Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite de l’unité pour malades difficiles de Sarreguemines (Moselle)

Rapport de la deuxième visite de l’unité pour malades difficiles de Sarreguemines (Moselle)

Observations du ministre de la santé – UMD de Sarreguemines (2e visite)

SYNTHESE

Quatre contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté ont effectué une visite l’unité pour malades difficiles de Sarreguemines (Moselle) du lundi 29 juin au vendredi 3 juillet 2015.

Cet établissement a précédemment fait l’objet d’une visite, du 27 au 30 juillet 2009.

A l’issue de la présente visite, les contrôleurs ont rédigé un rapport de constat qui a été communiqué au directeur du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines, le 2 octobre 2015. Celui-ci a répondu le 20 novembre 2015.

I/ Le centre hospitalier spécialisé (CHS), implanté à 2 km du centre-ville, attenant au centre hospitalier général, dessert une zone située au Nord-Est du département de la Moselle regroupant 215 375 habitants. Il est constitué de cinq pôles correspondant à quatre secteurs de psychiatrie adultes et à un intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile, d’une capacité totale de 518 lits.

1 – La réorganisation envisagée au sein de l’hôpital devrait permettre de reunir l’unité pour malades difficiles au sein d’une même entité et donc de renforcer sa cohérence.

En effet, au sein de cet établissement, les huit unités de l’unité pour malades difficiles (UMD), chacune de 18 lits (soit 144 lits au total), sont situées dans une zone distincte des unités de secteurs et sont réparties au sein de deux ensembles clos (l’un dénommé Lauzier et l’autre, Cabanis), comme c’était le cas lors de la précédente visite. Une unité de soins intensifs psychiatriques (USIP est maintenant installée à l’intérieur de la partie Cabanis, avec une entrée commune, mais est séparée des autres unités de l’UMD par une clôture (cf. § 3.1).

Au sein l’UMD, deux services se partagent les huit unités : cinq (une du premier service et quatre du deuxième service) sont installées à Cabanis et trois  (toutes du premier service), à Lauzier. Il est pris acte de la réorganisation prévue au sein de l’hôpital qui aura pour effet de regrouper les huit unités dans un même pôle, incluant par ailleurs l’USIP, les soins à la maison d’arrêt de Sarreguemines et la réadaptation psychosociale, ce qui devrait redonner de la cohérence à l’UMD. Elle permettra également aux psychiatres de se concentrer plus efficacement sur les soins à l’UMD, sans être obligés d’accorder des priorités à des soins dans les centres médico-psychologiques, jugés souvent plus urgents, et permettra d’harmoniser l’accès aux soins somatiques, organisés différemment dans les deux services  (cf. § 3.2, 3.3 et 6.2).

2 – Si des évolutions positives sont intervenues depuis la précédente visite, un pavillon offre encore des conditions d’hébergement insatisfaisantes et un projet de remplacement devrait être envisagé.

Le pavillon 5, dont le mauvais état avait été relevé en 2009, a été fermé. Les unités sont toutes installées dans des bâtiments de construction récente, en bon état, à l’exception de celle occupant le pavillon 9.

Ce bâtiment est vétuste, même si quelques travaux y ont été réalisés pour améliorer les conditions de vie. Des chambres individuelles, dotées d’aucun mobilier autre qu’un lit et sans même un lavabo, ressemblent toutefois à des chambres d’isolement. De plus, des chambres doubles sont équipées d’un WC protégé par une simple cloison basse n’assurant qu’une protection minimale, n’empêchant ni le bruit ni les odeurs. Ces condition d’hébergement ne garantissent pas l’intimité des patients. En l’absence de mobilier, les patients devant prendre leur repas en chambre sont contraints de s’asseoir sur le rebord du lit et de poser le plateau sur leurs genoux ; ces conditions sont d’autant plus indignes que les personnes restent parfois très longtemps dans ces unités. Les autres locaux, de taille réduite, ne répondent plus aux besoins et les professionnels travaillent dans de mauvaises conditions ; les visiteurs ne peuvent venir que le week-end car le seul local disponible est le bureau du cadre de santé. Le transfert de l’unité dans un bâtiment neuf devrait être rapidement mis à l’étude (cf. § 5.1.1.1, 5.2 et 5.4.1).

Par ailleurs, les dortoirs à trois lits, existant dans cinq unités, avec des lavabos alignés dans la chambre, les uns à côté des autres, et des WC placés dans un recoin non fermé par une porte, ne garantissent pas la dignité des patients et ne respectent pas leur intimité. Il en est de même, dans plusieurs unités, des oculus donnant directement sur les WC des salles d’eau des chambres (cf. § 5.1 et § 7.2.1).

Le pavillon 17, avec une unité au rez-de-chaussée et une autre à l’étage, a été mis en service depuis la précédente visite. Climatisé, avec des chambres individuelles bien équipées, il offre de bonnes conditions. Le seul regret que l’on peut formuler est l’absence de douches dans les chambres (cf. 5.1).

II/ Des constats opérés, certains éléments sont incontestablement positifs.

La cohésion des équipes et la solidarité de leurs membres sont à souligner. Les décisions difficiles se prennent véritablement en équipe et les psychiatres écoutent les avis des cadres de santé, des infirmiers et des aides-soignants. Chacun se sent ainsi reconnu dans son rôle. Le taux d’arrêt de travail est faible, malgré des actes de violence à l’encontre du personnel soignant (cf. § 3.3).

Une véritable réflexion sur les pratiques, associant médecins, infirmiers, psychologues et ergothérapeutes, est menée au sein de l’établissement, permettant d’aborder des sujets variés ; les relations sexuelles des patients en font partie. Celle relative à l’amélioration de la préparation à la sortie de l’UMD et du retour vers l’unité d’origine mérite d’être encouragée, d’autant que les patients indiquent être bien à l’UMD, avec des activités, des sorties et des libertés malgré l’espace clos, et craindre le retour, par peur de se retrouver en isolement ou en contention (cf. §  6.1.3).

Comme cela avait déjà été souligné à l’issue de la précédente visite, les activités sont nombreuses et variées, dont certaines requièrent de véritables savoir-faire (tapisserie, réfection de meubles…). Il s’agit d’un point fort, caractéristique de cette UMD.

Les patients peuvent ainsi accéder aux ateliers d’ergothérapie très rapidement après leur admission, en fonction des décisions médicales, sous le contrôle permanent de soignants. Ces ateliers sont très équipés, y compris avec des machines-outils. Les pécules versés aux patients pour le travail réalisé leur permettent par ailleurs d’effectuer quelques achats et d’améliorer leur ordinaire (cf. § 5.5).

Une équipe de soignants et de moniteurs prend en charge les activités sportives et, là encore, l’offre est importante et les installations, adaptées (cf. § 5.5.1.1 et 5.5.1.2).

Au sein des unités, les soignants organisent des activités, notamment les week-ends, en l’absence des ergothérapeutes et du personnel du service des sports (cf. § 5.5.2, 5.5.3.1 et 5.5.4.1).

Les sorties thérapeutiques, nombreuses, constituent également un autre point fort. Les patients peuvent en bénéficier très rapidement après leur admission, en fonction des décisions médicales. L’éventail des sorties est très large, allant de la promenade en ville pour faire des achats à celle en VTT ou à la pêche dans un étang. Le service des soignants est organisé en conséquence pour regrouper des effectifs importants les jours de sortie afin d’assurer l’encadrement nécessaire tout en poursuivant le service au sein des unités (cf. § 5.5.1.3).

Les cours des unités sont ouvertes en journée sous réserve de la présence d’un soignant, sauf au pavillon 9 où l’accès est libre en raison de sa configuration. Une partie, couverte, séparée de la cour proprement dite par des panneaux métalliques, est alors toujours accessible en journée, permettant aux fumeurs d’y accéder à leur rythme. Il convient d’observer que toutes les unités, même installées en étage, bénéficient d’un accès direct à cet espace (cf. § 5.5.3.2, 5.5.4.2 et 5.7).

Une salle d’audience a été créée dans de bonnes conditions au sein du centre hospitalier et le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Sarreguemines s’y déplace deux fois par semaine. L’organisation mise en place tient compte de la disponibilité des soignants accompagnateurs et des équipes de sécurité. Le temps d’attente des patients y est limité au maximum (cf. 4.8.2).

Le juge des libertés et de la détention prend du temps pour expliquer son rôle et écouter les patients. Il notifie directement sa décision à l’issue du délibéré à ceux présents à l’audience et l’explique. Ce mode de fonctionnement, pédagogique, mérite d’être souligné (cf. § 4.8.2.2).

Comme pour le téléphone, la règle pour recevoir des visites est la liberté et les interdictions constituent l’exception. Les modalités de prise de rendez-vous sont suffisamment souples pour s’adapter aux contraintes des familles habitant loin.

Plusieurs évolutions positives sont également intervenues depuis la précédente visite :

  • les familles paraissent mieux prises en compte par l’établissement qu’elles ne l’étaient lors de la précédente visite, malgré les difficultés liées à leur éloignement géographique ; cependant, des parcours souvent chaotiques conduisent certains patients à rompre tout lien familial et les proches ne sont pas toujours en mesure d’offrir un cadre soutenant et sécurisant (cf. § 2 et 4.4) ;
  • la commission départementale des soins psychiatriques reçoit désormais les patients de l’UMD lors de ses visites au centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines, comme le Contrôleur général des lieux de privations de liberté l’avait préconisé à l’issue de sa précédente visite (cf. § 4.10) ;
  • contrairement à ce qui avait été observé lors de la précédente visite, les téléviseurs sont désormais de bonne qualité et le nombre des chaînes est celui de la TNT (cf. § 5.5.3.3 et 5.5.4.3) ;
  • le centre hospitalier ne rencontre plus de difficultés pour que les patients réintègrent leurs unités d’origine après un séjour à l’UMD, telles qu’elles avaient été signalées lors de la précédente visite (cf. § 8).

III/ Certaines situations nécessiteraient cependant des améliorations.

En l’absence de centralisation des demandes d’admission en UMD et de leur examen à l’échelon national, les UMD se trouvent contraintes d’examiner un plus grand nombre de demandes sans être informées de celle présentées auprès des autres. Cette situation engendre donc des difficultés pour les établissements mais également et surtout pour les patients (cf. § 4.1.1).

Comme en 2009, l’établissement reçoit toujours des mineurs, ce qui constitue un sujet de préoccupation pour le personnel soignant d’autant plus que leur durée moyenne de séjour peut être longue, qu’aucun dispositif particulier relatif à leur prise en charge n’existe et qu’ils ne peuvent pas bénéficier d’un enseignement scolaire (cf. § 3.4).

Des pratiques différentes sont observées en ce qui concerne le port du pyjama et le placement à l’isolement au moment de l’admission : certains médecins appliquent la procédure d’admission de façon systématique et d’autres l’adaptent en fonction de l’état clinique du patient. Une réflexion devrait être engagée au sein des deux services afin d’harmoniser les pratiques(cf. § 4.1.2 et 6.1.1).

Si le livret d’accueil de l’hôpital est toujours fourni aux patients admis à l’UMD, des documents supplémentaires leur sont désormais remis. Cette bonne mesure, préconisée à l’issue de la précédente visite, mériterait d’être complétée par des précisions complémentaires pour les patients placés sous le régime de l’irresponsabilité pénale ou pour les patients détenus et la possibilité de saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté devrait y être mentionnée. Par ailleurs, les règles de vie devraient être remises à chaque arrivant, comme cela se pratique déjà dans quelques unités  (cf. § 4.2).

L’obligation faite aux patients de l’unité « 18 étage » de porter les vêtements de l’hôpital et non pas les leurs est une pratique d’autant plus mauvaise que ces vêtements ne leur sont pas attribués pour la durée de leur séjour mais peuvent, après avoir été nettoyés, être portés par d’autres patients de la même unité (cf. § 5.3).

Les conditions matérielles dans lequelles se déroulent les visites des proches ne sont cependant pas satisfaisantes dans toutes les unités en l’absence de salle affectée à cet usage car seules les unités du « 17 étage » et du « 17 rez-de-chaussée » en bénéficient (cf. § 4.4, 4.5 et  5.6.2). De même, seules ces deux mêmes unités disposent d’une salle prévue pour que les patients téléphonent. Dans les autres, les appels sont passés dans des locaux communs, n’offrant aucune confidentialité (cf. § 5.6.3).

Deux situations évoquées à l’issue de la précédente visite n’ont pas évolué :

  • les pavillons des deux parties de l’unité pour malades difficiles sont toujours les seuls désignés par un numéro et un étage, alors que tous les autres immeubles de l’établissement portent des noms de plantes, ces dénominations étant de nature à induire en erreur les familles sur la configuration des bâtiments (cf. § 2 et 3.2) ;
  • la tenue de service ne permet toujours pas de distinguer les infirmiers des aides-soignants (cf. § 3.3).