conséquences en sont triples : le climat est délétère ; les violences se développent dans les cours de promenade, ce qui dissuade de nombreuses personnes détenues de sortir de leur cellule, certaines sollicitant leur placement au quartier d’isolement ; des blessures sont fréquemment constatées.

Le diagnostic d’une augmentation régulière des violences depuis plusieurs années a conduit le chef d’établissement à mettre en place un comité de pilotage chargé d’analyser le phénomène et de proposer des mesures afin de les diminuer. Les travaux de sécurisation des cours de promenade ont notamment conduit à réduire les violences et les horaires de promenade ont été réorganisés. Néanmoins, ces mesures gagneraient à être complétées par l’élaboration de mesures préventives. constaté un défaut d’encadrement des mouvements, rendant les circulations internes aléatoires et compromettant la sécurité des personnes. Les images des caméras de vidéosurveillance ne sont exploitables qu’en partie du fait du défaut d’enregistrement de celles des couloirs et des coursives. Ce dispositif devrait être renforcé afin de couvrir l’ensemble des secteurs où sont commis des actes de violence par des caméras permettant d’enregistrer les images. S’agissant des mineurs et se référant à l’enquête conduite par les contrôleurs en 2014, il est constaté un apaisement des violences dans la cour et à l’encontre des arrivants, en partie consécutif à un réaménagement des cours de promenade mais également à une réponse disciplinaire plus rapide. En revanche, les décisions de mesures de bon ordre (MBO) ne sont ni prises dans un cadre pluridisciplinaire ni tracées.

IV – L’accès aux soins et les conditions de prise en charge médicale appellent plusieurs commentaires.

Plusieurs éléments positifs méritent d’être soulignés et notamment la permanence médicale mise en place 24 heures sur 24 par les médecins de l’établissement qui contribue à la continuité des soins. En outre, la dispensation des médicaments peut se faire en temps réel directement au guichet de la pharmacie à usage intérieur notamment à l’issue de la consultation, soit en cas de pathologie aigue, soit pour assurer la délivrance jusqu’au jour de la dispensation en détention. Un duplicata de l’ordonnance est systématiquement proposé à la personne détenue.

Enfin, lors d’un suicide, un suivi psychologique est systématiquement proposé aux codétenus de la personne décédée, aux personnes détenues qui se trouvaient à proximité de sa cellule et qui ont pu entendre sa détresse et aux personnels qui ont découvert le corps.

Une utilisation systématique des moyens de contrainte lors des extractions médicales à l’hôpital et une présence permanente des surveillants d’escorte durant les soins

La dignité des personnes détenues et la confidentialité des soins à l’hôpital lors des consultations, des examens, voire des interventions chirurgicales sont gravement atteintes, du fait de la présence systématique du personnel pénitentiaire aux côtés de la personne détenue. Les médecins devraient être davantage sensibilisés afin de veiller particulièrement au respect du secret médical dont le principe a été réaffirmé par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. L’établissement doit trouver des modalités de travail permettant d’améliorer cette situation qui n’est pas acceptable.

Il n’est pas prévu que l’unité sanitaire assure la prise en charge médicale des semi-libres.

La suggestion émise par les contrôleurs lors de leur visite de 2013 consistant à établir une convention avec le centre de santé situé à proximité du centre de semi-liberté, afin de faciliter les prises en charge sanitaires des semi-libres, n’a pas été suivie d’effet, de même que ne sont pas mis à disposition des documents relatifs aux différents problèmes de santé concernant cette population (alcool, hygiène dentaire, substances psychoactives…).