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Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Béziers (Hérault)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Béziers (Hérault)

Observation du ministre de la santé – CP de Béziers (2e visite)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la justice.

 

SYNTHESE

Six contrôleurs ont effectué un contrôle du centre pénitentiaire de Béziers (Hérault), du 9 au 13 mars 2015. Cette mission constituait une deuxième visite faisant suite à un premier contrôle réalisé du 19 au 23 septembre 2011.

Un rapport de constat a été adressé le 13 août 2015 au chef d’établissement et au directeur du centre hospitalier de Béziers, lesquels ont fait connaître leurs observations, respectivement, en date du 17 et du 22 septembre 2015. Le présent rapport de visite en tient compte.

Aucune observation n’est toutefois parvenue des différents responsables des services partenaires du centre pénitentiaire, en provenance notamment de la société propriétaire du site et des sociétés gestionnaires de l’établissement ainsi que du service pénitentiaire d’insertion et de probation, dont on ignore s’ils ont été à même de prendre connaissance du rapport de constat.

Le centre pénitentiaire de Béziers est l’un des établissements les plus importants de France en termes de capacité – 809 places théoriques – et d’occupation – 914 personnes hébergées lors de la visite – avec un taux d’occupation à 113 %, en hausse par rapport au précédent contrôle en 2011 (104 %).

Le centre pénitentiaire présente une situation hétérogène avec des caractéristiques différentes selon les quartiers.

Dans les quartiers des maisons d’arrêt, le taux d’occupation s’élève à 143 % et le droit fondamental à être placé en cellule individuelle relève de l’exception. Dès la mise en service de l’établissement, les cellules individuelles ont été équipées de deux lits superposés pour augmenter la capacité de couchage, qui a été ainsi portée à 1 024 lits. Cette politique contraint les personnes détenues à cohabiter en cellule, sans garantir pour autant à chacune de disposer d’un lit, comme cela était le cas au moment du contrôle pour une personne qui devait dormir sur un matelas posé à même le sol.

Dans les quartiers du centre de détention, la difficulté tient à la difficile mise en œuvre d’un régime devant privilégier la socialisation et la réinsertion des personnes condamnées à de longues peines. Elle résulte de la conception du centre pénitentiaire – dont le contrôle général préconise plusieurs années l’abandon[1] –, de la configuration architecturale quasi identique des bâtiments destinés à des personnes relevant de régimes de détention différents (maison d’arrêt, centre de détention) mais aussi du mode de gestion du régime différencié en place : le régime de responsabilité avec portes ouvertes n’est appliqué que dans la moitié des unités, les autres personnes étant soumises à un régime dérogatoire au regard des caractéristiques normales d’un centre de détention.

En outre, des personnes admises au régime de responsabilité peuvent ne pas en bénéficier faute de places disponibles en unité. La politique de transfèrement de l’administration pénitentiaire devrait permettre à un centre de détention de disposer d’un volant de cellules disponibles pour réaliser les affectations internes adéquates.

Enfin, l’implantation du quartier de semi-liberté dans une aile du centre de détention est totalement inadaptée. Cette situation confère de forts risques d’échec aux projets d’insertion – éloignement de la ville, porosité avec la détention ordinaire – ce qu’illustrent sa sous-utilisation ainsi que le nombre important de révocations des mesures de semi-liberté. Il est indispensable que le quartier de semi-liberté soit implanté à l’extérieur de l’enceinte du centre pénitentiaire.

Le fonctionnement de l’établissement est altéré par des difficultés de personnel.

Le centre pénitentiaire ne bénéficie pas d’un nombre suffisant de surveillants : sur les 208 postes budgétaires prévus à l’organigramme, le service s’organise avec 189 surveillants (« – 19 » chiffre négatif) soit près de 10 % de l’effectif théorique). Il en résulte un absentéisme important et un recours massif aux heures supplémentaires. Déjà évoquée à la suite de la première visite, l’organisation atomisée du service résultant de brigades spécifiques n’est pas de nature à faciliter la cohésion du personnel de surveillance, au sein duquel subsistent des tensions.

De manière structurelle, le nombre de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation est insuffisant au regard des besoins, tant du milieu ouvert que du milieu fermé. Au centre de détention, un conseiller a en charge 110 personnes et à la maison d’arrêt chacun d’eux suit 130 personnes. Il en résulte des priorités qui ont été définies par la direction du SPIP vers la prise en charge des seules personnes condamnées.

Il est urgent de faire bénéficier ces services d’un apport de personnel supplémentaire.

L’accès aux soins et les conditions de prise en charge médicale appellent deux séries d’améliorations.

La proportion des consultations non honorées au sein de l’unité sanitaire et le nombre d’annulations des extractions médicales à l’hôpital sont importants. Les causes en sont multiples, la plupart ne relevant pas de la responsabilité des personnes détenues. Cette situation illustre une réelle difficulté d’accès aux soins et réduit l’efficience du dispositif sanitaire. Chaque partie concernée devrait s’interroger sur sa pratique, ce qui nécessite une réelle implication des directions des deux établissements, pénitentiaire et sanitaire, afin que des solutions pérennes et efficaces puissent être dégagées et appliquées. Cette problématique devrait faire l’objet, de plus, d’un suivi national du nombre des rendez-vous sanitaires non honorés par établissement pénitentiaire et des mesures mises en place pour y remédier.

Le respect du secret médical et de l’intimité de la personne doit être mieux pris en compte lors d’une extraction à l’hôpital. L’escorte ne doit être ni à portée de vue ni à portée d’oreille pendant les temps de consultation ou d’examen. Les médecins hospitaliers devraient être sensibilisés et accompagnés pour respecter le code de déontologie en matière de respect du secret médical, ce qui devrait les amener à demander plus systématiquement à l’escorte de quitter le bureau de consultation. Les administrations hospitalière et pénitentiaire devraient examiner les modalités d’organisation visant à permettre le dialogue singulier pendant la consultation.

La persistance de ce problème sans que rien ne soit fait pour améliorer les pratiques professionnelles et garantir ce droit fondamental est inacceptable.

Enfin, les contrôleurs sont préoccupés par le climat de violence régnant en détention. Lors du contrôle, 150 personnes détenues, soit un cinquième de l’effectif présent, ont été dénombrées comme ayant fait le choix d’être mises à l’écart afin de préserver leur sécurité.

Tous les quartiers sont utilisés comme des « échappatoires » à la détention ordinaire afin de répondre à la demande de protection de la part des personnes détenues : les unités des centres de détention fonctionnant portes fermées, l’aile réservée en maison d’arrêt pour placer les auteurs d’infractions à caractère sexuel qui ne sortent quasiment jamais de leur cellule, le quartier d’isolement où les personnes sont quasiment toutes placées suite à leur demande, le quartier disciplinaire d’où les personnes refusent de sortir jusqu’à leur transfert, le quartier des arrivants, le quartier de semi-liberté…

Cette recherche de sûreté individuelle comporte des effets délétères. D’une part, les personnes concernées sont amenées de fait à ne pas exercer leur droit au travail, au suivi d’une formation ou à la participation aux activités. D’autre part, le transfèrement apparait comme la principale solution au problème alors que cette mesure – toujours hypothétique dans un contexte général de suroccupation – peut tarder à survenir, l’établissement n’en ayant de surcroît aucunement la maitrise. En outre, s’agissant des centres de détention, la demande d’enfermement volontaire de certaines personnes détenues conduit l’administration à renoncer aux objectifs de socialisation et de préparation à la sortie assignés à ce type d’établissement.

Les réponses apportées sont apparues insuffisantes. Le plan d’action contre la violence est un instrument utile en termes de constat et d’analyse du phénomène de violence. Il gagnerait cependant à être complété, en amont, par l’élaboration de mesures préventives, en particulier à partir d’une réflexion sur les causes de ces mises à l’écart, sur les logiques internes à la détention – notamment les effets de clan – et sur leur impact dans la vie quotidienne des personnes détenues.

 

[1] Rapport d’activité 2013 – Architecture et lieux de privation de liberté, pages 188 et suivantes.