Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du centre éducatif fermé « Les Cèdres » à Marseille (Bouches-du-Rhône)

Rapport de visite du centre éducatif fermé « Les Cèdres » à Marseille (Bouches-du-Rhône)

Observations du ministre de la justice_CEF de Marseille

 

SYNTHESE

 Quatre contrôleurs se sont rendus au CEF de Marseille (Bouches-du-Rhône) du 8 au 11 juin 2015 afin d’y effectuer une visite. Un rapport de constat a été établi et adressé à la directrice du CEF de Marseille pour recueillir ses éventuelles observations. Cette dernière a fait connaître ses remarques au contrôle général des lieux de privation de liberté le 28 décembre 2015.

Le centre éducatif fermé « Les cèdres » de Marseille, offre une capacité théorique de douze places pour la prise en charge de mineurs de quinze à dix-huit ans, garçons et filles ; il n’a depuis son ouverture accueilli que des garçons. Le CEF n’ayant que dix-huit mois de fonctionnement au moment de la visite des contrôleurs, la mesure de son activité reste peu significative. L’établissement n’a jamais atteint sa capacité de douze mineurs, les prises en charge s’étant faites de manière progressive.

Situé dans le 9e arrondissement de cette ville au 8, avenue Viton, le centre est installé dans une maison bourgeoise dite « la bastide » de deux étages, au sein d’un jardin aux cèdres centenaires, dont le centre tire son nom. Au cours des années soixante-dix, le ministère de la Justice a financé l’adjonction d’un bâtiment d’un étage afin de l’aménager en foyer d’action éducative. Les locaux sont vastes, fonctionnels et bien entretenus.

Durant l’année 2014, les mineurs placés au CEF étaient essentiellement originaires du ressort de la direction interrégionale de la PJJ Sud-Est et pour beaucoup de la ville de Marseille. Les juges des enfants sont les premiers prescripteurs (58 %) suivis des juges d’instruction (26 %) puis des juges de la liberté et de la détention (9 %) et enfin du tribunal pour enfants (7%). Les mesures sont principalement des contrôles judiciaires (88 %) et des sursis avec mise à l’épreuve. Seuls deux mineurs en libération conditionnelle ont été pris en charge en 2014.

Les bâtiments constituant le CEF de Marseille offrent un cadre de vie et des conditions matérielles de prise en charge adaptées à la mission. Les locaux sont bien entretenus et ne montrent pas de dégradation majeure.

Le binôme de direction est dynamique et bien identifié par les mineurs.

Un protocole d’intervention pour le traitement des incidents est établi avec le TGI de Marseille, la direction interrégionale Sud-est de la PJJ, la direction territoriale des Bouches-du-Rhône, le commissariat et la gendarmerie.

Les comités de pilotages annuels réunissent outre les magistrats, les éducateurs du milieu ouvert, des représentants des services de l’Etat et des membres des comités de quartier, démontrant l’intérêt porté à cette structure.

Un point d’accès au droit implanté au CEF par le conseil départemental de l’accès au droit des Bouches-du-Rhône permet aux mineurs de recevoir une information générale sur des questions de droit les concernant.

Le renforcement de la prise en charge de la santé mentale est effectif au centre éducatif de Marseille : un pôle santé est constitué d’une psychologue, d’un pédopsychiatre et d’une infirmière.

S’agissant du personnel, si la norme de 24 ETP (hors enseignant et hors santé mentale), énoncée dans la circulaire de tarification de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse du 17 février 2012 est respectée, il n’en reste pas moins que sur les seize éducateurs, seuls quatre sont titulaires et ont bénéficié de la formation spécifique assurée par la protection judiciaire de la jeunesse. Six sont des stagiaires en pré-affectation et sept sont des contractuels recrutés par voie d’annonce.

L’enseignement n’a été assuré que ponctuellement de décembre 2013 à mai 2015 ; les enseignants détachés par le ministère de l’éducation nationale se sont succédés, ne permettant pas aux mineurs de bénéficier de l’enseignement pourtant obligatoire pour certains d’entre eux. C’est ainsi que les mineurs en âge scolaire (deux durant cette période) n’ont pu bénéficier d’un enseignement adapté conformément aux dispositions qui régissent les centres éducatifs fermés mais aussi au projet de service.

Les règles de fonctionnement si elles sont formalisées, sont souvent ignorées. Les activités, quoique programmées, ne sont effectives que si le jeune le souhaite. les contrôleurs ont remarqué de nombreux mineurs oisifs dans le parc du CEF ou errant dans les locaux. Le règlement énumère les sanctions sans caractère hiérarchique, pouvant laisser place à une large appréciation de l’équipe. Il est difficilement concevable de fermer les yeux dans la pratique sur ce qui est interdit par le règlement, les mineurs ayant besoin de repères clairs. Il en va ainsi de l’interdiction de fumer sur laquelle le discours des éducateurs n’est pas univoque.

Le défaut de mobilisation des éducateurs dans leur mission de surveillance souligne les difficultés que rencontre l’équipe de direction, malgré différentes notes de service, pour guider et contrôler leurs actions. Il n’est pas admissible que des mineurs soient régulièrement abandonnés à une inactivité totalement improductive, errant dans le jardin ou investissant sans prévenir les bureaux d’éducateurs.

La réunion hebdomadaire relative au fonctionnement devrait aborder les impératifs de surveillance, parfois négligés par les éducateurs. Nombre d’éléments soulignent les difficultés que rencontre parfois l’équipe de direction pour investir les éducateurs dans leurs missions de surveillance. L’équipe de direction mérite d’être soutenue dans sa tâche.

La notion de secret médical mériterait d’être clarifiée. La psychologue, le pédopsychiatre ou l’infirmière recueillent au cours des entretiens hebdomadaires, des éléments à caractère privé couverts par le secret médical qu’ils sont amenés à communiquer lors des réunions de synthèse ou dans les rapports aux magistrats.